Chine
Hu déçoit
Ce 82ème anniversaire du Parti communiste était attendu avec impatience, car il aurait dû donner à Hu Jintao, le nouveau président chinois, l’occasion d’affirmer son emprise sur le Parti. La presse chinoise diffusait depuis quelques semaines des articles commentant l’éventuelle instauration d’élections démocratiques à l’intérieur du Parti et une réforme de la constitution permettrant d’intégrer le droit à la propriété privée : «pour renforcer la construction du système du Parti, la tâche principale consiste à garantir les droits démocratiques de ses membres», commentait ainsi un éditorial du Quotidien du Peuple.
De notre correspondante à Pékin.
Lors du discours inaugurant un symposium de trois jours pour célébrer la longévité du Parti, Hu a déçu. Il a déçu le camp des réformateurs chinois, qui comptait sur l’amorce de changements politiques, fussent-ils limités au Parti. Et déçu les analystes, qui attendaient que Hu révèle enfin sa personnalité et son orientation politique, restées mystérieuses tout au long de sa carrière d’apparatchik. Contrairement à toute attente, Hu Jintao s’est contenté hier d’exhorter les membres du Parti communiste à étudier «avec un enthousiasme plus grand encore» la théorie des Trois Représentativités, ce corpus idéologique bancal laissé en héritage par Jiang Zemin. Hu s’inscrit ainsi dans la filiation directe de son prédécesseur et de toute la tradition idéologique chinoise puisque, a-t-il précisé, «les Trois Représentativités sont une adaptation du marxisme à la réalité de la Chine du XXIème siècle».
Ce discours relativement effacé du Président Hu Jintao illustre les tensions au sommet de l’État entre la tendance réformatrice, qui jouit du soutien de Hu, et les conservateurs, alignés derrière Jiang Zemin qui a gardé une grande influence dans le Parti grâce à son poste à la tête de la commission militaire centrale et à certains alliés bien placés dans la hiérarchie. Durant l’épidémie de pneumonie atypique (SRAS), la première tendance avait nettement pris l’avantage, en encourageant la couverture des événements par la presse locale et surtout en obtenant la démission du ministre de la Santé, Zhang Wenkang, coupable d’avoir étouffé l’affaire pendant plus de deux mois. La crise sanitaire avait permis à Hu Jintao de se poser en défenseur des intérêts du peuple face à la bureaucratie rigide du Parti. Mais elle avait également conduit à une escalade de la tension entre les deux factions du Parti communiste, puisque Zhang Wenkang était, et reste, un protégé de Jiang Zemin. La phase de répression qui avait immédiatement suivi le point culminant de l’épidémie révélait une contre-attaque des conservateurs : en l’espace de quelques mois, la presse a de nouveau été muselée, un énorme scandale financier impliquant de hauts cadres à Shanghai a été étouffé et des intellectuels, considérés comme dissidents, ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Léger glissement sémantique
L’anniversaire du Parti communiste s’inscrivait donc cette année dans un contexte tendu, électrisé davantage encore par les énormes manifestations qui ont agité Hong Kong et dont les médias locaux n’ont absolument pas parlé. Mais malgré ces circonstances difficiles, et sa fadeur apparente, le discours de Hu Jintao a néanmoins opéré un léger glissement sémantique par rapport à la théorie des Trois Représentativités qui pourrait se révéler intéressant s’il entraîne des conséquences pratiques. Le concept fourre-tout élaboré par Jiang Zemin cherchait à adapter l’assise populaire du Parti communiste aux mutations de la société en permettant l’intégration des entrepreneurs privés. Dans la logorrhée un peu obtuse du Parti : le PCC doit représenter «le développement des forces de production avancées, l’orientation de la culture avancée et les intérêts fondamentaux de la grande majorité du peuple». Une formulation suffisamment imprécise pour pouvoir être soumise à toutes les interprétations.
Dans son discours, Hu Jintao s’est donc focalisé sur la troisième des représentativités, en la tirant dans un sens beaucoup plus social que celui impliqué par la formulation de Jiang Zemin : «l’essence des Trois Représentativité est que le Parti doit se dévouer aux intérêts du public et gouverner pour le bénéfice du peuple», a déclaré le Président Hu, tout en soulignant que les membres du Parti devaient se consacrer à aider les pauvres ruraux et urbains. Une orientation discrète mais qui correspond à la fibre sociale revendiquée par le nouveau Président chinois. Reste désormais à savoir si les 67 millions de membres du géant communiste chinois prendront leur leader au pied de la lettre.
Lors du discours inaugurant un symposium de trois jours pour célébrer la longévité du Parti, Hu a déçu. Il a déçu le camp des réformateurs chinois, qui comptait sur l’amorce de changements politiques, fussent-ils limités au Parti. Et déçu les analystes, qui attendaient que Hu révèle enfin sa personnalité et son orientation politique, restées mystérieuses tout au long de sa carrière d’apparatchik. Contrairement à toute attente, Hu Jintao s’est contenté hier d’exhorter les membres du Parti communiste à étudier «avec un enthousiasme plus grand encore» la théorie des Trois Représentativités, ce corpus idéologique bancal laissé en héritage par Jiang Zemin. Hu s’inscrit ainsi dans la filiation directe de son prédécesseur et de toute la tradition idéologique chinoise puisque, a-t-il précisé, «les Trois Représentativités sont une adaptation du marxisme à la réalité de la Chine du XXIème siècle».
Ce discours relativement effacé du Président Hu Jintao illustre les tensions au sommet de l’État entre la tendance réformatrice, qui jouit du soutien de Hu, et les conservateurs, alignés derrière Jiang Zemin qui a gardé une grande influence dans le Parti grâce à son poste à la tête de la commission militaire centrale et à certains alliés bien placés dans la hiérarchie. Durant l’épidémie de pneumonie atypique (SRAS), la première tendance avait nettement pris l’avantage, en encourageant la couverture des événements par la presse locale et surtout en obtenant la démission du ministre de la Santé, Zhang Wenkang, coupable d’avoir étouffé l’affaire pendant plus de deux mois. La crise sanitaire avait permis à Hu Jintao de se poser en défenseur des intérêts du peuple face à la bureaucratie rigide du Parti. Mais elle avait également conduit à une escalade de la tension entre les deux factions du Parti communiste, puisque Zhang Wenkang était, et reste, un protégé de Jiang Zemin. La phase de répression qui avait immédiatement suivi le point culminant de l’épidémie révélait une contre-attaque des conservateurs : en l’espace de quelques mois, la presse a de nouveau été muselée, un énorme scandale financier impliquant de hauts cadres à Shanghai a été étouffé et des intellectuels, considérés comme dissidents, ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Léger glissement sémantique
L’anniversaire du Parti communiste s’inscrivait donc cette année dans un contexte tendu, électrisé davantage encore par les énormes manifestations qui ont agité Hong Kong et dont les médias locaux n’ont absolument pas parlé. Mais malgré ces circonstances difficiles, et sa fadeur apparente, le discours de Hu Jintao a néanmoins opéré un léger glissement sémantique par rapport à la théorie des Trois Représentativités qui pourrait se révéler intéressant s’il entraîne des conséquences pratiques. Le concept fourre-tout élaboré par Jiang Zemin cherchait à adapter l’assise populaire du Parti communiste aux mutations de la société en permettant l’intégration des entrepreneurs privés. Dans la logorrhée un peu obtuse du Parti : le PCC doit représenter «le développement des forces de production avancées, l’orientation de la culture avancée et les intérêts fondamentaux de la grande majorité du peuple». Une formulation suffisamment imprécise pour pouvoir être soumise à toutes les interprétations.
Dans son discours, Hu Jintao s’est donc focalisé sur la troisième des représentativités, en la tirant dans un sens beaucoup plus social que celui impliqué par la formulation de Jiang Zemin : «l’essence des Trois Représentativité est que le Parti doit se dévouer aux intérêts du public et gouverner pour le bénéfice du peuple», a déclaré le Président Hu, tout en soulignant que les membres du Parti devaient se consacrer à aider les pauvres ruraux et urbains. Une orientation discrète mais qui correspond à la fibre sociale revendiquée par le nouveau Président chinois. Reste désormais à savoir si les 67 millions de membres du géant communiste chinois prendront leur leader au pied de la lettre.
par Séverine Bardon
Article publié le 02/07/2003