Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

La visite de George Bush en Afrique

Bush au pays des bushmen

L’étape sud-africaine de la tournée africaine de George Bush a surtout porté sur les questions de paix et de sécurité. Malgré l’hommage appuyé du président américain au rôle de médiateur assumé par la «nouvelle» Afrique du Sud, Thabo Mbeki, le président sud-africain, a rappelé son opposition à toute intervention militaire américaine en Afrique.
De notre correspondante à Johannesburg

Après une heure d’entretien en tête-à-tête avec Thabo Mbeki, suivie d’une réunion en présence de conseillers et de ministres, George Bush a rendu un hommage appuyé à son hôte sud-africain. «J’apprécie notre relation forte et vitale», a-t-il dit. «J’apprécie vos avis, vos conseils et votre leadership, votre ouverture d’esprit et votre responsabilité». Les discussions ont surtout porté sur les questions de sécurité. Le président américain a félicité l’Afrique du Sud pour son rôle de médiation au Burundi, en République démocratique du Congo (RDC) et au Zimbabwe. «J’ai encouragé le président Thabo Mbeki à oeuvrer pour le retour de la démocratie dans ce pays important», a-t-il déclaré.

Quoi qu’il en soit, la bonne entente affichée par les deux chefs d’État, lors d’une brève conférence de presse, n’a pas empêché Thabo Mbeki de rappeler, d’une manière appuyée, le refus de toute ingérence militaire américaine sur le continent africain. Le chef de l’État sud-africain, qui avait fermement pris position contre la guerre contre l’Irak, en février dernier, s’était ensuite inquiété des vélléités américaines de procéder par la manière forte, en Afrique, pour obtenir des «changements de régime». «Nous, Africains, devons prendre la responsabilité de la paix et de la sécurité sur le continent», a-t-il répété lors de la visite de George Bush. Evoquant la situation au Liberia, Thabo Mbeki a notamment rappelé le déploiement prochain d’une force d’interposition ouest-africaine, décidé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), tout en se félicitant de l’appui financier et logistique des États-Unis.

Sur le Zimbabwe, les deux dirigeants ont nié avoir des points de vue divergents. George Bush a évoqué des tactiques différentes, faisant allusion à la diplomatie «silencieuse» adoptée par Pretoria, en contraste avec les déclarations de son secrétaire d’Etat sur le Zimbabwe. Mais il a affirmé être en quête du même résultat. Thabo Mbeki, lui, a reconnu «l’urgence» d’une solution à la crise zimbabwéenne, et insisté sur «l’existence» d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Un dialogue qu’il s’efforce inlassablement de promouvoir depuis deux ans, sans grands résultats. Changement sensible de ton dans son discours, cependant: il a reconnu que «des gens ordinaires ont faim», et que «l’on ne peut pas permettre à une situation de ce genre de s’éterniser». Ce n’est qu’après la mise en oeuvre d’une solution politique, a-t-il toutefois déclaré, qu’il faudrait «compter» sur une aide économique et financière américaine au Zimbabwe.

Sur un autre dossier brûlant, la lutte contre le sida, George Bush et Thabo Mbeki ont là encore écarté toute divergence de vues. Eludant une question sur l’accès, toujours bloqué par les autorités sud-africaines, des malades aux traitements antirétroviraux, Thabo Mbeki a mentionné la préparation d’un programme global de lutte contre le sida, comprenant la «sensibilisation, les infrastructures médicales, le traitement, etc». Ce programme permettra à l’Afrique du Sud de bénéficier d’une partie des 15 milliards de dollars d’aide que Washington entend consacrer d’ici 2008 à la lutte mondiale contre le sida. Plus direct, George Bush a abordé de front la question des antirétroviraux. «Nous développons une stratégie pour être sûrs que l’argent sera bien dépensé, a-t-il affirmé. Et l’argent bien dépensé signifie des vies sauvées».

Alors qu’une manifestation organisée par une «coalition anti-guerre» défilait dans les rues de Pretoria –avec le soutien ouvert du Congrès national africain (ANC, au pouvoir)– il n’a pas été question, devant la presse, du fort sentiment anti-américain provoqué en Afrique par l’intervention militaire américaine en Irak. Ni de la suspension, annoncée la semaine dernière, de la coopération militaire américaine avec l’Afrique du Sud, en raison du refus de Pretoria d’accorder à Washington une immunité devant la nouvelle Cour de justice internationale. Nelson Mandela, quant à lui, s’en est tenu à sa parole: il n’était pas dans le pays lors du passage de George Bush, qu’il a sévèrement critiqué, à plusieurs reprises. Le dirigeant le plus puissant de la planète n’a pas eu droit à la poignée de main avec le plus populaire des hommes politiques.



par Sabine  Cessou

Article publié le 09/07/2003