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Union africaine

Le pari de la paix

L’Afrique a désormais placé le maintien ou le retour de la paix en tête de ses priorités pour gagner la bataille du développement. Mais cet objectif reste difficile à atteindre et nécessite une mobilisation des ressources du continent tant sur le plan politique que matériel.
De notre envoyée spéciale à Maputo

Le chef d’Etat sud-africain Thabo Mbeki, président sortant de l’Union africaine (UA), a tenté de persuader ses pairs de mettre en place un conseil de paix et de sécurité pour s’occuper des conflits et de tout faire pour former rapidement une force de maintien de la paix africaine. Son successeur à la tête de l’organisation, le mozambicain Joaquim Chissano, qui reprend le flambeau pour un an, aura la lourde tâche d’en accélérer le processus. Il devra, selon les décisions prises à huis clos par les chefs d’Etat et de gouvernement, convoquer d’ici 4 ou 5 mois une conférence extraordinaire de l’UA, précédée de réunions régionales au cours desquelles les ministres de la Défense feront leur rapport sur les capacités de chaque pays à participer à cette force qui devrait avoir un commandement commun.

Plusieurs dirigeants africains ont reconnu l’importance de l'entreprise. Le président congolais Denis Sassou Nguesso s’est prononcé pour un «pacte panafricain contre l'agression» afin de combattre les conflits en Afrique, prévoyant une force africaine de paix. Il a affirmé que cela pourrait mettre fin à l'impuissance du continent à prévenir et à réduire les conflits qui l'ensanglantent et à arrêter «l'humiliation de devoir faire appel aux anciennes puissances coloniales» en cas de crise. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a insisté sur la nécessité de bien préparer le terrain, vue l’importance des engagements qui seront pris. De son côté, Thabo Mbeki, dès l’ouverture du deuxième sommet de l’UA jeudi à Maputo avait incité ses pairs à «tout faire pour que le Conseil de paix et de sécurité soit opérationnel avant la fin de l’année».

Absence de moyens

Le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, qui est ghanéen, avait quand à lui évoqué les horreurs perpétrées dans des pays en conflit comme le Libéria ou la République démocratique du Congo (RDC) pour fustiger les carences africaines.
Seuls 14 pays sur les 53 membres de l’Union africaine ont jusqu’à présent ratifié le protocole permettant la création du conseil de sécurité alors qu’une majorité de 27 est nécessaire. La formation de la force de maintien de la paix africaine se heurte à l’absence de moyens matériels et de volonté politique, même si des entités régionales comme la CEDEAO sont prêtes à intervenir militairement au Libéria et que l’Afrique du Sud a déjà envoyé des troupes en RDC. De son côté l’Angola, sorti d’une guerre civile de 27 ans, se déclare prêt à participer à une force africaine.

«Nous devons avant tout déterminer avec précision les effectifs et les moyens financiers d’une telle force», précise de son côté le ministre angolais de la Défense Kundi Pahyama, présent à Maputo, qui a participé à plusieurs réunions préparatoires. Il insiste sur l’importance de la logistique et d’une harmonisation des moyens car les armées africaines disposent de matériels de provenances différentes, pays de l’Europe de l’est ou matériel occidental. «Les ministres de la Défense doivent définir les paramètres et les chefs d’Etat prendre la décision politique», souligne-t-il, estimant qu’il faudra du temps, au moins deux ou trois ans, sans oublier que «l’Union européenne a mis 50 ans à adopter une politique de défense commune».

Le G8 a déjà donné son aval à une aide accrue pour encadrer les efforts en cours afin d’aider à la création de cette force africaine de maintien de la paix. Le Commissaire européen Romano Prodi, invité à Maputo, a de son côté réaffirmé l’appui de l’UE aux efforts africains. Il a indiqué que la Commission européenne était prête à proposer aux Etats membres et à leurs partenaires africains qu’une partie des fonds destinés au développement soit utilisée pour perfectionner les outils permettant de soutenir les opérations africaines de maintien de la paix. Jacques Forster, le vice-président du Comité international de la Croix rouge (CICR) présent sur plusieurs théâtres de guerre africains, invité lui aussi du sommet, insiste sur la nécessité «de préserver un espace pour une action humanitaire indépendante».



par Marie  Joannidis

Article publié le 12/07/2003