Irak
Les deux fils de Saddam Hussein sont morts
L'armée américaine affirme avoir tué les deux fils de Saddam Hussein, Oudaï et Qoussaï, dans de violents combats. Le Pentagone espère porter ainsi un coup violent à la guérilla irakienne. Pour la Maison Blanche, très critiquée ces dernières semaines, cette action spectaculaire constitue une diversion inespérée.
De notre correspondent New York
Les deux hommes se cachaient dans une luxueuse villa, à Mossoul, dans le nord de l'Irak. Lorsqu'une source a révélé l'information aux troupes américaines, des soldats du 101st Airborne Division ont encerclé la bâtisse, qui appartient à un cousin de Saddam Hussein. Oudaï et Qoussaï Hussein se sont barricadés à l'intérieur, et ont ouvert le feu sur leurs assaillants. Les forces américaines ont répliqué en pilonnant la maison avec des roquettes, tirées depuis des hélicoptères de combat. Le combat, qualifié de féroce, a duré plusieurs heures. Quatre soldats de la coalition ont été blessés. Quatre corps ont été retirés des décombres. «Nous sommes certains que Oudaï et Qoussaï ont été tués aujourd'hui», a affirmé le général américain Ricardo Sanchez. «Les corps étaient dans une condition telle qu'on pouvait les identifier». Il a toutefois refusé de dire si des échantillons d’ADN avaient fourni un résultat positif, se contentant d'affirmer que différentes techniques avaient été utilisées. Les deux autres corps sont probablement ceux d'un garde du corps, et du fils de Qoussaï Hussein, un garçon de 14 ans. Le gouvernement américain avait offert 15 millions de dollars de prime pour toute information menant à la capture ou l'élimination de chacun des deux fils. La prime pour Saddam Hussein, 25 millions de dollars, reste en jeu.
La Maison Blanche n'a pas dissimulé sa satisfaction. «Au cours d'une période de plusieurs années, ces deux personnes ont été responsables d'atrocités innombrables commises contre le peuple irakien, et elles ne peuvent plus jeter une ombre de haine sur l'Irak» ont fait savoir les services du président. «Le peuple irakien est plus en sécurité aujourd'hui. Nous poursuivrons les autres membres de ce régime meurtrier, où qu'ils se cachent» a pour sa part déclaré le secrétaire d'État Colin Powell. A Bagdad, la nouvelle a été accueillie par des tirs de joie. Mais dans la confusion, les forces américaines ont tué un homme et une fillette. Qoussaï était présenté comme un homme froid et déterminé, destiné à succéder à son père, dont il était le numéro deux. Il contrôlait une partie importante de l'appareil militaire et des services de renseignement. Son frère aîné Oudaï était un personnage brutal et sadique, qui aurait tué plusieurs fois sans raison sérieuse. Il dirigeait les fameux miliciens Fedayin et s'est rendu tristement célèbre en torturant certains des athlètes du Comité olympique qu'il dirigeait. Il contrôlait également la presse.
Un succès qui tombe à point nommé
Outre l'aspect symbolique de cette opération, l'armée américaine espère que les attaques contre ses forces, attribuées à des combattants loyaux à Saddam Hussein, seront réduites. C'est en tous cas l'opinion de Adnane Pachachi, un des représentants du Conseil de gouvernement transitoire irakien, nommé par les Etats-Unis. «Nous espérons que cela va conduire à une amélioration de la situation sécuritaire, et décourager beaucoup de ceux qui commettent des actes de violences, a-t-il déclaré à RFI. Ils vont peut-être se poser des questions, parce que cela veut dire que la capture de Saddam est probablement imminente». Ahmed Chalabi, dirigeant controversé du Congrès national irakien et appartenant lui aussi au Conseil de gouvernement irakien a également du mal à dissimuler sa joie. «C'est un choc pour Saddam. (...) Cela veut dire que les jours où il errait librement dans ce monde sont comptés. Saddam Hussein est en Irak, et il doit être très triste.» a-t-il déclaré sur RFI. Selon lui, «les Irakiens vont se sentir pleins de courage, le prestige de Saddam va diminuer, la peur qu'ont les gens de son retour sera réduite.»
Pour le président Bush, ce succès militaire tombe à point nommé. Ces dernières semaines, le moral des troupes était au plus bas. Alors que des soldats américains sont attaqués et tués presque quotidiennement en Irak, le soutien de l'opinion s'érode sérieusement. Depuis le début de la guerre, 153 soldats américains sont morts au combat, six de plus que lors de la première guerre du Golfe. Les armes de destruction massive irakiennes sont toujours introuvables, et le coût de la guerre, près de 4 milliard de dollars par mois, représente le double de ce qui avait été annoncé. La Maison Blanche a par ailleurs admis avoir commis une erreur, en accusant l'Irak d'avoir cherché à se procurer de l'Uranium en Afrique lors du discours du président sur l'état de l'Union, fin février. Cette affaire s'est transformée en mini-scandale politique, et a réveillé l'opposition démocrate. Le président a eu beau tenter d'écarter le sujet, il ne parvient pas à y échapper et baisse chaque semaine un peu plus dans les sondages.
Mardi, dans l'espoir d'étouffer l'affaire, un haut responsable de la Maison Blanche a accepté d'endosser la responsabilité de «l'erreur», jusque là rejetée sur le directeur de la CIA George Tenet. Stephen Hadley, Conseiller adjoint à la sécurité nationale, a présenté ses excuses. Il a admis avoir reçu deux mémos de la CIA et un coup de téléphone de George Tenet qui l'avertissaient du peu de fiabilité des informations sur le programme nucléaire irakien. Le 7 octobre 2002, fort de ces renseignements, il avait effacé l'accusation erronée d'un discours présidentiel. Quelques mois plus tard, il aurait «oublié» de prendre les mêmes précautions. Ces explications suffiront-elles ? C'est loin d'être évident. La question irakienne occupe désormais le centre de la vie politique américaine.
La Maison Blanche est forcée de faire jouer tous ses soutiens au Congrès pour bloquer une enquête parlementaire voulue par plusieurs ténors démocrates. Des poids lourds Républicains tentent par ailleurs de dissuader les médias de diffuser des spots télévisés ravageurs, payés par le parti démocrate et qui attaquent George Bush sur la question de l'uranium. Joseph Wilson, un ancien diplomate américain qui avait enquêté sur l'affaire de l'uranium pour le compte de la CIA se rebelle aussi. Il affirme être victime d'une campagne de dénigrement de la Maison Blanche qui le punirait pour avoir révélé que la CIA savait depuis longtemps que l'accusation sur les tentatives d'acquisition d'uranium par l'Irak était infondée. Il pense que le gouvernement américain cherche à faire de lui un exemple, pour dissuader ceux qui comme lui pourraient témoigner des exagérations des preuves contre l'Irak à la veille de la guerre.
Ecouter également :
Le choix de RFI Toufik Benaichouche, sur la mort lors d'une opération militaire des deux fils de Saddam Hussein, Oudaï et Qoussaï.
L'inivté de la mi-journée, Loulouwa Al Rachid
chercheuse et spécialiste de l'Irak à l’ICG (International crisis group).
Les deux hommes se cachaient dans une luxueuse villa, à Mossoul, dans le nord de l'Irak. Lorsqu'une source a révélé l'information aux troupes américaines, des soldats du 101st Airborne Division ont encerclé la bâtisse, qui appartient à un cousin de Saddam Hussein. Oudaï et Qoussaï Hussein se sont barricadés à l'intérieur, et ont ouvert le feu sur leurs assaillants. Les forces américaines ont répliqué en pilonnant la maison avec des roquettes, tirées depuis des hélicoptères de combat. Le combat, qualifié de féroce, a duré plusieurs heures. Quatre soldats de la coalition ont été blessés. Quatre corps ont été retirés des décombres. «Nous sommes certains que Oudaï et Qoussaï ont été tués aujourd'hui», a affirmé le général américain Ricardo Sanchez. «Les corps étaient dans une condition telle qu'on pouvait les identifier». Il a toutefois refusé de dire si des échantillons d’ADN avaient fourni un résultat positif, se contentant d'affirmer que différentes techniques avaient été utilisées. Les deux autres corps sont probablement ceux d'un garde du corps, et du fils de Qoussaï Hussein, un garçon de 14 ans. Le gouvernement américain avait offert 15 millions de dollars de prime pour toute information menant à la capture ou l'élimination de chacun des deux fils. La prime pour Saddam Hussein, 25 millions de dollars, reste en jeu.
La Maison Blanche n'a pas dissimulé sa satisfaction. «Au cours d'une période de plusieurs années, ces deux personnes ont été responsables d'atrocités innombrables commises contre le peuple irakien, et elles ne peuvent plus jeter une ombre de haine sur l'Irak» ont fait savoir les services du président. «Le peuple irakien est plus en sécurité aujourd'hui. Nous poursuivrons les autres membres de ce régime meurtrier, où qu'ils se cachent» a pour sa part déclaré le secrétaire d'État Colin Powell. A Bagdad, la nouvelle a été accueillie par des tirs de joie. Mais dans la confusion, les forces américaines ont tué un homme et une fillette. Qoussaï était présenté comme un homme froid et déterminé, destiné à succéder à son père, dont il était le numéro deux. Il contrôlait une partie importante de l'appareil militaire et des services de renseignement. Son frère aîné Oudaï était un personnage brutal et sadique, qui aurait tué plusieurs fois sans raison sérieuse. Il dirigeait les fameux miliciens Fedayin et s'est rendu tristement célèbre en torturant certains des athlètes du Comité olympique qu'il dirigeait. Il contrôlait également la presse.
Un succès qui tombe à point nommé
Outre l'aspect symbolique de cette opération, l'armée américaine espère que les attaques contre ses forces, attribuées à des combattants loyaux à Saddam Hussein, seront réduites. C'est en tous cas l'opinion de Adnane Pachachi, un des représentants du Conseil de gouvernement transitoire irakien, nommé par les Etats-Unis. «Nous espérons que cela va conduire à une amélioration de la situation sécuritaire, et décourager beaucoup de ceux qui commettent des actes de violences, a-t-il déclaré à RFI. Ils vont peut-être se poser des questions, parce que cela veut dire que la capture de Saddam est probablement imminente». Ahmed Chalabi, dirigeant controversé du Congrès national irakien et appartenant lui aussi au Conseil de gouvernement irakien a également du mal à dissimuler sa joie. «C'est un choc pour Saddam. (...) Cela veut dire que les jours où il errait librement dans ce monde sont comptés. Saddam Hussein est en Irak, et il doit être très triste.» a-t-il déclaré sur RFI. Selon lui, «les Irakiens vont se sentir pleins de courage, le prestige de Saddam va diminuer, la peur qu'ont les gens de son retour sera réduite.»
Pour le président Bush, ce succès militaire tombe à point nommé. Ces dernières semaines, le moral des troupes était au plus bas. Alors que des soldats américains sont attaqués et tués presque quotidiennement en Irak, le soutien de l'opinion s'érode sérieusement. Depuis le début de la guerre, 153 soldats américains sont morts au combat, six de plus que lors de la première guerre du Golfe. Les armes de destruction massive irakiennes sont toujours introuvables, et le coût de la guerre, près de 4 milliard de dollars par mois, représente le double de ce qui avait été annoncé. La Maison Blanche a par ailleurs admis avoir commis une erreur, en accusant l'Irak d'avoir cherché à se procurer de l'Uranium en Afrique lors du discours du président sur l'état de l'Union, fin février. Cette affaire s'est transformée en mini-scandale politique, et a réveillé l'opposition démocrate. Le président a eu beau tenter d'écarter le sujet, il ne parvient pas à y échapper et baisse chaque semaine un peu plus dans les sondages.
Mardi, dans l'espoir d'étouffer l'affaire, un haut responsable de la Maison Blanche a accepté d'endosser la responsabilité de «l'erreur», jusque là rejetée sur le directeur de la CIA George Tenet. Stephen Hadley, Conseiller adjoint à la sécurité nationale, a présenté ses excuses. Il a admis avoir reçu deux mémos de la CIA et un coup de téléphone de George Tenet qui l'avertissaient du peu de fiabilité des informations sur le programme nucléaire irakien. Le 7 octobre 2002, fort de ces renseignements, il avait effacé l'accusation erronée d'un discours présidentiel. Quelques mois plus tard, il aurait «oublié» de prendre les mêmes précautions. Ces explications suffiront-elles ? C'est loin d'être évident. La question irakienne occupe désormais le centre de la vie politique américaine.
La Maison Blanche est forcée de faire jouer tous ses soutiens au Congrès pour bloquer une enquête parlementaire voulue par plusieurs ténors démocrates. Des poids lourds Républicains tentent par ailleurs de dissuader les médias de diffuser des spots télévisés ravageurs, payés par le parti démocrate et qui attaquent George Bush sur la question de l'uranium. Joseph Wilson, un ancien diplomate américain qui avait enquêté sur l'affaire de l'uranium pour le compte de la CIA se rebelle aussi. Il affirme être victime d'une campagne de dénigrement de la Maison Blanche qui le punirait pour avoir révélé que la CIA savait depuis longtemps que l'accusation sur les tentatives d'acquisition d'uranium par l'Irak était infondée. Il pense que le gouvernement américain cherche à faire de lui un exemple, pour dissuader ceux qui comme lui pourraient témoigner des exagérations des preuves contre l'Irak à la veille de la guerre.
Ecouter également :
Le choix de RFI Toufik Benaichouche, sur la mort lors d'une opération militaire des deux fils de Saddam Hussein, Oudaï et Qoussaï.
L'inivté de la mi-journée, Loulouwa Al Rachid
chercheuse et spécialiste de l'Irak à l’ICG (International crisis group).
par Philippe Bolopion
Article publié le 23/07/2003