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Côte d''Ivoire

Seydou Diarra devant les patrons français

Le Premier ministre ivoirien en visite officielle à Paris rencontre les plus hautes autorités de l’Etat, mais également les représentants des milieux d’affaires français. Devant le Medef (le patronat français), le Premier ministre et sa délégation ont cherché à rassurer les investisseurs potentiels. Ils ont également appelé à la relance des activités économiques entre les deux pays.

Le soutien des institutions financières internationales et l’aide à l’économie de la Côte d’Ivoire sont strictement liés à l’application des accords de Marcoussis, signés le 24 janvier 2003. Tous les Ivoiriens en sont aujourd’hui convaincus. Les fonds promis par l’Union européenne tardent à venir et les arriérés des institutions financières, en soutien à l’économie, s’élèvent déjà à plus de 300 millions d’euros, selon les chiffres publiés par les services du Premier ministre. L’économie est exsangue et le plus inquiétant pour les experts ivoiriens est le manque de perspective et des coups de fouets nécessaires pour relancer les activités économiques. Les progrès effectués en matière de réconciliation nationale sont trop récents pour provoquer le déclic attendu auprès des investisseurs. Pour cela Seydou Diarra reprend l’initiative sur le plan international en rendant visite au premier partenaire de la Côte d’Ivoire qu’est la France. Point d’exercice de charme, mais plutôt étalage des réalités et des capacités de l’économie ivoirienne à repartir de l’avant : c’est l’essentiel de la prestation du Premier ministre devant les hommes d’affaires français le 29 juillet.

La Côte d’Ivoire qui est la troisième économie sub-saharienne, après l’Afrique du Sud et le Nigeria, connaît depuis trois ans une récession de son économie. La dégringolade des indices économiques correspond au saut dans l’instabilité politico-militaire que connaît le pays depuis Noël 1999. La chute des cours du café et du cacao (dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial), avait marqué, à la fin des années 90, le début des problèmes économiques qui allaient se doubler de discours politiques rejetés par une partie de la population, le tout faisant le lit des insurrections armées. Pour la première fois en Côte d’Ivoire l’indice de production industrielle est à -4,4%. Malgré cela, les chiffres publiés du commerce extérieur restent positifs, concernant l’exercice 2002. La Côte d’Ivoire avait dégagé un excédent de 830 millions de dollars de la balance des transactions courantes.

Les réserves des milieux financiers

Ces chiffres ne masquent pas la baisse actuelle d’appareil de production industrielle qui se fixe à -36,6% pour le premier trimestre 2003. Selon les chiffres publiés par la mission économique de l’ambassade de France en Côte d’Ivoire, l’inflation serait en hausse de 4 % et sur le plan du commerce du détail une régression de 13,4% est notée. Le ralentissement de la consommation et des échanges nord-sud a pesé dans cette balance. C’est pourquoi le Premier ministre et son équipe parient sur les effets positifs de la réconciliation nationale qui réunifieront les échanges dans le pays, à travers les structures nationales, et non plus tournés vers le Mali et le Burkina Faso, pour ce qui concerne la moitié nord du pays. Le programme de Seydou Diarra prend en compte également l’évolution de la sécurité sur le plan national, assurée conjointement par les Fanci (Forces armées nationale de Côte d’Ivoire), les Français de l’opération Licorne, les forces de la CEDEAO et les Forces nouvelles (ex-rebelles), pour que les opérateurs économiques ne détournent plus leur route des centres et ports de Côte d’Ivoire.

Le pari du Premier ministre, naturellement très ambitieux sur l’avenir de la Côte d’Ivoire, rencontre tout de même quelques réserves dans les milieux financiers. Le gouvernement a misé sur un taux de croissance de 1%, au lieu des 6% de ces dernières années pour établir son budget 2003 à 1 518,9 milliards de francs CFA, en baise de 17% par rapport au budget 2002. Les institutions financières émettent des doutes sur la capacité du gouvernement de trouver les recettes inscrites au budget. La réponse des autorités ivoiriennes est de convaincre d’abord ces mêmes institutions et les bailleurs de fonds de libérer les fonds nécessaires pour appuyer les efforts engagés. Le problème de l’économie ivoirienne actuellement est celui de la confiance non retrouvée entre les différents acteurs. Les autorités ivoiriennes multiplient pour cela les signaux de climat politique apaisé. Le président de la République, qui a toujours tenu un discours de réconciliation, mais accusé de pousser ses supporters à dire tout haut ce qu’il pense tout bas, a fini par convaincre les siens de le rejoindre sur le même terrain. La crédibilité des uns et des autres sur le plan politique apparaît désormais en Côte d’Ivoire comme un élément catalyseur pour la relance de l’économie.

Un premier signe de cette nouvelle orientation s’est manifesté par les déclarations de Charles Blé Goudé, leader des «jeunes Patriotes», mouvement de jeunes nationalistes qui soutiennent le président Laurent Gbagbo. Il prône désormais la réconciliation nationale et avoue son changement d’opinion concernant la France qu’il accusait de complicité avec les rebelles. Ce discours procède d’une prise de conscience que l’économie d’un pays ne se bâtit pas uniquement sur les potentialités nationales, mais qu’elle dépend en grande partie d’un climat de paix et d’une certaine confiance exprimée de tous les acteurs des différentes branches d’activité.



par Didier  Samson

Article publié le 30/07/2003