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Sénégal

Cacophonie autour de l'épave du «Joola»

Entre le Premier ministre Seck et le président Wade c'est la cacophonie, notamment sur le traitement du naufrage du bateau le Joola. Alors que vendredi, Idrissa Seck, avec tout son gouvernement et les bailleurs de fonds annonçaient à Ziguinchor que l'épave du bateau était désormais considérée comme un «sanctuaire», deux jours plus tard, le dimanche, le président Wade acceptait le «principe» du remorquage de l'épave.
De notre correspondant à Dakar

Pour le Premier ministre Idrissa Seck, l'épave du bateau le Joola ne sera pas renflouée comme le souhaitent plusieurs parents des victimes du naufrage survenu le 26 septembre 2002 au large des côtes de la Gambie faisant plus de 1 850 victimes. Elle restera un «sanctuaire». Deux nouveaux bateaux seront mis en service quelques jours avant la date anniversaire du naufrage. Pour reconstruire la Casamance dévastée par plus de vingt ans de guerre, un programme spécial de 140 milliards de FCFA est prévu à cet effet avec l'appui des partenaires (UE et Banque mondiale). Telles sont les principales mesures annoncées aux populations casamançaises à Ziguinchor par le Premier ministre Idrissa Seck, à l'occasion du séminaire gouvernemental tenu dans la capitale de la région Sud le vendredi18 juillet 2003.

Promesse électorale du candidat Wade lors de la présidentielle de 2000, mais devenue une question nationale majeure depuis la catastrophe du Joola, le retour de la paix en Casamance a été omniprésent dans le discours du premier ministre sénégalais à Ziguinchor. Les rencontres successives du chef de l'État avec l'Abbé Diamacoune Senghor, les multiples rencontres d'émissaires des deux parties ont ainsi abouti à la mise en place d'un programme spécial qui englobera les volets suivants: réconciliation, reconstruction, réhabilitation, et, relance économique. Ce mini-plan Marshall en direction de la région Sud pour ramener les rebelles armés du MFDC à de meilleurs sentiments, coûtera la bagatelle de 140 milliards de FCFA dont 67,1 milliards des partenaires du Sénégal.

Il reste que sur les questions d'actualité qui «fâchent» depuis quelques mois, le chef du gouvernement a semble t-il, verrouillé toutes les portes de futures discussions. Il en est ainsi du renflouage du Joola réclamé par plusieurs familles des victimes, notamment les familles étrangères, comme cette délégation des Pays-Bas actuellement au Sénégal. En effet, Idrissa Seck est catégorique: l'épave restera où elle est: «Pour ce qui est de l'épave du Joola, les experts ont déterminé que la coque se disloquerait vraisemblablement lors d'une quelconque tentative de renflouement, bateau est profondément ensablé. Trop peu d'effets personnels pourraient être récupérés souvent en très mauvais état, et non identifiables. Devant ces réalités et dans le souci sincère d'éviter un vain espoir et un nouveau traumatisme aux familles, nous considérons à présent l'épave du Joola comme un sanctuaire». Et en rapport avec les autorités de la Gambie, des mesures qui s'imposent seront prises pour «une signalisation adéquate». Comme on l'a vu plus haut, le président Wade semble pour sa part plus souple.

Sortie musclée

L'autre question qui «fâche» et qui oppose depuis mois les autorités sénégalaises et les familles des victimes concerne le taux d'indemnisation. Là également le chef du gouvernement a tranché pour 5 millions de FCFA par victime là où les collectifs des familles réclamaient encore 20 millions. Pour Idrissa Seck, la «vie humaine ne peut souffrir d'aucune surenchère monétaire». Aussi, sans «aucune volonté arbitraire, l'État s'est évertué à atteindre les limites budgétaires dans son assistante aux familles. C'est ainsi que le ministère du Budget a décaissé une avance de trésorerie de 1 milliard de FCFA pour permettre à l'agent judiciaire de l'État, dès mardi (ce mardi 21juillet), d'établir les titres de paiement aux mandataires des familles ayant constitué les dossiers complets reçus par la commission d'indemnisation» Seulement voilà: alors qu'on pensait cette décision du premier ministre définitive, le président Wade, selon Boubacar Bâ, le président du collectif national des victimes qui a participé à l'audience de la famille hollandaise, à Ziguinchor: c'est 5 millions à prendre ou à laisser. Encore une fois qui croire du président et de son Premier ministre ?

Cette sortie musclée du chef du gouvernement faite à Ziguinchor le vendredi dernier, va en effet être 48h après plus tard, atténuée par le président Wade en recevant une famille hollandaise à Dakar, famille qui a perdu deux enfants dans le naufrage. En effet, le chef de l'État, après avoir fait état de ses doutes sur les possibilités du remorquage du bateau, a finalement accepté «le principe» de celui-ci. Dans ce cas de figure, il devrait faire une lettre au Parlement européen pour demander officiellement une aide pour le renflouement du bateau. Son Premier ministre, lui, deux jours plutôt, avait exclu cette possibilité.

Il reste maintenant ce qui peut apparaître comme des bonnes nouvelles. D'abord le désenclavement de la région avec le remplacement dans les prochaines semaines du Joola en ce qui concerne la navigation maritime. Le chef du gouvernement a en effet, annoncé l'achat de deux bateaux et qui devraient être mis en circulation avant la date anniversaire du drame. Pour plus de sécurité, ces bateaux feront le trajet en sept heures au lieu de 15h avec le Joola et ne circuleront que de jour. En ce qui concerne le «programme spécial de reconstruction» de la Casamance, l'État a prévu 140 milliards de FCFA dont 67,1 des partenaires. La Banque mondiale pour sa part a d'ores et déjà, transformé un prêt de 10 millions de dollars en don. Ces décaissements concerneront les secteurs de la vie en Casamance (routes, agriculture, école, santé, tourisme, réinsertion d'anciens maquisards etc).

Pour la première fois depuis son accession au pouvoir, le président Wade a pris des engagements fermes qui engageront son septennat: le retour de la paix en Casamance. Des engagements qui sont en grande partie dépendants des futures négociations avec le MFDC de Diamacoune. Négociations elles mêmes suspendues à une rencontre interne du mouvement prévue à Bissau à une date qui n'est toujours pas connue. Traditionnellement, les maquisards respectent une pause durant l'hivernage, la période des cultures. Au gouvernement de transformer la pause hivernale en paix définitive.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 23/07/2003