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Sahara occidental

L'ONU «<i>soutient</i>» le plan Baker sans l'adopter

Le temps presse et à quelques heures de l’expiration du mandat de la MINURSO, la mission des Nations unies sur le Sahara occidental, et de celui de James Baker, l’envoyé personnel de Kofi Annan dans la région, le Conseil de sécurité se devait de trouver un compromis concernant le projet de résolution de Washington présenté le 11 juillet dernier à l’ONU. Les tractations autour de ce texte, qui outre le renouvellement des deux mandats invite à l’adoption du plan Baker, se sont en effet révélées des plus ardues et après l’échec des experts à trouver une solution, les ambassadeurs des pays membres du Conseil ont dû intervenir dans les consultations.
Le compromis qui semble se dégager confirme la reconduction de l’envoyé personnel de James Baker et prolonge le mandat de la MINURSO au 31 octobre prochain. En revanche concernant le plan Baker, le Conseil devrait «soutenir» («support») et non «entériner» comme prévu ce texte qui a obtenu l’assentiment du Front Polisario et de l’Algérie mais qui a été vigoureusement rejeté par le Maroc.

Rabat a opposé en effet mercredi une fin de non recevoir au plan Baker lors de la réunion à huis clos des ambassadeurs des pays membre du Conseil de sécurité. Le représentant du Maroc a justifié cette position en faisant valoir que ce texte était «contraire aux intérêts nationaux fondamentaux du royaume et à la paix et à la sécurité dans la région du Maghreb». «De toutes façons, a également précisé Mohamed Bennouna, le Maroc ne peut accepter un plan de paix qu’il n’a pas eu l’occasion de discuter ni avec l’envoyé personnel ni avec les autres parties». Ni le Front Polisario, qui dispute depuis 28 ans au Maroc la souveraineté sur cette ancienne province espagnole, ni l’Algérie, qui le soutient, n’ont pour leur part souhaité intervenir, estimant suffisant leur accord de principe sur le plan Baker.

Depuis plusieurs semaines, les couloirs des Nations unies sont en effet le théâtre d’intenses tractations. La France, alliée traditionnel du royaume, soutenue par des pays comme la Guinée ou la Bulgarie, a tenté de convaincre les autres membres du Conseil de sécurité de ne pas imposer un plan de paix qui n’aurait pas eu au préalable le soutien de toutes les parties. Officiellement, Paris n’est pas opposé au plan de James Baker mais elle estime qu’il est essentiel que le Maroc et le Front Polisario parviennent d’abord à un accord sur le fond que le Conseil entérinera par la suite. Le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, en visite la semaine dernière au Maroc, l’avait d’ailleurs rappelé. «Il y a eu un travail important fait par M. Baker ? Ce que nous souhaitons, c’est que dans le respect des positions de la France voisines de celles du Maroc, on puisse éviter une situation de blocage dans les discussions de l’ONU», avait-il déclaré.

L’insistance de la France semble avoir porté ses fruits puisque les Etats-Unis sont désormais prêts à des concessions, certes formelles, sur le projet de résolution qu’ils ont présenté le 11 juillet dernier aux Nations unies. Le nouveau texte, qui serait en fait une initiative américano-russo-chilienne, propose au Conseil de sécurité de«soutenir» et non plus d’«adopter» le plan Baker qualifié de «solution politique optimale sur la base de l’accord des deux parties». Il appelle en outre «les parties et les Etats de la région à œuvrer avec les Nations unies et entre elles à l’acceptation et à la mise en place de ce plan». Ce compromis est toutefois une bien maigre consolation pour le Maroc puisqu’il prend officiellement en compte le plan de James Baker que le royaume a pourtant vigoureusement rejeté.

Une autonomie à laquelle le Maroc n’est pas prêt

Le plan de paix proposé par l’envoyé personnel de Kofi Annan –le cinquième en douze ans– prévoit que le statut définitif de l’ancienne province espagnole, administrée par le royaume depuis 1975, sera décidé d’ici 4 à 5 ans par la voie d’un referendum. Trois options seront soumises aux votants : l’indépendance, l’intégration au Maroc ou l’autonomie au sein du royaume. Pour être adoptée, une option devra réunir 50% des suffrages exprimés. Si aucune n’obtient ce résultat, un deuxième tour sera alors organisé au cour duquel ne seront proposées que les deux questions qui auront recueilli le plus de voix au premier tour. Alors que l’organisation d’un referendum bute depuis des années sur le choix des personnes habilitées à y participer, le plan de James Baker permet de contourner ce problème. Il prévoit en effet que seront admises à voter les personnes âgées d’au moins 18 ans et qui figurent soit sur la liste d’identification provisoire arrêtée par la MINURSO le 30 décembre 1999, soit sur la liste de rapatriement dressée le 31 octobre 2000 par le Haut commissariat aux réfugiés. Les personnes qui auront en outre résidé de manière continue au Sahara occidental depuis le 30 décembre 1999 seront également autorisées à participer au scrutin.

Même si ces nouvelles listes électorales semblent favoriser le Maroc, le royaume refuse de s’engager dans le plan de paix de James Baker qui prévoit qu’avant la tenue du referendum, l’ancien territoire espagnol sera gouverné par une Autorité du Sahara occidental (ASO) qui bénéficiera d’une très large autonomie. Et c’est certainement sur ce point en particulier que Rabat n’est pas prêt à faire des concessions. L’ASO aura en effet des compétences exclusives en matière de gouvernement local, de budget territorial, de fiscalité, de développement économique, de sécurité intérieure, de police, de protection sociale… Le Maroc ne conservera lui ses prérogatives qu’en matière d’Affaires étrangères, de sécurité nationale et de défense extérieure.

Le plan Baker prévoit ainsi l’élection dès la première année de son entrée en vigueur d’une assemblée législative qui permettra de désigner l’Autorité du Sahara occidental et de son chef, chargés du pouvoir exécutif. Il prévoit également que le pouvoir judiciaire sera exercé par une Cour suprême du Sahara occidental et par des tribunaux inférieurs que l’ASO pourra décider de créer.

Jamais un plan n’aura détaillé de façon aussi précise l’autonomie dont pourrait jouir le Sahara occidental. Une autonomie à laquelle le Maroc ne semble visiblement pas prêt.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 31/07/2003