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Irak

La Jordanie cible des terroristes

Un acte prémédité et organisé. Pour les responsables jordaniens, l´attentat contre la représentation diplomatique du royaume dans le quartier résidentiel d´Al-Mansour à Bagdad n´est pas dû au hasard : la Jordanie a bien été délibérément ciblée. La sophistication de l´opération avec l´utilisation de roquettes tirées sur une voiture bourrée d´explosif, ne laisse guère planer de doutes sur le “professionnalisme” des assaillants.
Pour Chaher Bak, secrétaire d´Etat aux Affaires étrangères, le saccage de l'ambassade qui a suivi l'attaque "démontre que cet acte était intentionnel". Des dizaines d'Irakiens en colère ont en effet vandalisé l'ambassade jordanienne, arrachant le drapeau jordanien et brûlant les portraits du roi Abdallah II et de son père, le défunt roi Hussein.

Pourquoi la Jordanie est-t-elle ainsi visée? Difficile à dire en l´absence de revendication. Les officiels jordaniens refusent en tout cas de lier l´attentat à l´asile accordé à deux des filles de Saddam Hussein, Rana et Raghad, dans le royaume. Il est vrai que journal Al-Moutamar appartenant à Ahmed Chalabi, recherché par la justice jordanienne pour la faillite de la banque Pétra en 1989, a récemment lancé une campagne virulente contre la Jordanie, l´accusant d´accueillir des membres du régimes et de leurs familles, comme celle de Tarek Aziz.

Les auteurs de l´attentat ont peut-être voulu punir le royaume hachémite de son alliance trop étroite avec les Etats-Unis. Depuis sa création, la Jordanie est un fidèle allié de Washington. Lors de la guerre contre l´Irak, le roi Abdallah II avait autorisé l´armée américaine à déployé plus de 10 000 hommes sur son territoire. Les responsables de l´ancien régime irakien ont souvent dénoncé l´attitude de la Jordanie, notamment lors de l´expulsion de diplomates irakiens de la capitale jordanienne en pleine guerre. Amman était accusé de duplicité avec Bagdad. Les partisans de Saddam ont-il voulu lui faire payer son double jeu ?

Rêve monarchique à bagdad

La Jordanie joue aujourd´hui la carte humanitaire en Irak. Elle a mis en place un hôpital de campagne à Fallouja, théâtre de nombreuses attaques anti-américaines, et accueille des patients irakiens dans ses centres hospitaliers. A l´unisson des autres pays arabes, le roi Abdallah a refusé d´envoyer des soldats en Irak, malgré d´intenses pressions américaines, pour ne pas cautionner ouvertement l´occupation de son voisin.

Mais en coulisses, les responsables jordaniens nourissent des ambitions politiques en Irak, et caressent l´espoir d´une restauration monarchique à Bagdad. Du strict point de vue de la descendance dynastique, le prince Raad qui vit à Amman est le prétendant le plus légitime au trône d´Irak. Il est le candidat du palais contre le prince Ali bin Hussein, l´autre prétendant à la couronne. L´attentat d´Al-Mansour risque fort de doucher froid les projets jordaniens.

La piste islamiste n´est non plus pas à exclure. Les groupes salafistes et wahhabites qui opèrent actuellement en Irak ne portent guère le royaume hachémite dans leur coeur. Amman est le premier pays à avoir interpellé en 1994 des membres d´Al-Qaida, l´organisation d´Oussama Ben Laden. Depuis les attentats di 11 septembre aux Etats-Unis, les services de renseignement jordaniens travaillent main dans la main avec la CIA, dans leur campagne anti-terroriste. Au grand dam de la nébuleuse islamique qui veut faire de l´Irak une terre du Jihad, c´est-à-dire de la guerre sainte contre l´Amérique et ses alliés.



par Christian  Chesnot, Amman

Article publié le 08/08/2003