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Irak

Saddam seul contre la Coalition

La disparition de Oudaï et de Qoussaï est un nouveau coup dur pour Saddam, quelques semaines après l’arrestation de son secrétaire personnel Abed Hammoud, son homme de confiance. Les Irakiens ont certes salué l’élimination des deux fils de l’ex-président, mais ont aussi critiqué la manière utilisée par les Américains.
De notre envoyé spécial à Bagdad

Peu d’Irakiens ont jeté une larme sur les dépouilles d’Oudaï et de Qoussaï, les fils de Saddam Hussein, tués mardi à Mossoul au cours d’un siège de plus de six heures d’affrontement. Les deux hommes étaient encore plus détestés que Saddam Hussein. Ils incarnaient la face noire du régime: chapeautant tout l’appareil sécuritaire, Qoussaï était le premier centurion de son père, Oudaï, un mafieux psychopathe et brutal dirigeait la milice des Fedayin de Saddam de sinistre réputation.

La radio de Bagdad a salué leur disparition en expliquant que c’était là le «châtiment qu’on réservait aux criminels de l’ancien régime et aux hors la loi». Dans la banlieue chiite de Sadr City à Bagdad (anciennement «Saddam City»), on a aussi savouré l’annonce de la mort des fils de Saddam Hussein. Personne n’a oublié ici la répression orchestrée par Oudaï et Qoussaï contre le quartier. Les habitants de Sadr City n’ont jamais pardonné à ce dernier d’avoir dirigé en 1999 l’assassinat du grand ayatollah Mohammed Sadeq Al-Sadr, un religieux vénéré par les chiites.

«Nous avons encore le cœur à la vengeance», explique ce gérant d’un bain public. Mais les habitants de ce quartiers miséreux font aussi valoir qu’ils attendent des Américains certes qu’ils coupent les têtes de l’ancien régime mais surtout qu’ils améliorent leur vie quotidienne. «Nous avons faim, voulons de l’électricité, de l’eau, des emplois et surtout de la sécurité», lance énervé l’un des clients du bain public. Car «Saddam et sa clique, disent-ils, c’est du passé» car tous rêvent à présent d’un avenir meilleur.

Pour d’autres Irakiens, la joie est plus mitigée. L’opération menée par les soldats américains ressemble plus à une exécution pure et simple. Ils auraient dû, selon eux, les capturer vivant pour être ensuite jugé. «Aucun être humain ne peut être heureux de ce qui s’est passé, explique Fakhran Al-Saded, un chef de tribu de Bagdad, nous aurions voulu qu’Oudaï et Qoussaï soient traduits devant la justice. Ils auraient dû être jugés conformément à la loi. Quelle différence y a-t-il avec Saddam Hussein qui tuait comme ça les gens, on a fait la même chose aujourd’hui, je ne crois pas que c’était la bonne méthode».

En tout cas, les États-Unis se sont eux réjouis de la nouvelle. La mort des deux fils tombent à point nommé pour Washington, qui avait besoin d’un trophée, pour faire remonter le moral de ses troupes en Irak. A défaut d’avoir la tête de Saddam, l’armée américaine a eu la peau de Qoussaï et d’Oudaï, respectivement numéros 2 et 3 sur la liste des 55 personnes de l’ancien régime les plus recherchées.

Plus isolé que jamais

Leurs disparitions vont-elles pour autant donner un coup de frein aux actes de résistance contre les GI’s ? C’est peu probable. Paul Bremer, l’administrateur civil américain, s’est d’ailleurs voulu très réaliste: «il faut s’attendre à ce que dans les prochains jours, il y ait un risque plus important d’attaques de représailles», a-t-il déclaré. Comme un mauvais génie, Saddam Hussein s’est d’ailleurs rappelé au bon souvenir des forces de la Coalition, en faisant parvenir à la chaîne de télévision Al-Arabiya une nouvelle cassette audio datée du 20 juillet –enregistrée avant la mort de ses deux fils– où il invite les Irakiens à la résistance.

Mais, Saddam est plus isolé que jamais après la perte de ses deux fils, et il y a quelques semaines l’arrestation de son secrétaire personnel Abed Hammoud. L’ancien président dispose cependant encore de nombreux partisans. Le Pentagone les a évalué à environ 15 000 membres des anciens services de sécurité et de 7 à 8000 combattants de la milice des Fedayin de Saddam que dirigeait Oudaï.

Grâce à son trésor de guerre, Saddam peut encore acheter des loyautés et rémunérer ses hommes. Il sait aussi que ce n’est pas une assurance. A Mossoul, ces deux fils ont été «vendus», soit par cheikh Zaydan, le propriétaire de la maison où ils se trouvaient, soient par le voisinage. Désormais pour les Américains, il est le prochain sur la liste.



par Christian  Chesnot

Article publié le 24/07/2003