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Etats-Unis

Un conseiller trop encombrant

Le Pentagone met sur la touche l'un de ses hommes. L'amiral John Poindexter impliqué dans le scandale de l’Irangate, devrait démissionner ou être démissionné de son poste de conseiller. On lui reproche d’avoir supervisé deux projets pour le moins controversés pour lutter contre le terrorisme.
L’administration Bush va écarter John Poindexter. Cet amiral à la retraite déjà célèbre pour son implication dans l’Irangate dans les années 80, quittera dans les semaines à venir son poste de conseiller du Pentagone. On lui reproche d’être l’auteur d’un programme expérimental de lutte anti-terroriste pour le moins étonnant. John Poindexter qui voulait révolutionner les méthodes de renseignement traditionnelles, a eu l’étrange idée de vouloir créer une «bourse aux attentats».

Une sorte de marché à terme sur lequel les investisseurs auraient spéculé sur la probabilité de guerres, attentats ou autres évènements similaires à travers le monde. Les spéculateurs auraient pu parier, par exemple, sur les risques d’assassinat du président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Supervisé au sein de la DARPA, l’agence du Pentagone spécialisée dans les projets de recherche avancée en matière de défense, ce programme a suscité un véritable tollé. La création de ce marché aux attentats a provoqué «stupeur et dérision». Le projet a été qualifié «d’étrange, d’agressif voire d’incroyablement stupide» par des membres du Congrès, qu’ils soient démocrates ou républicains, et le Pentagone a annoncé récemment qu’il y renonçait.

Le TIA : le Big Brother américain

C’est ce projet farfelu qui a coûté à l’amiral sa place au ministère américain de la Défense. Pourtant cet ancien conseiller à la sécurité nationale de Ronald Reagan n’en est pas à son coup d’essai. La méthode John Poindexter en exaspère plus d’un. Plus grave encore : son autre projet du nom de «Total Information Awareness» rebaptisé «Terrorist Information Program» (TIA) le 20 mai dernier par la DARPA. Ce vaste programme de surveillance électronique et de collecte d’informations à l’échelle planétaire a suscité de vives réactions aux Etats-Unis depuis son annonce en 2002.

Et pour cause, le TIA entend collecter toutes les bases de données informatisées possibles, publiques ou privées, états-uniennes ou étrangères. Il veut intégrer toutes les informations recueillies par les systèmes d’interception, principalement le réseau Echelon. Avec le TIA, la notion même d’anonymat risque de perdre une bonne partie de sa signification. Au nom de la sécurité nationale, le programme s’étend à de nombreux domaines de la sphère privée : informations médicales, données bancaires, données personnelles (état-civil, casier judiciaire, permis de conduire), écoutes téléphoniques. Avec pour objectif de détecter les comportements individuels suspects et identifier les terroristes potentiels.

Avec la création du TIA, le fragile équilibre entre liberté et sécurité se trouve également menacé. D’où une mobilisation des associations de défense des libertés publiques et des ONG qui travaillent sur le problème des écoutes parmi lesquelles des représentants de l’American civil liberties union (Aclu) et de l’Electronic privacy information center (Epic). Elles ont été rejointes dans leur combat par les instances européennes de Bruxelles. Ce programme «contrevient à toutes les réglementations européennes sur la protection de la vie privée», a indiqué le président du groupe de travail de la Commission européenne chargée de la protection des données personnelles.

Cette effervescence médiatique autour du TIA a réussi à attirer l’attention des parlementaires américains. Le TIA a fortement déplu aux Sénateurs. Un amendement du Sénat voté en juillet 2003 stipule qu’aucune dépense au sein du budget du Pentagone ne devra lui être consacrée. Le texte proposé par le Sénat doit être désormais examiné par la Chambre des représentants.



par Myriam  Berber

Article publié le 03/08/2003