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Indonésie

La Jamaah Islamyah touchée à la tête

Le chef historique de la Jamaah Islamyah, également membre d’Al-Qaïda, a été arrêté en Thaïlande. L’Indonésie, la principale victime du terrorisme islamiste asiatique, oscille aujourd’hui entre soulagement et crainte de représailles.
De notre correspondant à Djakarta

L’homme le plus recherché d’Asie du sud-est est maintenant sous les verrous. Hambali, le chef historique de la structure opérationnelle Jamaah Islamyah a été arrêté dans la ville d'Ayuthaya dans le centre de la Thaïlande. L’arrestation a eu lieu lundi mais elle n’a été rendue public que jeudi soir pour des motifs qui restent encore à éclaircir. Les Etats-Unis, qui ont annoncé les premiers la capture d'Hambali ont précisé que le suspect était détenu et interrogé par la CIA, qui a participé à l’opération policière thaïlandaise, dans un lieu tenu secret. Celui que l’on surnomme souvent le «Ben Laden d’Asie du sud-est» devrait être ensuite transféré vers l’Indonésie comme le suggère la déclaration du ministre des Affaires étrangères indonésien Hassen Wirayuda: «Quand les Américains n'auront plus besoin d'Hambali, il nous sera alors remis, car nous en avons besoin dans le cadre des actes terroristes commis en Indonésie, pour que nous puissions l'interroger et le déférer devant la justice».

Le trait d’union entre la Jamaah Islamyah et Al-Qaïda

Hambali, de son vrai nom Riduan Isamuddin, est un Indonésien de 37 ans. Il est né à Java dans un milieu très modeste et fut rapidement gagné par la ferveur musulmane. À 18 ans, il part en Malaisie pour fuir la dictature du général Suharto qui réprime alors tous les mouvements islamistes. Il intègre l’école coranique d’Abou Bakar Bachir, le prédicateur indonésien suspecté d’être le guide spirituelle de la Jemaah Islamyah et arrêté au lendemain de l’attentat de Bali. A la fin des années 80, Hambali se porte volontaire dans la guerre contre les Soviétiques en Afghanistan. Il y rencontre Oussama Ben Laden qu’il retrouve, une fois la guerre finie, dans un camps d’entraînement taliban. Les deux hommes s’entendent bien, au point qu’Hambali soit aujourd’hui suspecté d’appartenir au premier cercle des dirigeants d’Al-Qaïda. C’est à ce titre qu’il figure sur la liste des hommes les plus recherchés de la planète, publiée par les États-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

Mais c’est en Asie du sud-est qu’Hambali gagnera ses galons de terroriste chevronné. Il retourne en Malaisie au milieu des années 1990 pour mettre en place les réseaux de la Jamaah Islamyah, une organisation dont l’objectif ultime est d’instaurer un Etat islamique sur tous les pays musulman du sud-est asiatique. En 1995, il organise une opération, déjouée au dernier moment, visant à faire exploser douze avions de ligne américains au dessus de l'océan Pacifique. Il serait également responsable de plusieurs attentats aux Philippines et de l’attaque contre des églises indonésiennes qui avaient fait 17 morts et des centaines de blessés dans la nuit de noël 2000. On l’accuse également d’avoir planifié et ordonné les attentats de Bali et de l’hôtel Mariott à Djakarta.

L’arrestation d’Hambali est donc, assurément, le coup le plus dur jamais porté à la Jamaah Islamyah. Touché à la tête, la nébuleuse islamiste asiatique n’en est pas pour autant décapitée. Car la Jamaah Islamyah est le produit de réseaux anciens, régionaux et très étanches entre eux. Autant d’atouts qui lui permettent de se restructurer très rapidement. On estime ainsi qu’une trentaine de cellules sont encore actives dans l’Archipel. L’Australie, les États-Unis et la police indonésienne ont d’ailleurs multiplié les appels à la vigilance ces derniers jours. Ces craintes s’appuient sur une liste découverte, il y a un mois, lors de l’arrestation de militants islamistes à Semarang dans le centre de l’île de Java. Cette liste, rendue partiellement publique cette semaine, contient une soixantaine de cibles d’attentat nommément désignées: sept compagnies pétrolières américaines, des personnalités indonésiennes, des hypermarchés et des discothèques de Djakarta.

La police avait également saisi des explosifs, des détonateurs ainsi que deux lance-roquettes, pouvant servir, pourquoi pas, à détruire des avions de lignes en plein vol. Autre motif d’inquiétude: la thèse du kamikaze contre l’hôtel Marriott se précise. Si elle se confirmait définitivement, il s’agirait, après l’attentat de Bali, de la deuxième opération suicide perpétrée en Indonésie en moins d’un an. Le très sérieux magazine indonésien, Tempo, affirme même qu’une unité de la Jamaah Islamyah, les Laskars Khos, serait spécialement formé à ce type d’attaque. Et pour ne rien arranger, l’Indonésie entre dans une année de campagne électorale, une période propice, ici, à toute forme de surenchère. Bref, l’arrestation d’Hambali constitue forcement une bonne nouvelle mais le pire reste peut-être encore à venir en Indonésie.



par Jocelyn  Grange

Article publié le 02/09/2003