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Côte d''Ivoire

Les ministres de la discorde

La nomination des ministres manquants ne résout aucun problème. Bien au contraire. Le gouvernement de réconciliation nationale, devient celui de la discorde. Le conseil des ministres est boudé et les querelles reprennent au plus haut sommet de l’Etat.
Six mois après l’accord de Marcoussis signé par les principaux acteurs politiques ivoiriens, le gouvernement de la République est enfin au complet. Les portefeuilles litigieux, celui de la Défense et de la Sécurité, ont finalement été pourvus mais déjà posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Martin Bléou est ministre de la Sécurité. Membre fondateur de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (Lidho), il est souvent présenté comme un homme de conviction. Au ministère de la Défense, c’est le haut fonctionnaire René Amani qui a été choisi. Mais au delà des noms qui ont été retenus, il semblerait aujourd’hui, dans certains milieux politiques à Abidjan, que la protestation vienne surtout de la procédure de nomination adoptée par le président Laurent Gbagbo.

Henriette Diabaté, ministre d’Etat, ministre de la Justice, reproche au président de la République de ne pas en référer au Conseil national de sécurité (CNS), pour entériner par décret le choix de ce dernier. En fait, le président Laurent Gbagbo a fait son choix parmi les quatre noms qui lui ont communiqués, alors que le CNS aurait dû se réunir pour procéder à une désignation par consensus. Les ministres issus des «Forces nouvelles» (ex-rebelles) reprochent au président de la République «d’imposer son choix» alors l’organe compétent pour la désignation de ces ministres est le CNS, comme le stipule l’accord d’Accra qui complète celui de Marcoussis. Henriette Diabaté, qui est également secrétaire générale du RDR (Rassemblement des républicains), réagit au nom de son parti en appelant à l’arbitrage du Comité de suivi de l’accord de Marcoussis.

Quant aux Forces nouvelles, elles «n’entérinent pas ces choix, elles tireront toutes les conséquences de cette situation à l’issue d’une prochaine réunion», précise un communiqué de l’ex-rébellion. Elles protestent contre la méthode du président et soulignent par ailleurs «qu’il est évident que les Forces nouvelles n’amorceront jamais le désarmement auprès de personnalités en qui elles n’ont aucune confiance». Au même moment le ministre de la Défense, René Amani, prenant fonction fait le vœu de «réussir le programme de réunification de la Côte d’Ivoire» en s’attaquant à un des grands dossiers de son ministère, le «DDR» (Désarmement, démobilisation et réinsertion). Mais la prise de fonction, si elle est effective dans les ministères concernés l’est moins au sein du gouvernement, qui décidément, n’arrive pas à se réunir au grand complet en Conseil les ministres. Le RDR et les Forces nouvelles l’ont boudé, lui préférant les réunions de leurs états-majors respectifs.

Le président Laurent Gbagbo s’étonne de ces différentes prises de position et prend à témoins tous ceux qui «sont fatigués de la guerre». «C’est l’heure du réveil, je demande à tous les patriotes de se tenir debout et mobilisés. Assez aux gens sans foi ni loi, des gens insatiables. Nous avons connu, nous avons défendu ce que nous défendre. Les femmes sont à l’abri, les enfants sont à l’abri. Il faut que les hommes sortent», lâche le président Laurent Gbagbo en réaction aux propos de ceux qui lui reprochent une méthode cavalière dans la nomination des ministres. La ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, bouclant sa visite en Côte d’Ivoire n’a pas réagi, surprise certainement par ces propos, alors qu’elle était venue valider un calendrier de «reprise en main de la situation» concocté par le Premier ministre Seydou Diarra (Cf. nos précédents articles), et que l’armée française devait appuyer. La nomination des ministres de la Défense et de la Sécurité hypothèque à nouveau la paix en Côte d’Ivoire.



par Didier  Samson

Article publié le 15/09/2003