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Environnement

La forêt française en feu

L’incendie de la forêt française est liée à la fois à une conjoncture météorologique particulière, à l’imprudence et à la malveillance de quelques-uns et à une gestion négligente.
La sécheresse, la canicule, du vent en rafales, des incendiaires : tous les éléments étaient réunis cette année pour que la France connaissent l’un de ses pires étés sur le front des incendies. Lors d’un bilan, provisoire, lundi 1er septembre, le ministre de l’Intérieur a souligné qu’il était «le plus lourd depuis 15 ans». Alors que le feu continue de brûler le massif méridional des Maures et le maquis Corse, ce bilan s’établit à ce jour à la réduction en cendres de 54 000 hectares de forêts françaises. Mardi soir, les pompiers estimaient que les foyers étaient «stables, mais non maîtrisés». Au cours de cette journée, dans ce massif, malgré les 1 500 pompiers à l’œuvre, les 10 avions bombardiers d’eau dont les rotations sont permanentes, le feu a parcouru 4 500 hectares et en a dévoré 3 000. En Corse, depuis vendredi, ce sont 10 000 hectares de garrigues qui ont été dévastés.

Depuis un mois et demi, les effectifs et le matériels sont exploités à flux tendu. Les pompiers sont épuisés et les témoignages de découragement se multiplient face à l’incapacité des services à faire face, malgré le courage, le dévouement et le professionnalisme dont ils font preuve. Ils ont chèrement payé le prix de leur engagement. Parmi les sept morts déplorés depuis le début de cette crise, trois étaient des pompiers, avalés par les flammes lundi. Pourtant, en dépit de la fatigue et du manque de moyens, la lutte n’est pas vaine et tout le monde s’accorde pour saluer le travail extraordinaire effectué par les soldats du feu. Notamment les élus Jacques Chirac en tête dont l’hélicoptère s’est posé, mardi 2 septembre, dans la petite commune varoise de La Garde-Freinet où il a salué «le courage et l’abnégation de la communauté des sapeurs-pompiers à nouveau durement frappé». Le chef de l’Etat a également réclamé une «très très grande fermeté» contre les pyromanes et précisé qu’il avait demandé à son ministre de la Justice d’être «très vigilant sur l’exemplarité des peines» qui seront prononcées.

L’homme, à la fois suspect et solution

Face à l’ampleur de la catastrophe, la piste criminelle est en effet privilégiée. Lors d’une visite sur la base de la sécurité civile de Marignane (près de Marseille), lundi, le ministre de l’Intérieur a indiqué que, depuis le début de l’été, les services de police avaient procédé à l’interpellation de 88 personnes, dont 34 concernant des mineurs, donnant lieu à 24 incarcérations après comparution immédiate. Les enquêteurs en sont arrivés à se demander «pourquoi cet acharnement sur ce massif (des Maures) et toujours dans la même zone ?». A force de rassembler des indices, les gendarmes ont élaboré des catégories : les inconscients, qui jettent leur mégot de cigarette n’importe où, les vengeurs, qui mettent le feu pour réparer l’injustice qu’ils estiment avoir subi, et les pyromanes qui jouissent d’être capable de provoquer un spectacle «sons et lumières» démesuré et finissent par se faire repérer en raison d’un comportement bizarre. D’autres catégories sont évoquées : les chasseurs, les bergers, les pompiers eux-mêmes, les promoteurs immobiliers. Selon le lieu et l’époque, on dispose toujours d’un profil de coupable adapté à la situation. Mais le feu court toujours plus vite que l’enquête.

On ne manque donc ni de conditions atmosphériques parfaites, ni de suspects idéaux pour expliquer cette calamité. Mais ces incendies, comme d’autres catastrophes «naturelles», révèlent également un aspect incontournable de l’activité humaine : la forêt française n’est plus exploitée ni entretenue comme elle l’était jadis. En 1830, elle recouvrait 8 millions d’hectares et constituait une ressource économique indispensable, gérée et exploitée. Aujourd’hui elle recouvre 15 millions d’hectares et coûterait plus qu’elle ne rapporte si elle était entretenue à hauteur des 29% du territoire national qu’elle représente. Pour contrôler une forêt, plaide les spécialiste, il faut des chemins (coupe-feux), du cheptel (pour défricher), bref du travail, donc des hommes. C’est coûteux et apparemment improductif dans le cadre d’une économie marchande moderne.

Or, en ce début de troisième millénaire, on constate surtout une progression des friches, bien moins onéreuses et bien plus propices au départ de feu. Et lorsque l’incendie a ravagé le paysage et qu’une campagne de réhabilitation s’impose, encore faut-il veiller à ne pas privilégier les essences qui s’enflammeront à la première sollicitation. C’est ainsi que l’on voit le pin (à croissance rapide) régner en maître là où le chêne (plus lent) s’imposerait, favorisant l’acidification des sols et leur préparation aux prochains départ de feux. Enfin le morcellement de l’habitat complique d’autant plus qu’il entrave la gestion collective de la forêt et que les propriétaires ne respectent guère l’élémentaire règle de sécurité qui exige d’eux qu’ils débroussaillent dans un rayon de 50 mètres autour de chez eux. Principal suspect, l’homme est aussi la solution du problème.



par Georges  Abou

Article publié le 03/09/2003