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Syrie

Damas se veut conciliant face aux menaces américaines

La tension est montée d’un cran lundi lorsque le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, en visite au Koweït, a vivement pris à partie la Syrie, l’accusant de soutenir des «activités terroristes» en autorisant notamment l’entrée en Irak de combattants par sa frontière est. Ces déclarations sont intervenues la veille d’un important débat au Congrès au cours duquel les élus américains doivent se prononcer sur d’éventuelles sanctions, économiques et politiques, contre le régime de Damas. Soucieuse de se concilier l’administration Bush, la Syrie s’est aussitôt déclarée «prête à coopérer» avec Washington mais dans la mesure où les demandes américaines s’avèrent «logiques et réalistes».
Forte de la chute du régime de Saddam Hussein et de l’entrée victorieuse, le 9 avril dernier, des troupes de la coalition américano-britannique dans Bagdad, l’administration Bush s’en était violemment prise à la Syrie qu’elle accusait ouvertement d’avoir non seulement accueilli des membres du pouvoir déchu mais aussi de posséder des armes de destruction massive. Certains faucons de la Maison Blanche laissaient même entendre que si Damas n’entrait pas très vite dans le rang, le régime syrien serait la prochaine cible du Pentagone. L’enlisement des troupes américaines en Irak et l’incapacité de la coalition à garantir la sécurité dans un pays en proie au chaos ont certes repoussé aux calendes grecques la question de faire tomber le régime de Bachar al-Assad. Mais les responsables américains ne cachent plus aujourd’hui leur agacement face à ce qu’ils qualifient de soutien actif de Damas aux activités terroristes.

Au mois d’août déjà, l’administrateur américain de l’Irak, Paul Bremer, affirmait que «plusieurs centaines de terroristes internationaux» avaient pénétré dans le pays depuis la fin officielle des opérations militaires en Irak décrétée le 1er mai dernier par le président Bush. «Nous avons vu des combattants étrangers qui correspondent au profil al-Qaïda et qui voyagent avec des documents d’identité émis par la Syrie, le Yémen, le Soudan et l’Arabie saoudite», avait-il déclaré en mettant directement en cause Damas qui selon lui «devrait mieux contrôler sa frontière». En visite en Irak il y a dizaine de jours, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, renchérissait en affirmant que les Etats-Unis étaient «mécontents» de la porosité des frontières syriennes mais également iraniennes empruntées régulièrement par des combattants étrangers. Aux journalistes qui l’accompagnaient durant son voyage, il a affirmé que plus de 200 personnes arrêtées en Irak étaient originaires soit de Syrie, soit du Liban.

Hier, c’était au tour de Colin Powell d’accentuer la pression sur Damas. Le secrétaire d’Etat américain a en effet déclaré que son pays attendait davantage de coopération de la part de la Syrie. «Je leur ai clairement expliqué, a-t-il déclaré, que si la Syrie veut avoir de bonnes relations avec les Etats-Unis et l’Irak libéré –Damas a jusqu’à présent refusé de reconnaître le nouveau conseil de gouvernement transitoire nommé par les Américains–, elle doit tout faire pour s’assurer que certaines personnes ne traversent pas la frontière pour créer des troubles en Irak et nous aider à trouver des documents et des comptes bancaires de l’ancien régime dans les banques syriennes». «J’ai également dit au président Bachar al-Assad que le Congrès américain était très préoccupé par les actions de la Syrie et si ce pays ne coopère pas davantage, il votera des lois comme le Syria Accountability Act» qui pourrait autoriser de nouvelles sanctions contre Damas, a également ajouté Colin Powell qui était en visite au Koweït.

Damas tente de faire baisser la tension

Le Syria Accountability Act est un projet de loi qui vise à «contraindre Damas à cesser son soutien au terrorisme, son occupation du Liban et à renoncer à ses armes de destruction massive». La Syrie figure d’ailleurs toujours sur la liste du Département d’Etat des pays soutenant le terrorisme. Le Congrès, qui doit se réunir ce mardi pour décider ou non d’éventuelles sanctions économiques et politiques contre Damas, doit écouter le rapport du sous-secrétaire d’Etat américain John Bolton, considéré comme un faucon de l’administration Bush. Ce dernier devrait insister sur le soutien continu de Damas à des groupes terroristes comme le Hamas et sur le présumé ambitieux programme syrien d’armes de destruction massive. Selon le New York Times, qui a obtenu une copie du rapport du diplomate américain, John Bolton devrait toutefois démentir l’information selon laquelle Damas aurait fourni des armes non conventionnelles aux groupes terroristes qu’il soutient. Il devrait également expliquer qu’aucune preuve n’a été trouvée concernant l’éventuel transfert d’armes prohibées d’Irak à la Syrie pour qu’elles ne tombent pas entre les mains des experts en désarmement des Nations unies.

Le responsable américain devrait également démontrer aux membres du Congrès que les autorités de Damas sont «en partie responsables» des attaques dirigées contre les troupes américaines en Irak car elles «ont permis durant la guerre et permettent aujourd’hui encore à des volontaires de traverser la frontière syrienne pour attaquer et tuer des soldats» de la coalition. John Bolton ne devrait toutefois pas apporter son appui à la proposition de certains élus américains d’accorder au président Bush le pouvoir d’imposer des sanctions économiques à la Syrie.

Soucieux de faire baisser la tension avec Washington, Damas s’est déclaré, quelques heures avant le débat au Congrès, «prêt à coopérer» avec les Etats-Unis mais seulement si les demandes américaines sont «logiques et réalisables». «La Syrie sera à la tête des pays qui coopèrent avec les Etats-Unis si leurs demandes se situent dans le cadre de la légalité internationale, qu’elles soient en faveur de l’unité de l’Irak ou qu’elles visent à trouver une solution juste au conflit israélo-arabe», a ainsi affirmé le chef de la diplomatie Farouk Chareh. «Les Etats-Unis doivent mieux comprendre l’inquiétude des Arabes et de la Syrie. Ils sont maintenant nos voisins, a-t-il poursuivi non sans humour, et nous souhaitons que ce grand pays ne blâme pas les voisins de l’Irak pour ce qui s’y passe». Un discours qui a très peu de chance d’attendrir les faucons de la Maison Blanche.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 16/09/2003