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Voiles, strings, marques : même combat

Une nouvelle affaire de voile islamique à l’école est venue relancer le débat sur la nécessité ou non d’interdire aux élèves de porter des signes «ostentatoires» d’appartenance religieuse au sein des établissements scolaires laïcs. Au-delà du problème du foulard, la question d’un retour au port de l’uniforme, pour gommer les différences religieuses ou sociales et pour éviter certaines dérives vestimentaires liées aux phénomènes de mode, est aussi posée par certains. Xavier Darcos, le ministre délégué à l’Enseignement scolaire, a d’ailleurs estimé récemment que cette proposition «méritait» d’être étudiée.
La sanction est tombée vendredi soir. Alma et Lila, âgées respectivement de 16 et 18 ans, qui refusaient d’ôter leur voile islamique, ont été exclues définitivement du lycée d’Aubervilliers dans lequel elles étaient inscrites. Cette décision du conseil de discipline de l’établissement a provoqué de nombreuses réactions et engendré une polémique au centre de laquelle se trouve, bien évidemment, le problème du respect de la laïcité dans les écoles françaises.

Pour les défenseurs de ce principe incontournable de la République, il s’agit d’une décision parfaitement justifiée. Georges Sarre, porte-parole du Mouvement républicain et citoyen mais aussi président du club Laïcité, a d’ailleurs déclaré à l’annonce de l’exclusion d’Alma et Lila : «L’administration de l’Education nationale et les enseignants doivent résister partout sans complaisance à l’égard de cette dérive communautariste et sexiste que constitue le port du voile à l’école». A l’opposé, le président du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Mouloud Aounit, qui avait pris fait et cause pour les deux jeunes filles, a lui estimé qu’il s’agissait «d’une terrible défaite de la laïcité, de l’intelligence et du dialogue».

Le seul texte de référence dans ce genre d’affaire est, pour le moment, un avis du conseil d’Etat de 1989 dans lequel est stipulée l’interdiction des signes religieux qui «par leur caractère ostentatoire ou revendicatif constitueraient un acte de pression, de provocation ou de propagande». Tout est donc question d’interprétation. D’ailleurs, jusqu’à présent chaque affaire de voile islamique a fait l’objet d’un règlement particulier entre les établissements et les familles. Ce qui signifie que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Dans ce contexte, une autre question se pose : si on interdit le foulard pour les jeunes musulmanes, doit-on tolérer que les élèves portent des signes d’appartenance à d’autres religions. Le député socialiste Jack Lang, ancien ministre de l’Education nationale, prône à ce sujet une «règle simple» : «Ni croix, ni kippa, ni foulard». Autrement dit, il faut interdire aux enfants d’arborer à l’école «tout signe d’appartenance à un parti politique, à une religion, ou à une philosophie». Et faire des établissements scolaires des lieux préservés des pressions communautaires.

Pour ou contre l’uniforme à l’école ?

De ce point de vue, le chantier d’une école qui gomme tant que faire se peut les différences doit-il s’arrêter aux signes extérieurs de religion ? Ou, au contraire, élargir le débat en envisageant aussi le problème des tenues vestimentaires qui peuvent refléter des disparités sociales ou des attitudes provocatrices, qui n’ont pas non plus leur place au sein d’un établissement scolaire. A l’heure où la mode impose ses diktats dans les cours de récréation dans lesquelles les marques règnent sans partage, n’est-il pas nécessaire d’imposer un code vestimentaire un peu plus strict ?

Cette perspective est envisagée favorablement par Xavier Darcos, le ministre délégué à l’Enseignement scolaire. Interrogé par Le Parisien sur le problème des élèves qui portent le string apparent et dénudent leur nombril, il a estimé qu’il était «normal que l’on demande à des jeunes filles, lorsqu’elles commencent à être désirables, de faire en sorte qu’elles ne provoquent personne». De même pour les garçons adeptes des rangers et ceintures cloutées, il évoque l’exemple de certains pays, comme le Canada, où «les élèves sont obligés de laisser au vestiaire des tenues style rangers qui évoquent l’agressivité». Du coup, le ministre admet que la question du retour à l’uniforme dans les écoles française, où l’égalité ne doit pas seulement être «un principe» mais une «réalité», «mérite d’être posée».

Sans prôner le retour de la blouse grise ou bleu marine, Xavier Darcos verrait assez bien les élèves porter des tee-shirt aux couleurs de leur école. L’harmonisation vestimentaire contribuerait ainsi à uniformiser les salles de classes et à gommer, en surface du moins, les différences entre les nantis, porteurs de marques à gogo, et les autres, condamnés aux fins de série. Si cette perspective séduit certains, elle ne fait malgré tout pas l’unanimité. Car elle peut aussi être assimilée à un grand retour en arrière, d’autant plus inefficace qu’il ne s’attaquerait qu’aux symptômes d’une situation sans rien régler des causes qui l’engendrent. D’ailleurs Luc Ferry, le ministre de l’Education nationale, n’est, concernant la question de l’uniforme, pas du tout sur la même ligne que son ministre délégué. Il a ainsi déclaré : «Tous ceux qui disent que le seul moyen de défendre la République est de revenir aux plumes sergent-major et à la IIIe République affaiblissent l’idée républicaine… Il faut bien comprendre que les communautarismes d’aujourd’hui ne sont pas ceux de 1848 ou de 1870».



par Valérie  Gas

Article publié le 13/10/2003