Etats-Unis
Irak : l'Amérique doute
Cinq attentats ont frappé quasi-simultanément le siège du Comité international de la Croix-Rouge ainsi que quatre stations de police à Bagdad, faisant au moins 35 morts et 230 blessés. La veille, une attaque contre un hôtel de Bagdad dans lequel dormait le secrétaire adjoint à la Défense Paul Wolfovitz a fait un mort -un colonel de l'armée américaine- et 18 blessés. De toutes parts, l'administration Bush est critiquée pour sa gestion de l'après-guerre. Les Américains, peuple et élus confondus, expriment ouvertement leurs doutes sur la stratégie adoptée par la Maison Blanche.
De notre correspondant à New York
L'attaque contre l'hôtel Rachid ne pouvait pas plus mal tomber. Ces dernières semaines, le Pentagone avait lancé une offensive médiatique de grande ampleur aux Etats-Unis, avec pour objectif de convaincre l'opinion américaine que la situation en Irak était sous contrôle. D'une seule voix, les officiels de l'administration Bush s'en prenaient aux médias, accusés de ne montrer que la face négative des choses. Mais la belle campagne de relations publiques s'est effondrée, ce week-end, lorsque des centaines d'Américains, des fonctionnaires, des officiers, logés dans ce prestigieux hôtel du centre de Bagdad, ont été évacués en pleine nuit de samedi à dimanche, dans la panique, certains encore vêtus de pyjamas. L'endroit symbolisait l'occupation américaine. Il était censé être un des mieux gardés de Bagdad. Et comble de l'humiliation, le sous-secrétaire à la défense, Paul Wolfovitz, dormait au douzième étage lorsque plusieurs roquettes sont venues cribler la façade, faisant voler en éclat les vitres de dizaines de chambres.
Un colonel américain a été tué, et 18 autres personnes ont été blessées, des Américains pour la plupart, mais aussi des ressortissants de nationalité tchèque, italienne, britannique, népalaise et indienne. Cette attaque est sans doute la plus choquante depuis la fin de la guerre. Elle est intervenue au premier jour de la levée du couvre-feu. Elle a démontré, si besoin était, que personne n'est en sécurité à Bagdad - pas même Paul Wolfowitz, un des plus farouches théoriciens de la décision américaine d'envahir l'Irak. Etait-il personnellement visé ? Non, affirment les militaires américains, selon lesquels l'opération avait été préparée de longue date. Pourtant, les attaques semblaient curieusement suivre le parcours du sous-secrétaire à la défense américain. Samedi, un hélicoptère Black Hawk a été abattu par une roquette, près de Tikrit, quelques heures après le départ de Paul Wolfovitz. Et dimanche soir, peu après le départ de l'officiel américain du bâtiment de l'administration provisoire, deux nouvelles explosions ont secoué le quartier.
Quelques heures après l'attentat contre son hôtel, Paul Wolfovitz s'est exprimé devant les caméras, visiblement secoué par l'expérience. «Cet acte terroriste ne nous dissuadera pas de mener à bien notre mission, qui est d'aider le peuple irakien à se protéger de cette espèce de criminels et de protéger le peuple américain de cette forme de terrorisme», a-t-il affirmé. Le langage, viril, n'a pas suffi à écarter un sentiment de déroute. Dans l'émission «Meet the press» de NBC, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a admis les difficultés rencontrées par les troupes américaines. «Nous allons devoir regagner le contrôle de la situation sécuritaire», a-t-il affirmé. «Nous ne nous attendions pas à ce que les choses soient aussi intenses, aussi longtemps» a-t-il confessé, ajoutant: «Nous sommes dans une période très difficile». De son côté, l'administrateur américain en Irak, Paul Bremer, semble passer plus de temps aux Etats-Unis à défendre sa politique, que sur le terrain, à régler les problèmes. Sur Fox News, dimanche soir, il a affirmé que les conditions de sécurité en Irak ne se détérioraient pas.
Les ADM toujours introuvables
Ces derniers incidents compliquent aussi un peu plus la tâche du secrétaire à la Défense, Donald Rumseld, de plus en plus contesté, y compris dans certains cercles républicains du Congrès, qui s'inquiètent de voir le président Bush chuter dans les sondages à l'approche de la présidentielle de 2004. Alors que les armes de destruction massives sont toujours introuvables en Irak, il apparaît de plus en plus clairement que le Pentagone a exagéré les preuves à sa disposition. Depuis la fin des principales opérations militaires, 109 soldats américains ont été tués en Irak. Les forces d'occupation subissent en moyenne 26 attaques par jour, et l'ONU a dû évacuer la plupart de ses personnels. Alors que publiquement, Donald Rumsfeld est très optimiste sur la situation en Irak, il a fait circuler un «mémo» confidentiel dans lequel il prédit un «travail long et ardu» pour les Américains en Irak et met sérieusement en doute la conduite de la guerre contre le terrorisme. D'ores et déjà, le président Bush a confié la supervision des opérations en Irak et en Afghanistan à sa conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice. En cas de réélection du président Bush, les analystes estiment qu'il serait peu vraisemblable que Donald Rumsfeld, principal architecte de la guerre en Irak, soir reconduit à son poste.
L'attaque de Bagdad est aussi intervenue au lendemain de la plus grande manifestation anti-occupation depuis la «fin» de la guerre. Près de 15 000 personnes, venues de tout le pays, ont sillonné les rues de Washington, réclamant le retour au pays des soldats déployés dans le Golfe. L'espace de quelques heures, la capitale fédérale a été replongée dans une ambiance réminiscente des manifestations contre la guerre du Viet-Nam. «Faites l'amour, pas la guerre» proclamait une pancarte. Des manifestations similaires se sont également déroulées dans d'autres villes, dont San Francisco.
Ces mouvements populaires reflètent les doutes de l'opinion. Selon une étude de l'institut de recherches Pew, 39% des Américains souhaitent que les troupes quittent le pays dès que possible. En septembre, ils n'étaient que 32%. Même si la côte de George Bush est légèrement remontée ces dernières semaines au-dessus de la barre des 50%, l'enlisement de ses troupes en Irak continue à faire des dégâts. Au Congrès, les démocrates veulent lui faire payer cher les milliards qu'il réclame pour l'Irak, et les candidats démocrates à la présidentielle n'hésitent plus à l'attaquer ouvertement. Selon un sondage CBS News, 50% de l'opinion publique américaine estime que la situation en Irak n'est plus du tout sous contrôle. 52% des Américains affirment, toujours selon ce sondage, que la guerre en Irak n'en valait pas la peine. Si les choses continuent à se détériorer en Irak, la réélection du président américain pourrait bien être compromise.
L'attaque contre l'hôtel Rachid ne pouvait pas plus mal tomber. Ces dernières semaines, le Pentagone avait lancé une offensive médiatique de grande ampleur aux Etats-Unis, avec pour objectif de convaincre l'opinion américaine que la situation en Irak était sous contrôle. D'une seule voix, les officiels de l'administration Bush s'en prenaient aux médias, accusés de ne montrer que la face négative des choses. Mais la belle campagne de relations publiques s'est effondrée, ce week-end, lorsque des centaines d'Américains, des fonctionnaires, des officiers, logés dans ce prestigieux hôtel du centre de Bagdad, ont été évacués en pleine nuit de samedi à dimanche, dans la panique, certains encore vêtus de pyjamas. L'endroit symbolisait l'occupation américaine. Il était censé être un des mieux gardés de Bagdad. Et comble de l'humiliation, le sous-secrétaire à la défense, Paul Wolfovitz, dormait au douzième étage lorsque plusieurs roquettes sont venues cribler la façade, faisant voler en éclat les vitres de dizaines de chambres.
Un colonel américain a été tué, et 18 autres personnes ont été blessées, des Américains pour la plupart, mais aussi des ressortissants de nationalité tchèque, italienne, britannique, népalaise et indienne. Cette attaque est sans doute la plus choquante depuis la fin de la guerre. Elle est intervenue au premier jour de la levée du couvre-feu. Elle a démontré, si besoin était, que personne n'est en sécurité à Bagdad - pas même Paul Wolfowitz, un des plus farouches théoriciens de la décision américaine d'envahir l'Irak. Etait-il personnellement visé ? Non, affirment les militaires américains, selon lesquels l'opération avait été préparée de longue date. Pourtant, les attaques semblaient curieusement suivre le parcours du sous-secrétaire à la défense américain. Samedi, un hélicoptère Black Hawk a été abattu par une roquette, près de Tikrit, quelques heures après le départ de Paul Wolfovitz. Et dimanche soir, peu après le départ de l'officiel américain du bâtiment de l'administration provisoire, deux nouvelles explosions ont secoué le quartier.
Quelques heures après l'attentat contre son hôtel, Paul Wolfovitz s'est exprimé devant les caméras, visiblement secoué par l'expérience. «Cet acte terroriste ne nous dissuadera pas de mener à bien notre mission, qui est d'aider le peuple irakien à se protéger de cette espèce de criminels et de protéger le peuple américain de cette forme de terrorisme», a-t-il affirmé. Le langage, viril, n'a pas suffi à écarter un sentiment de déroute. Dans l'émission «Meet the press» de NBC, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a admis les difficultés rencontrées par les troupes américaines. «Nous allons devoir regagner le contrôle de la situation sécuritaire», a-t-il affirmé. «Nous ne nous attendions pas à ce que les choses soient aussi intenses, aussi longtemps» a-t-il confessé, ajoutant: «Nous sommes dans une période très difficile». De son côté, l'administrateur américain en Irak, Paul Bremer, semble passer plus de temps aux Etats-Unis à défendre sa politique, que sur le terrain, à régler les problèmes. Sur Fox News, dimanche soir, il a affirmé que les conditions de sécurité en Irak ne se détérioraient pas.
Les ADM toujours introuvables
Ces derniers incidents compliquent aussi un peu plus la tâche du secrétaire à la Défense, Donald Rumseld, de plus en plus contesté, y compris dans certains cercles républicains du Congrès, qui s'inquiètent de voir le président Bush chuter dans les sondages à l'approche de la présidentielle de 2004. Alors que les armes de destruction massives sont toujours introuvables en Irak, il apparaît de plus en plus clairement que le Pentagone a exagéré les preuves à sa disposition. Depuis la fin des principales opérations militaires, 109 soldats américains ont été tués en Irak. Les forces d'occupation subissent en moyenne 26 attaques par jour, et l'ONU a dû évacuer la plupart de ses personnels. Alors que publiquement, Donald Rumsfeld est très optimiste sur la situation en Irak, il a fait circuler un «mémo» confidentiel dans lequel il prédit un «travail long et ardu» pour les Américains en Irak et met sérieusement en doute la conduite de la guerre contre le terrorisme. D'ores et déjà, le président Bush a confié la supervision des opérations en Irak et en Afghanistan à sa conseillère à la sécurité nationale, Condoleezza Rice. En cas de réélection du président Bush, les analystes estiment qu'il serait peu vraisemblable que Donald Rumsfeld, principal architecte de la guerre en Irak, soir reconduit à son poste.
L'attaque de Bagdad est aussi intervenue au lendemain de la plus grande manifestation anti-occupation depuis la «fin» de la guerre. Près de 15 000 personnes, venues de tout le pays, ont sillonné les rues de Washington, réclamant le retour au pays des soldats déployés dans le Golfe. L'espace de quelques heures, la capitale fédérale a été replongée dans une ambiance réminiscente des manifestations contre la guerre du Viet-Nam. «Faites l'amour, pas la guerre» proclamait une pancarte. Des manifestations similaires se sont également déroulées dans d'autres villes, dont San Francisco.
Ces mouvements populaires reflètent les doutes de l'opinion. Selon une étude de l'institut de recherches Pew, 39% des Américains souhaitent que les troupes quittent le pays dès que possible. En septembre, ils n'étaient que 32%. Même si la côte de George Bush est légèrement remontée ces dernières semaines au-dessus de la barre des 50%, l'enlisement de ses troupes en Irak continue à faire des dégâts. Au Congrès, les démocrates veulent lui faire payer cher les milliards qu'il réclame pour l'Irak, et les candidats démocrates à la présidentielle n'hésitent plus à l'attaquer ouvertement. Selon un sondage CBS News, 50% de l'opinion publique américaine estime que la situation en Irak n'est plus du tout sous contrôle. 52% des Américains affirment, toujours selon ce sondage, que la guerre en Irak n'en valait pas la peine. Si les choses continuent à se détériorer en Irak, la réélection du président américain pourrait bien être compromise.
par Philippe Bolopion
Article publié le 27/10/2003