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Etats-Unis

Spectaculaire croissance de l’économie

Le produit intérieur a fait un bond de 7,2% en rythme annuel. George Bush impute ce résultat à sa politique de baisse d’impôts.
La succession de mauvaises nouvelles qui s’accumulent depuis quelques mois pour l’administration Bush vient de faire place à une brusque embellie: pour le troisième trimestre de cette année, les chiffres de la croissance de l’économie américaine, en rythme annuel, traduisent une progression de 7,2%, laissant loin derrière elle l’Union européenne et son atonie persistante.

Pourtant, les trois premières années de la présidence Bush avaient été marquées par un déclin économique contrastant avec la prospérité des années Clinton. Depuis l’accession à la Maison Blanche de George W. Bush, près de 2,7 millions d’emplois ont été détruits alors que se creusaient les déficits, atteignant des niveaux abyssaux: 374 milliards de dollars pour 2003. Reflet de l’inquiétude des marchés devant la situation économique des États-Unis, la sensible progression de l’euro face au dollar depuis l’été 2002, malgré la morosité de l’Europe.

Du coup, dans la perspective de l’élection présidentielle de novembre 2004 l’administration Bush, sachant que l’économie était le point faible de cette présidence, se préparait à tout miser sur les succès remporté dans la «lutte contre le terrorisme» et la guerre en Irak qui, jusqu’à une période récente, était LE point fort du président Bush dans l’opinion publique. Mais la brutale dégradation de la situation sur le terrain, l’incapacité de plus en plus flagrante de l’administration Bush à maîtriser le cours des événements en Irak et dans le conflit israélo-palestinien, le coût faramineux de la reconstruction de l’Irak qui menace le portefeuille des contribuables américains commençaient à donner des sueurs froides aux stratèges électoraux du parti républicain. Jusqu’à une période récente, la réélection de Bush en 2004 semblait se présenter comme une simple formalité, depuis cet été, la Maison Blanche s’est rendu compte que c’était loin d’être le cas.

Les clignotants repassent au vert

De ce point de vue, les dernières statistiques économiques sont pain bénit pour l’équipe Bush qui a instantanément réorienté ses priorités. Désormais, le discours officiel minore la situation en Irak, «fortement exagérée» par les médias et le président lui-même a souligné les bons résultats économiques, dus selon lui, à sa politique hardie de réductions d’impôt, fortement critiquée au Congrès en raison des déficits déjà enregistrés.

«C’est le taux de croissance le plus élevé enregistré depuis près de vingt ans», s’est félicité George Bush jeudi à l’université de Columbus. «Nous sommes sur le bon chemin, nous avons laissé plus d’argent dans les mains des Américains et les Américains font progresser l’économie (…) L’inflation est basse, la productivité est forte», a poursuivi l’hôte de la Maison Blanche, déjà candidat à sa réélection.

De fait, presque tous les clignotants sont repassés au vert: non seulement le PIB enregistre à nouveau un taux de croissance élevé, mais le marché de l’emploi s’améliore et par conséquent, la confiance des consommateurs revient, ce qui se traduit par une hausse des ventes au détail et un bond de la construction immobilière. Parallèlement, les entreprises renouent avec le profit. Un secteur de l’économie, en particulier, a fortement bénéficié de la guerre en Irak: les industriels de la défense ont vu une pluie de contrats déferler: Northrop Grumman, Lockheed Martin et Raytheon engrangent les bénéfices ou renouent avec le profit, tandis que la division militaire de Boeing permet à l’avionneur de réduire les sensiblement les pertes subies dans le secteur de l’aviation civile. Il en va de même des entreprises impliquées dans la reconstruction de l’Irak qui ont bénéficié de contrats d’État sans appel d’offres, comme Halliburton ou Bechtel.

Pourtant, la Bourse de New York ne paraît pas être sensible outre-mesure à ces bons résultats et malgré l’asthénie de l’économie européenne, l’euro résiste mieux que prévu face au dollar. C’est qu’une interrogation majeure parcourt les marchés: cette reprise sera-t-elle durable ou n’est-elle qu’un simple feu de paille. Une partie des analystes estiment que la politique de relance par les dégrèvements fiscaux produit enfin ses effets et que la confiance étant revenue avec les marges de financement, c’est une croissance soutenue qui va s’installer aux États-Unis, entraînant dans son sillage les autres économies, notamment européennes. Mais d’autres économistes craignent qu’après la période de déstockage enregistrée au troisième trimestre et la reconstitution des stocks en cours au quatrième trimestre, la croissance se stabilise à un niveau inférieur. Ils redoutent surtout les risque de surchauffe et leurs conséquences inflationnistes, tout comme une hausse des taux d’intérêts provoquées à la fois par la persistance des déficits publics, le niveau de l’endettement, le besoin de financement accru des entreprises dont les investissements repartent, et enfin le renchérissement des denrées importées entrant dans la composition des biens produits aux États-Unis.

Comme toujours, la dimension psychologique, autrement dit politique, est essentielle dans la perception de la croissance, et donc sa réalité. C’est bien là-dessus qu’entend jouer George W. Bush qui entend comme un écho le slogan de campagne qui a permis à Bill Clinton de battre son père George H. Bush: «c’est l’économie, idiot !».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 31/10/2003