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Haïti

Aristide demande réparation à la France

Dominique de Villepin a assisté, ce mardi, à l’installation d’un comité de réflexion et de proposition sur Haïti. Cette décision intervient alors que le président haïtien Jean-Bertrand Aristide a demandé à la France, en avril dernier, des réparations pour les sommes versées par son pays en vue d’entériner son indépendance il y a deux siècles. Cette démarche qui intervient alors que la situation en Haïti va de mal en pis, est dénoncée par certains intellectuels comme une tentative d’un président discrédité de faire diversion.
Après avoir obtenu l’indépendance par les armes en 1804, le peuple haïtien a été contraint de la payer en deniers en 1825 par la volonté du roi Charles X qui n’a accepté de la reconnaître qu’en échange de 150 millions de francs-or. Cette somme, réduite par la suite à 90 millions, était censée permettre d’indemniser les colons français installés en Haïti, obligés par les événements à abandonner leurs biens et à quitter l’île. Les Haïtiens ont du payer cette drôle de «dette» jusqu’en 1884.

Du point de vue de Jean-Bertrand Aristide, la France qui a pompé les ressources haïtiennes en imposant cette «redevance sur l’indépendance» durant de nombreuses années, aurait donc une grande responsabilité dans les difficultés auxquelles son pays a été historiquement confronté, qui sont à l’origine de la situation économique désastreuse dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Cela justifierait donc la demande du président haïtien d’obtenir des réparations à hauteur de 21,7 milliards de dollars américains. Ce montant correspondrait à la valeur réactualisée de la somme versée par Haïti au XIXe siècle. Concernant le thème des réparations, Jean-Bertrand Aristide se place dans la même perspective que les Noirs américains qui réclament à l’Etat fédéral des indemnisations pour les préjudices subis par leurs ancêtres esclaves et les conséquences de la traite sur leur niveau socio-économique actuel inférieur à celui des Blancs. Un combat difficile à mener mais terriblement rassembleur pour les membres d’une communauté.

Sujet à débat dans l’Hexagone

Jean-Bertrand Aristide a choisi un moment très symbolique pour lancer cette campagne en faveur de l’indemnisation de son pays pour les dommages de la colonisation française : celui de l’anniversaire des deux cents ans de la mort de Toussaint Louverture, le héros de la guerre de libération, en avril 2003. Une date qui précède de quelques mois celle de l’anniversaire de l’indépendance d’Haïti obtenu en janvier 1804, lorsque les troupes de Napoléon ont été vaincues par les anciens esclaves haïtiens et que la première République noire est née.

La célébration du bicentenaire de l’indépendance fait l’objet de nombreux préparatifs auxquels ne s’associent pas l’opposition et certains intellectuels comme l’écrivain Jean Metellus. Ces derniers dénoncent, en effet, une tentative du pouvoir de dissimuler la réalité de la situation et l’absence de démocratie dans un pays parmi les plus pauvres du monde, rongé depuis des décennies par la corruption et la violence, en utilisant les cérémonies auxquelles sont conviés les représentants de nombreux Etats, des Caraïbes et d’Afrique notamment.

Dans ce contexte, la demande inattendue de réparations faite par Haïti à la France représente une véritable source de contentieux entre les deux pays car tout ce qui touche aux épisodes historiques douloureux de la colonisation et de l’esclavage est encore extrêmement sensible et sujet à débat dans l’Hexagone. Néanmoins, le ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin a décidé de créer un comité de réflexion et de proposition sur Haïti dont l’animation a été confiée à l’intellectuel Régis Debray. Une manière de ne pas rejeter en bloc les réclamations et de gérer la situation en douceur.

A écouter également :

Philomé Robert, journaliste haïtien au micro de Philippe Lecaplain pour Le rendez-vous de la rédaction, 07/10/2003, 6'54"



par Valérie  Gas

Article publié le 07/10/2003