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Etats-Unis

Washington renoue avec la «<i>vieille Europe</i>»

Le rendez-vous était fixé de longue date puisqu’il s’inscrit dans le cadre de la rencontre ministérielle bi-annuelle –une à Washington et l’autre à Bruxelles– entre les Etats-Unis et l’Union européenne. Mais quelques jours après l’annonce par l’administration Bush d’un prochain transfert de la souveraineté aux Irakiens, ce rendez-vous revêt un relief bien particulier, d’autant plus que cette initiative américaine a été vivement approuvée par les chefs de la diplomatie de l’Europe des 25 réunis depuis lundi à Bruxelles. Dans ce contexte, la visite de Colin Powell en Irak sonne avant comme un rapprochement entre les Etats-Unis et «la vielle Europe».
«On ne s’attarde plus sur la question de savoir qui avait raison et qui avait tort». Cette déclaration du ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, révèle à elle seule le chemin parcouru depuis que le camp de la paix conduit par l’Allemagne, la France et la Russie, s’était vigoureusement opposé à l’idée défendue par Washington et Londres d’une guerre en Irak. Outre Atlantique la tonalité est la même et avant de s’envoler pour Bruxelles, le secrétaire d’Etat américain a confirmé que la hache de guerre était désormais enterrée. «Les désaccords que nous avons eu dans le passé, nous les laissons dans le passé», a ainsi insisté Colin Powell. Il est vrai que la donne a considérablement changé depuis que l’administration Bush, confrontée à une guérilla de plus en plus meurtrière en Irak et à une baisse sensible de la popularité de George Bush, a annoncé son intention d’organiser d’ici juin 2004 le transfert de la souveraineté de leur pays aux Irakiens. Une décision qui en dit long sur le désarroi de Washington face au bourbier irakien.

En annonçant la mise en place en Irak d’un gouvernement provisoire à la mi-2004 ainsi que l’organisation d’élections générales pour la fin 2005, les Etats-Unis ont donc ouvert la voie à une réconciliation avec certains pays européens qui, la France en tête, avaient mis en garde contre une déstabilisation de la situation sécuritaire dans toute la région. Alors que le dossier irakien avait profondément divisé l’Union européenne, les dernières mesures annoncées par l’administration Bush ont au contraire rapproché ses membres. Réunis à Bruxelles lundi, les chefs de la diplomatie de l’Europe des 25 se sont en effet déclarés, dans un communiqué commun, «satisfaits» du nouveau calendrier américain qui doit à terme rendre sa souveraineté au peuple irakien, même si la position adoptée dans le texte diffusé prend acte d’une différence d’appréciations.

Car derrière ce consensus de circonstance, les positions des Européens n’en demeurent pas moins divergentes concernant la vitesse à laquelle doit avoir lieu ce transfert d’autorité, les uns considérant que les nouvelles décisions américaines ne prévoient pas une évolution suffisamment rapide, les autres au contraire mettant en garde contre toute précipitation. C’est ainsi que Dominique de Villepin, le ministre français des Affaires étrangères dont le pays s’était violemment aliéné l’administration Bush, a estimé qu’il fallait mettre en place dès la fin de cette année un gouvernement transitoire irakien, considérant notamment que l’échéance de juin 2004 était trop tardive.

Washington peut compter sur ses alliés

Reconstituant le camp des pays favorables à la guerre, l’Espagne et la Grande-Bretagne se sont empressées de prendre les propositions de Paris à contre-pied. Le chef de la diplomatie espagnole, Ana Palacio, a certes déclaré que le transfert du pouvoir aux Irakiens devait être «accéléré au maximum», mais elle a surtout souligné qu’il était plus que nécessaire de préserver «une marge de sécurité». Plus direct, le secrétaire au Foreign office, Jack Straw, a lui lancé un avertissement. «Ce que nous devons faire, a-t-il prévenu, c’est d’assurer qu’il y ait un transfert aussi rapide que possible, mais cela doit être fait de manière à apporter plus de prospérité et de sécurité aux Irakiens et non l’inverse». Ce souci de ménager l’allié américain embourbé dans un pays en proie à une grave insécurité prouve une fois encore si besoin était l’incapacité de l’Europe à parler d’une même voix. Car outre l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie ou la Pologne qui ont déjà envoyé des contingents en Irak en soutien à la coalition américano-britannique, une majorité d’autre pays de l’ancien bloc de l’Est continuent de s’aligner sur les positions de Washington.

Mais malgré ces divergences quasi-structurelles, la rencontre UE-Etats-Unis de ce mardi a été placée sous le signe de la réconciliation. «Le temps a prouvé que les valeurs et les intérêts qui lient l’Europe et l’Amérique sont plus fortes que les questions qui parfois nous divisent», a ainsi affirmé Colin Powell. Le chef de la diplomatie du pays qui s’était pourtant engagé à faire payer le prix aux pays Européens qui s’étaient mis en travers de sa route vers le renversement de Saddam Hussein a voulu apaiser la situation. «Nous n’avons pas toujours été d’accord sur tout, a-t-il ainsi déclaré. Mais quand nous sommes en franc désaccord, nous restons une communauté des nations libres qui restera unie, rapprochée par l’histoire, le commerce et un choix de valeurs commun que nous chérissons».

Ce revirement spectaculaire de l’administration Bush ne signifie toutefois pas que les divergences entre les deux rives de l’Atlantique sont effacées. Car si l’Irak constitue aujourd’hui un sujet de relatif consensus, d’autres dossiers comme notamment la politique nucléaire de Téhéran ou encore la position ambiguë de Damas dans l’échiquier du Moyen-Orient ne sont pas fait pour rassembler.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/11/2003