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Mali

L’Adema reprend du poids

Une vingtaine de militants du Mouvement pour l’indépendance, le renouveau et l’intégration africaine (Miria), mais aussi une dizaine de cadres dirigeants du Rassemblement pour le Mali (RPM) remontent sur le navire amiral, l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), qui a conduit Alpha Oumar Konaré à la magistrature suprême, en 1992. Ils l’avaient quitté dans les années qui ont suivi, en 1994 et 2000 notamment, sur des divergences à l’égard de ses pratiques de gouvernement, des désaccords dans le choix des candidatures aux présidentielles de 2002, mais aussi des mécontentements concernant la distribution des postes et des pouvoirs qui les accompagnent. Aujourd’hui, ils reviennent à l’Adema dans le contexte de la politique de consensus du président Amadou Toumani Touré – «ATT» – qui éteint toute opposition en intégrant dans le gouvernement la majorité des composantes politiques.
L’heure paraît avoir sonné pour l’Adema de se remettre en ordre de bataille face à l’autre poids lourd parlementaire, le RPM du bouillant Ibrahim Boubacar Keita – «IBK» –, ancien Premier ministre sous le président Alpha Oumar Konaré, démissionnaire de l’Adema en septembre 2000 et candidat aux présidentielles de 2002, contre l’avis de son ancien chef de file et président. Aujourd’hui, IBK est le président d’une Assemblée nationale de 147 députés dans laquelle aucun des quelque 83 partis ou des blocs politiques de circonstance ne détient de majorité absolue et où il n’est pas question de critiquer la politique présidentielle, sauf à démissionner du gouvernement et des instances auxquels les uns et les autres sont associés. Mais cette toile de fond sécrète des ambivalences qui dépassent celles que commande par le seul réalisme, comme en témoigne par exemple la remarque du journal Le Scorpion : «Dans ce Mali du consensus et du compromis, les hommes politiques sont obligés d’avaler des couleuvres ou bien d’accepter d’être taxés d’opposants». «Cette situation sous couvert du multipartisme met en danger la démocratie», renchérit l’Adema qui voit bien sûr d’un œil très intéressé le RPM se vider à son profit d’une part non négligeable de sa substance.

Retour au bercail
«Nous revenons au sein d’un parti que nous n’aurions pas dû quitter», plaide le professeur Bocar Sall. Pour sa part, de parti, ATT n’en a point. Son éventuelle «majorité parlementaire» est donc toute virtuelle et volatile. Pour l’emporter jusqu’à présent, en bon général, il lui a suffit de compter sur les rivalités opposant ses concurrents. Selon sa règle du jeu, ATT se positionne à distance égale de tous les partis et associe les principaux d’entre eux à «l’exercice du pouvoir». Avant de s’identifier comme adversaires ou concurrents, c’est-à-dire, avant de marquer concrètement leurs différences de sensibilité, les éventuels récalcitrants devront donc d’abord renoncer à l’espace politique concédé dans le vrai-faux multipartisme de la vraie-fausse cohabitation à la Malienne. Bref, il s’agit pour eux d’entrer en opposition ou bien d’attendre sagement leur tour, en espérant se placer au mieux dans les compétitions électorales à venir, au plan local et national. Et cela chacun pour soi et les uns contre les autres, mais dans le même cadre politique définit par ATT. En 2002, ce dernier a été en quelque sorte l’homme providentiel des guerres intestines qui ont en particulier marqué l’Adema. Incapables de se résigner derrière un candidat unique issu de leurs rangs, les dirigeants du parti au pouvoir de l’époque ont en fin de compte préféré abandonner à un tiers la succession d’Alpha Oumar Touré qui ne se représentait pas au terme de deux mandats successifs, conformément à la constitution de 1992.

Certains démissionnaires du Miria reprochent à son dirigeant, l’actuel ministre de l’Education nationale, Mohamed Lamine Traoré d’avoir privilégié ses tâches gouvernementales au détriment de sa mission au sein de sa formation. En rejoignant leurs anciens partenaires, de l’Adema, ils veulent croire révolu «le temps des scissions et celui de la création de nouveaux partis politiques, au motif que les moi et les je n’ont pas été valorisés suffisamment». D'autres font valoir que si leurs motivations avaient été matérielles et personnelles, ils seraient restés dans les allées du pouvoir quand l'Adema occupait le haut du pavé. Au total, les uns et les autres manifestent la volonté d'évoluer dans un cadre politique unitaire plus large et, côté Miria et RPM, la saignée pourrait bien se poursuivre.

Pour sa part, le président de l’Adema, Dioncounda Traoré salue «le retour à la maison des camarades», regrette «l’émiettement de la classe politique malienne» et conclut que «l’avenir, c’est la réunification, la refondation et la reconstruction» de l’Alliance. Reste à savoir dans quel dessein et surtout, selon quelle stratégie.



par Monique  Mas

Article publié le 19/11/2003