Laïcité
Tollé contre la loi dans le monde arabo-musulman
Alors qu’il s’était attiré un capital de sympathie de la part du monde arabe et musulman en s’opposant à une guerre contre l’Irak, Jacques Chirac a-t-il tout gâché en se déclarant en faveur d’une loi interdisant les signes religieux «ostensibles» à l’école ? Les nombreuses réactions teintées d’indignation, d’incrédulité voire de colère prouvent en tout cas que la décision du président français n’a pas laissé indifférent, chacun apportant son grain de sel à un débat qui passionne de nombreux pays.
Ainsi au Liban, pays multiconfessionnel, francophone et francophile, toutes les voix se sont accordées pour demander au président Chirac de «revenir sur sa décision». Le mufti sunnite du Liban, cheikh Mohamed Rachid Qabbani, a ainsi «regretté que la France interdise à la femme musulmane de porter le voile» car, selon lui, «cette décision va en l’encontre de la liberté de la femme musulmane dans le choix d’habits qui n’exacerbe pas les sentiments des non-musulmans à moins qu’ils ne haïssent l’islam». Une fois n’est pas coutume, le guide spirituel du Hezbollah chiite, le Cheikh Mohamed Hussein Fadlallah, lui a emboîté le pas pour dénoncer «une atteinte aux droits de l’homme musulman». Les organisations féminines de ce mouvement ont également critiqué le choix de Jacques Chirac, estimant notamment que «le voile était un acte de foi né de la pensée et de la doctrine d’un individu et non un acte de défi social ou communautaire», comme les autorités françaises semblent, à leurs yeux, le penser. Depuis samedi des centaines d’écolières et de lycéennes manifestent chaque jour dans plusieurs villes du pays leur hostilité à cette décision en scandant des slogans tels que «Notre voile est notre liberté» ou «A bas le terrorisme de la laïcité».
Dans la plupart des pays du Moyen-Orient, oulémas, mouvements politique et parfois même dirigeants se sont succédé pour commenter la décision française et souvent la condamner. «J’espère que le gouvernement français, qui se veut à l’avant-garde de la défense de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, annulera cette décision erronée», a ainsi déclaré le président iranien Mohamed Khatami, pourtant peu coutumier de ce genre d’intervention. Selon lui, «le hijab –voile islamique– est une affaire religieuse et sa restriction le signe d’une dérive nationaliste». Plusieurs théologiens des pays du Golfe ont pour leur part appelé à une mobilisation face à la décision de Jacques Chirac. Le très médiatique cheikh Youssef al-Qaradhaoui, référence spirituelle du mouvement égyptien des Frères musulmans, a depuis le Qatar où il vit exhorté lors de son prêche du vendredi les musulmans à adresser des messages au président français pour lui demander de «revenir sur sa décision». Ce théologien qui a libre accès à la chaîne satellitaire al-Jazira a même estimé que cette décision était «une cause de grande souffrance et de douleur pour les musulmans».
Polémique sur l’obligation ou non du voile
Mais si plusieurs oulémas, comme le mufti d’Egypte, cheikh Ali Gomaa, ont défendu le port du voile soulignant qu’il était «un devoir religieux et non un simple signe», d’autres intellectuels musulmans ont rejeté cette argumentation. Ainsi Gamal al-Banna, le frère du fondateur des Frères musulmans a indiqué que «le voile n’était pas une obligation». Selon lui en effet, «ni le Coran, ni le Hadith –la parole du prophète– n’impose à la femme de porter le voile». Il estime en outre que le port ou non du foulard islamique «s’inscrit dans un débat plus large sur les mœurs et non sur les obligations religieuses». Gamal al-Banna n’en soutient pas pour autant le choix du président français en faveur d’une loi. «Jacques Chirac est un homme courageux qui a pris des positions favorables aux arabes mais je pense qu’il a eu tort sur ce point», a-t-il déclaré. «Qu’une femme porte un foulard ou une mini-jupe, cela relève de la liberté individuelle», a-t-il ajouté.
Paradoxalement, le cheikh d’al-Azhar, Mohammed Sayed Tantaoui, la plus haute autorité religieuse de l’islam sunnite a choisi pour le moment de ne pas intervenir dans le débat. Il a en effet estimé qu’il s’agissait d’«une affaire intérieure française». Mais il faut croire qu’elle dépasse largement le cadre de l’Hexagone puisque le ministre français de l’Intérieur, également chargé du culte, doit se rendre en début de semaine en Egypte pour rencontrer le théologien. Comme son prédécesseur Jean-Pierre Chevènement qui a rencontré en avril 1998 cheikh Tantaoui, Nicolas Sarkozy sait qu’un mot en faveur ou contre le voile de cet homme unanimement respecté peut peser lourd. L’ancien ministre en avait d’ailleurs fait les frais. Si à l’issue de sa rencontre avec le théologien, Jean-Pierre Chevènement s’était déclaré satisfait, ce dernier ayant engagé les musulmans à respecter les lois du pays dans lequel ils vivent. «Le conseil que je donne à tout musulman» vivant dans un pays non musulman, avait notamment déclaré l'imam d'al-Azhar, «est de s'engager à respecter les lois de cet Etat tant qu'elles ne lui demandent pas de contrevenir aux fondements de la religion». Si le pays d'accueil estime que le respect de prescriptions religieuses «n'est pas compatible avec ses lois, il faut s'y plier ou partir», avait-il même ajouté.
Mais sous la pression des musulmans de France, le théologien était revenu sur sa position, affirmant dans un communiqué que «la femme musulmane ne pouvait montrer de son corps que le visage et les deux mains». Nicolas Sarkozy, qui s’est déclaré lui-même opposé à une loi contre les signes religieux, saura-t-il convaincre la plus haute autorité de l’islam sunnite de ne pas intervenir dans un débat qu’il s’est gardé pour l’instant de ne pas envenimer.
Dans la plupart des pays du Moyen-Orient, oulémas, mouvements politique et parfois même dirigeants se sont succédé pour commenter la décision française et souvent la condamner. «J’espère que le gouvernement français, qui se veut à l’avant-garde de la défense de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, annulera cette décision erronée», a ainsi déclaré le président iranien Mohamed Khatami, pourtant peu coutumier de ce genre d’intervention. Selon lui, «le hijab –voile islamique– est une affaire religieuse et sa restriction le signe d’une dérive nationaliste». Plusieurs théologiens des pays du Golfe ont pour leur part appelé à une mobilisation face à la décision de Jacques Chirac. Le très médiatique cheikh Youssef al-Qaradhaoui, référence spirituelle du mouvement égyptien des Frères musulmans, a depuis le Qatar où il vit exhorté lors de son prêche du vendredi les musulmans à adresser des messages au président français pour lui demander de «revenir sur sa décision». Ce théologien qui a libre accès à la chaîne satellitaire al-Jazira a même estimé que cette décision était «une cause de grande souffrance et de douleur pour les musulmans».
Polémique sur l’obligation ou non du voile
Mais si plusieurs oulémas, comme le mufti d’Egypte, cheikh Ali Gomaa, ont défendu le port du voile soulignant qu’il était «un devoir religieux et non un simple signe», d’autres intellectuels musulmans ont rejeté cette argumentation. Ainsi Gamal al-Banna, le frère du fondateur des Frères musulmans a indiqué que «le voile n’était pas une obligation». Selon lui en effet, «ni le Coran, ni le Hadith –la parole du prophète– n’impose à la femme de porter le voile». Il estime en outre que le port ou non du foulard islamique «s’inscrit dans un débat plus large sur les mœurs et non sur les obligations religieuses». Gamal al-Banna n’en soutient pas pour autant le choix du président français en faveur d’une loi. «Jacques Chirac est un homme courageux qui a pris des positions favorables aux arabes mais je pense qu’il a eu tort sur ce point», a-t-il déclaré. «Qu’une femme porte un foulard ou une mini-jupe, cela relève de la liberté individuelle», a-t-il ajouté.
Paradoxalement, le cheikh d’al-Azhar, Mohammed Sayed Tantaoui, la plus haute autorité religieuse de l’islam sunnite a choisi pour le moment de ne pas intervenir dans le débat. Il a en effet estimé qu’il s’agissait d’«une affaire intérieure française». Mais il faut croire qu’elle dépasse largement le cadre de l’Hexagone puisque le ministre français de l’Intérieur, également chargé du culte, doit se rendre en début de semaine en Egypte pour rencontrer le théologien. Comme son prédécesseur Jean-Pierre Chevènement qui a rencontré en avril 1998 cheikh Tantaoui, Nicolas Sarkozy sait qu’un mot en faveur ou contre le voile de cet homme unanimement respecté peut peser lourd. L’ancien ministre en avait d’ailleurs fait les frais. Si à l’issue de sa rencontre avec le théologien, Jean-Pierre Chevènement s’était déclaré satisfait, ce dernier ayant engagé les musulmans à respecter les lois du pays dans lequel ils vivent. «Le conseil que je donne à tout musulman» vivant dans un pays non musulman, avait notamment déclaré l'imam d'al-Azhar, «est de s'engager à respecter les lois de cet Etat tant qu'elles ne lui demandent pas de contrevenir aux fondements de la religion». Si le pays d'accueil estime que le respect de prescriptions religieuses «n'est pas compatible avec ses lois, il faut s'y plier ou partir», avait-il même ajouté.
Mais sous la pression des musulmans de France, le théologien était revenu sur sa position, affirmant dans un communiqué que «la femme musulmane ne pouvait montrer de son corps que le visage et les deux mains». Nicolas Sarkozy, qui s’est déclaré lui-même opposé à une loi contre les signes religieux, saura-t-il convaincre la plus haute autorité de l’islam sunnite de ne pas intervenir dans un débat qu’il s’est gardé pour l’instant de ne pas envenimer.
par Mounia Daoudi
Article publié le 24/12/2003