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Aviation

A l’heure des comptes

Après le crash du Boeing 727 de la compagnie UTA (Union des transports africains) à Cotonou, le 26 décembre, l’heure est au bilan et à la recherche de la vérité sur les causes de la catastrophe.
Selon un dernier bilan fourni par les autorités béninoises, le crash du Boeing 727 de la compagnie UTA aurait fait un total de 135 morts, 5 disparus et 21 rescapés. Le vol en provenance de Conakry en Guinée avait à son bord 15 Casques bleus du Bengladesh en mission en Sierra Leone et qui rentraient dans leur pays pour les fêtes de fin d’année. L’ONU devait rapatrier le 29 décembre les corps par un vol spécial en direction de Dacca. Au départ de Conakry, 23 des 25 Guinéens à bord ont trouvé la mort. Les dépouilles mortelles ont été rapatriées et les autorités guinéennes ont annoncé des obsèques nationales et collectives. Après l’office religieux dans la mosquée Fayçal l’inhumation des corps aura lieu au cimetière Cameroun du centre ville de Conakry.

C’est le Liban qui a payé le plus lourd tribut dans cette catastrophe aérienne: 77 corps ont déjà été rapatriés à Beyrouth où l’émotion est très vive. Plusieurs villages de province qui constituent les bases de l’émigration libanaise en Afrique sont endeuillés par la nouvelle. Mais, très vite après l’émotion se sont indignation et recherche de responsabilité qui occupent l’essentiel des débats. En effet ce vol UTA faisait la liaison Conakry-Beyrouth via Cotonou et a embarqué une majorité de Libanais qui se rendaient aussi en vacances de fin d’année. En attendant les conclusions de la commission d’enquête nommée par les autorités béninoises, à laquelle serait associé le Liban, sur demande du gouvernement libanais, ce sont les rescapés et témoins qui livrent quelques informations sur ce drame.

Dans la presse libanaise, quelques rescapés racontent les minutes d’horreur qu’ils ont vécues. Ils racontent tous «une première tentative de décollage» qui n’a pas abouti. La deuxième n’a pas plus réussi puisque l’avion n’a pas pu prendre de l’altitude. Un premier choc, un grand bruit, une deuxième déflagration, les voyageurs projetés contre les parois de l’avion «qui tremble violemment et plus rien, sauf que j’ai repris conscience dans l’eau», raconte un père de famille qui a pu sauver son épouse et leur petit garçon de trois ans, mais qui n’a pu constater que la mort de leur petite fille de huit mois. Une histoire parmi tant d’autres que rapporte la presse libanaise. Selon des témoins le train d’atterrissage de l’avion aurait heurté un mur haut de trois mètres d’un bâtiment technique qui se trouve en dehors de la piste d’envol. Sous la violence du choc l’avion y aurait même laissé une partie de son train d’atterrissage avant de heurter la clôture du bâtiment de l’Asecna (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar) et de terminer sa course folle dans la mer.

La surcharge serait en cause

Selon certains rescapés, les quelques minutes qui ont précédé le décollage étaient essentiellement consacrées aux discussions sur «la surcharge de l’avion». «Comment l’avion pourrait-il décoller avec huit tonnes de surcharge ?», se demandaient certaines personnes qui semblaient bien informées, raconte un rescapé. Dans la presse libanaise les questions de sécurité, qui ont forme d’accusation, alimentent la polémique déclenchée par le ministre libanais des Transports et son homologue guinéen. En effet Négib Mikati, le ministre libanais des Transports affirme que ses services auraient refusé de donner une licence de vol à la compagnie UTA, «parce qu’elle ne remplissait pas les conditions techniques nécessaires», a-t-il précisé. «Mais alors pourquoi autoriser donc l’atterrissage ?» se demande cette même presse. En tout cas, le ministre guinéen des transports, Cellou Dalein Diallo, a démenti les propos de son homologue libanais en affirmant que la compagnie UTA n’a jamais «sollicité un certificat de navigabilité auprès de l’administration libanaise». En revanche, la direction de la compagnie UTA affirme dans un communiqué qu’elle a entrepris ses vols sur Beyrouth en vertu d’une «autorisation accordée par l’aviation civile libanaise, le 11 novembre et valable six mois».

Ces deux pays se retrouvent au cœur d’une polémique parce que les propriétaires de la compagnie UTA sont des Libanais et le siège de l’entreprise est à Conakry. Mais le président directeur général serait un Guinéen, El Hadj Alseny Barry. Un des propriétaires libanais aurait emprunté le vol du 25 décembre en direction de Beyrouth. UTA, une compagnie de fret créée en 1998 avec des capitaux libanais et guinéens, a récemment fait le choix de se diversifier en transportant aussi des passagers. Les accusations sont portées contre les dirigeants de cette compagnie et pêle-mêle, corruption, manque de professionnalisme, négligence sont dénoncés. «La justice libanaise fera preuve de fermeté, que ce soit à l’égard des propriétaires de l’avion, des autorités de l’aéroport ou des responsables du chargement de l’appareil» menace le procureur général libanais Adnane Addoum. Il annonce par la même occasion que la justice de son pays se saisit également du dossier.

Pour la bonne conduite de l’enquête, les autorités béninoises ont fait appel à des experts français, le pays ne disposant pas, par exemple, d’appareil de décryptage des boîtes noires repêchées. Le crash du Boeing a aussi montré la faiblesse du dispositif de secours à l’aéroport de Cotonou. Les premiers rescapés ont attendu quinze bonnes minutes avant que n’arrivent les premiers secours. Les ambulances et autres équipes de secours se sont enlisées dans le sable de la plage et les premiers secouristes ont été les pêcheurs.



par Didier  Samson

Article publié le 29/12/2003