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Côte d''Ivoire

Guillaume Soro revient au conseil des ministres

Ministre de la Communication, Guillaume Soro, le secrétaire général des Forces nouvelles (FN, Ex-rébellion) n’a pas participé aux deux conseils des ministres organisés la semaine dernière après le retour de son mouvement au gouvernement, le 6 janvier. Des trois réunions initialement prévues, celle de jeudi dernier a été annulée et le gouvernement reprend ses travaux ce mardi 13 janvier avec, cette fois, une équipe au complet. La veille, le chef de l’ancienne rébellion a réitéré ses doléances auprès du chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, et du Premier ministre, Seydou Diarra. Guillaume Soro entend reprendre en main les médias publics ivoiriens et rejette les projets de référendum proposés par le chef de l’Etat. Il n’est pas non plus favorable au conseil des ministres dans son «fief» de Bouaké que souhaite le président Gbagbo.
Les deux parties ont tenu à rassurer les Ivoiriens quant au climat des entretiens de l’ancien chef rebelle, Guillaume Soro, avec le chef de l’Etat et le Premier ministre. Ils ont été «intéressants et fructueux», estime le patron des Forces nouvelles, qui assure être «ici pour montrer aux Ivoiriens notre détermination à faire la paix et la réconciliation nationale». Un ministre devrait toutefois faire les frais de cet assaut de bonnes dispositions: Roger Banchi, chargé des petites et moyennes entreprises et issu du Mouvement patriotique ivoirien pour le grand Ouest (Mpigo, une composante des Forces nouvelles). Il n’a pas obéi au mot d’ordre de boycott des conseils de ministres lancés le 23 septembre dernier par Guillaume Soro. Celui-ci entend lui reprendre son maroquin. Le ministre de la Communication Soro souhaite également réorganiser à sa manière la radio-télévision ivoirienne (RTI) et l’ensemble des médias publics. Pour sa part, le président Gbagbo reconnaît ces deux points comme relevant en effet de l’autorité politique et ministérielle du secrétaire général des Forces nouvelles. Mais il n’a pas reçu en retour la moindre marque d’empressement concernant sa volonté de faire le voyage pour Bouaké.

La semaine dernière, après les retrouvailles gouvernementales du 6 janvier avec les FN, le président de la Commission nationale de désarmement, démobilisation, réinsertion (DDR), Alain Donwahi, avait été mandaté par le Premier ministre Diarra pour examiner avec Guillaume Soro la faisabilité d’un conseil des ministres à Bouaké où le président Gbagbo souhaite se rendre pour officialiser le plus rapidement possible la réunification du pays et la restauration de l’intégrité et de la souveraineté nationale. Mais le très politique Guillaume Soro ne la juge guère «opportune». Par ailleurs, l’ancienne rébellion a déjà fait valoir son hostilité aux référendum suggérés par le chef de l’Etat pour valider certains projets de loi concernant les sujets sensibles du domaine foncier rural, de la nationalité ou des clauses d’éligibilité à la présidence de la République (avant le scrutin d'octobre 2005). «Le gouvernement de réconciliation nationale n’a pas à son menu d’organiser plusieurs référendum», mais «un seul» sur la modification de l’article 35 de la Constitution qui prévoit notamment (dans l’article en question) que «le candidat à l'élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante-quinze au plus. Il doit être Ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité. Il doit avoir résidé en Côte d'Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective».

Projets de lois et programme de désarmement

En son absence aux conseils des ministres des 6 et 7 janvier, les compagnons Forces nouvelles de Guillaume Soro ont planché sur une quinzaine de projets de lois avec leurs pairs. Ils ont en particulier traité de l’épineuse question de l’identification des populations vivant en Côte d’Ivoire et du séjour des étrangers en Côte d’Ivoire. «Un des objectifs majeurs du gouvernement, depuis plusieurs années, est de parvenir à l’identification des personnes nationales et étrangères vivant en Côte d’Ivoire et de maîtriser les flux migratoires», a rappelé le porte-parole du gouvernement à l’issue de leurs travaux, annonçant «la suppression définitive de la carte de séjour», régulièrement décriée, «et son remplacement par la carte de résident. Ceci pour se conformer à la législation en vigueur dans les pays membres de la Cedeao». Une commission placée sous l’égide du Premier ministre (de consensus) sera chargée de veiller à la bonne application des lois mais aussi aux méthodes de contrôles d’identité. Une Commission nationale de supervision de l’identification (CNSI) placée sous l’autorité d’un magistrat devra également surveiller la distribution des titres d’identité. De concert avec l’Office national d’identification (Oni), elle se rapprochera des populations pour «faciliter et accélérer la procédure d’accès aux titres d’identification». De son côté, le gouvernement prendra des mesures «en vue de la délivrance de tous les documents nécessaires à l’établissement de la carte nationale d’identité, notamment le jugement supplétif et le certificat de nationalité». C’est ce travail de peignage des lois que les partis politiques associés dans l’accord de Marcoussis vont poursuivre tandis que les militaires se préparent au DDR.

La semaine dernière, les états-majors des ex-belligérants se sont entendus sur les modalités techniques d’un programme de DDR prévoyant 17 points de regroupements qui doivent servir de sites de «casernement», de recensement, de désarmement et de démobilisation des anciens combattants rebelles et d’une manière générale de «l’ensemble des recrues enrôlées depuis le 19 septembre 2002», date de la tentative de coup d’Etat. Considérées comme des troupes régulières, les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) ne sont pas concernées par le désarmement. En revanche, les étrangers qui pourraient se trouver dans les rangs de l’un ou l’autre camp devront rendre les armes et être démobilisés. Les forces gouvernementales (Fanci, policiers et autres douaniers recrutés pour faire face à l’offensive rebelle) représenteraient quelque 20 000 hommes. Mais il reste à quantifier les effectifs du côté de l’ex-rébellion.

Le mandat de la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Minuci), mais aussi ceux des forces ouest-africaines (Ecomici) et françaises (opération Licorne), arrivent à échéance le 4 février prochain. A la demande générale, c’est la Minuci qui doit «vérifier le casernement des armes lourdes, surveiller les mouvements des groupes armés vers les sites de cantonnement, contribuer à l’enregistrement des armes collectées et à la destruction de celles qui sont hors d’usage». Avec son effectif autorisé actuel de 76 officiers, elle suffit difficilement à la tâche. De son côté, Paris a déjà expliqué officiellement que les troupes françaises ne sont pas en mesure de s’occuper du DDR, d’assurer la sécurité pendant les élections et de faire la police en attendant la restructuration de la police nationale. Kofi Annan recommande donc la création d'une opération de maintien de la paix de l’ONU de 6240 personnes, dont 200 observateurs militaires, 120 officiers et un volet civil. Ces personnels seraient affectés au désarmement et à la réinsertion des anciens combattants. Ils seraient aussi chargés d’apporter un soutien en matière de droits de l'homme, d'information, de police civile ou de justice et surtout de garantir le processus électoral.

Kofi Annan suggère que les nouvelles forces onusiennes agissent en complément de l’opération Licorne dont Paris entend maintenir les 4000 hommes en Côte d’Ivoire jusqu’en 2005. Selon Kofi Annan, «cette option suppose que l’opération Licorne garantisse l’envoi d’une force d’intervention rapide chaque fois que le commandant de la force des Nations unies en fait la demande», faute de quoi, dit-il pour emporter l’adhésion du Conseil de sécurité, il faudrait recruter au moins 8900 casques bleus, fournir des hélicoptères de combat et d’autres moyens d’intervention rapide. Concernant les 1400 soldats de la force ouest-africaine déployée sur le territoire ivoirien, Kofi Annan prévoit en revanche qu’elle soit absorbée par la mission militaire onusienne. Suggérant que la situation reste sujette à rebondissements, le secrétaire général de l’ONU soumet toutefois son projet de renfort à une condition: que les acteurs ivoiriens fassent de leur côté preuve de bonne volonté. Il souligne au passage l’intérêt régional d’une stabilisation de la Côte d’Ivoire, indiquant avoir «appris avec inquiétude que des rebelles libériens transféraient des armes en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays voisins pour ne pas avoir à les restituer dans le cadre du programme de désarmement».

Enfin, Kofi Annan tire la sonnette d’alarme des bailleurs de fonds qui, selon lui, ont «mésestimé la gravité de la crise humanitaire» en Côte d'Ivoire. Elle a fait au moins 500 000 déplacés, 69 000 réfugiés et gravement touché des milliers de localités ivoiriennes. D’après Kofi Annan, «rien n’a été fait» pour les populations piégées par la guerre et «il faut s’occuper de cette question sans plus attendre».



par Monique  Mas

Article publié le 13/01/2004 Dernière mise à jour le 12/01/2004 à 23:00 TU