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Côte d''Ivoire

Une «avancée irréversible» vers la paix

«Dès le lendemain des fêtes, les 6, 7 et 8 janvier, nous allons nous atteler à l'adoption en conseil des ministres de tous les projets de lois et de décrets suggérés par Marcoussis», a promis le président Gbagbo, en prononçant ses vœux mercredi soir, estimant venu «le temps de la renaissance», mais aussi celui d’honorer «ensemble tous les engagements» pris le 24 janvier 2003 à Marcoussis, dans la région parisienne. Pour sa part, le président ivoirien projette trois référendum sur le code foncier rural, sur la nationalité et sur l’éligibilité à la magistrature suprême. Il réaffirme également sa volonté de proclamer d’ici fin janvier la fin de la guerre, à Bouaké, le fief des Forces nouvelles. Ces dernières doivent réintégrer le gouvernement le 6 janvier et ont accepté le déploiement des troupes françaises au nord du pays, ce mois-ci. Venue célébrer le Nouvel an auprès des soldats de l’opération Licorne, la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a quant à elle salué l'effort des militaires des deux camps.
Laurent Gbagbo tenait beaucoup à proclamer la fin de la guerre à Bouaké, l’ancien quartier général rebelle au centre du pays, avant la fin de 2003, mais, explique-t-il, «je n'y suis pas encore allé car je veux que mon départ pour Bouaké, mon discours, correspondent effectivement à la fin de la guerre». Cette fois, il estime pouvoir promettre une visite début janvier, sans doute avant sa venue en France, prévue au milieu du mois. Dans ses vœux de paix pour 2004, il ajoute avoir demandé aux Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (Fanci) et aux militaires des Forces nouvelles de «préparer ensemble ce déplacement». Une marque de confiance aux anciens rebelles pour une visite hautement symbolique qui doit marquer le retour à la liberté de circulation empêchée depuis le 19 septembre 2002. «Il faut que les Ivoiriens me voient marcher à Bouaké et comprennent qu'ils peuvent revenir», insiste le président Gbagbo, qui prévoit ensuite de se rendre dans «toutes les régions du pays», notamment aux confins nord de Korhogo ou de Ferkéssédougou, où vont commencer à se déployer début janvier les «forces impartiales» de l'opération française Licorne et de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la Miceci.

«Je note que sur le plan militaire il y a eu beaucoup d'avancées, démantèlement (des barrages et check-points), libération des prisonniers, regroupement des armes...», se félicite pour sa part la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, venue célébrer le Nouvel an avec, notamment, les soldats français du Régiment de marche du Tchad (RMT) de Noyon basé à Yamoussoukro, après un périple en hélicoptère dans plusieurs détachements français dans l'Ouest ivoirien. Mercredi matin, la ministre française s'est entretenue avec le président Gbagbo et avec son homologue ivoirien, René Amani, marquant le réchauffement évident intervenu depuis plusieurs semaines entre Paris et Abidjan. Dans ses vœux, le chef de l’Etat ivoirien a pour sa part salué une nouvelle fois «la solidité des liens qui nous unissent à la France», avec laquelle il souhaite «une nouvelle coopération». Mais quant à la stabilisation de la Côte d’Ivoire, Michèle Alliot-Marie reste prudente. Elle estime que la situation reste quand même «mouvante, incertaine et complexe». «Il y a des deux côtés des extrémistes qui ne veulent pas du processus de paix et qui sont prêts à tout moment à relancer les hostilité», ajoute-t-elle.

Garantir la liberté de circulation

Pour sa part, le commandant de la force Licorne, le général Pierre-Michel Joana, estime que pendant la «période de brouille politique» de ces trois dernier mois, après le boycott des réunions du gouvernement de réconciliation par les Forces nouvelles (FN), «les militaires français ont continué à labourer le terrain pour garder le contact avec les Fanci et les FN». Il en veut pour preuve l’accord conclu le 30 décembre à Daoukro entre les ex-belligérants pour le déploiement de soldats français et ouest-africains dans le nord du pays, en janvier. «Les forces impartiales se déploieront dans la totalité de la zone sous contrôle des Forces nouvelles, avec l'accord de celles-ci, assurant du coup la couverture de l'ensemble du territoire national», indique en effet le communiqué final de la rencontre de Daoukro. Il s'agit «d'ouvrir un axe économique entre la frontière du Mali, la frontière du Burkina et Abidjan», précise le général Joana. Des soldats français seront déployés sur cet axe «afin de garantir la liberté de circulation» des personnes et des biens.

De son côté, le secrétaire général du Mouvement pour la Côte d’Ivoire (MPCI : la composante principale des Forces Nouvelles), également ministre d'Etat de la communication dans le gouvernement de réconciliation nationale, Guillaume Soro s’adresse dans ses vœux «à toute la Côte d’Ivoire, et plus particulièrement aux populations des zones contrôlées par les Forces nouvelles, nous réitérons notre pardon pour tous les désagréments et les problèmes endurés du fait de la crise armée», ajoutant en bémol «à cet effet, nous savons que des enseignants ont nié à vos enfants, le droit de savoir et à l’éducation. N’oublions pas aussi que prétextant de la crise, des médecins et une partie du personnel paramédical ont abandonné les malades dont ils s’étaient pourtant déclarés garants par la prestation du serment d’Hippocrate.
Aujourd’hui, ils sont nombreux, ceux-là qui réclament des indemnisations pour avoir abandonné malades et élèves
». Mais désormais, il se veut prospectif.

Pour Guillaume Soro, «il s'agit à présent d'unir nos forces pour préparer tous ensemble le processus électoral de 2005». Dans cette perspective, il estime «que le recensement et l’identification des populations…pourraient aisément se tenir sans encombre sous la supervision des casques bleus de l’ONU». L’horizon 2005 marque le terme du mandat présidentiel de Laurent Gbagbo qui préconise une Commission électorale indépendante. En attendant, comme elles l’ont annoncé le 23 décembre, les FN s’apprêtent à regagner leurs sièges au gouvernement en assurant que la pression internationale n’y est pour rien. «Il n'y a pas de solution miracle, seule l'application juste et sans faux-fuyants» de l’accord de Marcoussis «permettra à la Côte d'Ivoire de renouer avec la paix et la stabilité», répète Guillaume Soro depuis Bouaké, ajoutant cette fois que «loin d'être un diktat international, il est le résultat de concessions mutuelles et un juste compromis entre les Ivoiriens ayant opté pour la solution politique négociée». Dans l’immédiat, selon Guillaume Soro, «le gouvernement de réconciliation nationale devra faciliter l’accès des populations au service minimum dans le cadre d’un retour progressif de l’administration. C’est pourquoi… les Forces nouvelles, compte tenu des réticences des fonctionnaires à revenir dans l’immédiat, sont favorables au retour des collectivités locales, à savoir les maires et les conseils régionaux» pour «rétablir les services de l’Etat-civil et reprendre en main, les questions de gestion quotidienne des populations».

La diplomatie française salue ces déclarations comme un retour dans le giron de Marcoussis et se félicite «que l'ensemble des forces politiques ivoiriennes manifeste désormais sa volonté de concourir à la mise en oeuvre du processus de réconciliation nationale. Celui-ci se concrétise, sur le terrain, par le regroupement des armes légères et le retrait de l'armement lourd positionné le long de la zone de confiance et sur le plan politique avec l'adoption par le Conseil des ministres des projets de lois sur l'éligibilité et le foncier rural». Pour le ministre ivoirien de la Défense, René Amani, l’accord des Forces Nouvelles pour le déploiement des forces franco-ouest-africaine dans le nord de la Côte d'Ivoire marque une «avancée irréversible» vers la paix. «Laissons la guerre derrière nous», exhorte le président Gbagbo, car dit-il, «c’est dans la concorde que nous rebâtirons notre économie, c'est dans la paix que nous pourrons consolider la démocratie».



par Monique  Mas

Article publié le 01/01/2004