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Côte d''Ivoire

La télé résiste au changement

Les nominations à la tête de la Radio télévision ivoirienne (RTI) créent des remous au sein du personnel. Assemblée générale, réunions de syndicats, interruption du journal télévisé sont autant d’actions de protestation qui sont une épine dans le pied du gouvernement de réconciliation nationale.
Le nouveau directeur général de la RTI s’appelle Yacouba Kébé et le président du Conseil d’administration, Maurice Bandama. Le directeur général Yacouba Kébé est un journaliste, ancien responsable du quotidien d’Etat Fraternité matin. Il est aussi le fondateur du quotidien Ivoir soir, aujourd’hui disparu. Dans la presse locale ivoirienne, on fait remarquer qu’il a aussi servi aux Nations unies pour le compte de la mission de l’ONU en Angola en tant que chargé de communication. Son dernier poste est celui de président du Conseil d’administration de la Société nouvelle de presse et d’édition de Côte d’Ivoire (SNEPCI). Au poste de président du Conseil d’administration de la RTI, le choix s’est porté sur Maurice Bandama, un écrivain qui a été distingué en 1993 par le Grand prix littéraire de l’Afrique noire. Ce nouveau président du Conseil d’administration de la RTI est également maire de la commune de Taabo, élu sous la bannière RDR, le parti d’Alassane Ouattara.

La contestation contre ces nouveaux venus a été immédiate. De nombreux syndicalistes ont contesté la procédure qui a conduit à la désignation des deux hommes. A l’issue d’une assemblée tenue dans la cour de la RTI de nombreux employés ont refusé de reconnaître la légitimité de leurs nouveaux dirigeants. Ils ont envahi le plateau du journal télévisé de 13 heures, interrompant de fait le cours normal des émissions. Les contestataires rejettent les décisions prises par le nouveau conseil d’administration et dénient également au ministre d’Etat chargé de la Communication, Guillaume Soro, l’exercice à part entière de la tutelle de la RTI. En effet, la RTI est une société mixte placée sous tutelle des ministères de l’Economie et de la Communication. Les syndicalistes contestataires brandissent le communiqué du ministre de l’Economie, Bohoun Bouabré qui a refusé d’envoyer de nouveaux représentants au Conseil d’administration pour souligner l’illégalité de la procédure de nomination du président du Conseil d’administration. Ils réclament aussi le droit au chapitre du ministre de l’Economie dans la nomination du directeur général, ce qui n’a pas été le cas.

«Stratégies de combat»

Mais auparavant, le ministre de la Communication, Guillaume Soro, était convenu avec le président Laurent Gbagbo du changement de statut de la RTI, société mixte, en société anonyme. Plusieurs semaines de tractations ont conduit le président de la République à signer récemment un décret de changement de statut, autorisant de fait les nominations de manière autonome. Telles étaient les conditions posées par les Forces nouvelles pour le retour de leurs ministres au sein du gouvernement de réconciliation nationale.

Les ministres issus des rangs de la rébellion devenue Forces nouvelles, participent au gouvernement depuis avril 2003, mais ils avaient suspendu leur participation au mois de juillet à la suite de quelques divergences avec le président de la République au sujet des nominations des responsables de la RTI. Georges Aboké, l’ancien directeur général et son adjoint avaient été suspendus de leurs fonctions par un décret gouvernemental suite à l’agression dont avaient été victimes Guillaume Soro et les membres de son cabinet en visite dans les locaux de RTI. Ils s’étaient réfugiés à l’infirmerie de l’établissement pour échapper au lynchage d’une horde d’individus se réclamant du mouvement des «patriotes», supporteurs du président de la République.

Les deux hommes avaient alors saisi la Cour suprême pour «licenciement abusif». Ils ont obtenu gain de cause et ont été réintégrés dans leurs postes, ce qui a déclenché le courroux des ministres des Forces nouvelles qui ont reconsidéré leur participation au gouvernement. Les ministres des Forces nouvelles voulaient avoir la liberté de choisir leurs collaborateurs sans que le président de la République n’ait son mot à dire. Or, dans le système ivoirien, les nominations au sein de la haute administration sont soumises à l’approbation du chef de l’Etat. Les aménagements consentis actuellement sont dénoncés par certains syndicalistes qui réclament le maintien à son poste de leur ancien directeur général, Georges Aboké. Il a triomphalement été accueilli par des supporteurs qui affirment avoir «concocté des stratégies de combat» pour dire «non à l’imposture».



par Didier  Samson

Article publié le 16/01/2004