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Epidémie

Grippe aviaire : premiers soupçons de transmission entre humains

Deux sœurs vietnamiennes décédées et testées positives au virus H5N1 de la grippe aviaire auraient pu être contaminées par leur frère, lui-même atteint de la maladie. Pour la première fois depuis le début de l’épidémie, l’Organisation mondiale de la santé a fait part de ses soupçons concernant la possibilité d’une transmission du virus entre humains. Tout en prenant la précaution de préciser qu’elle ne dispose pas de preuve absolue confirmant cette hypothèse. Cette annonce renforce les inquiétudes concernant une épidémie galopante dont la maîtrise est rendue très difficile par la promiscuité entre les populations et les animaux dans les pays concernés.
Malgré les abattages massifs, plus de 30 millions de volailles ont été tuées dans les dix pays d’Asie touchés par la grippe aviaire, les choses ne s’arrangent pas. Chaque jour le virus gagne du terrain. Au Vietnam, 41 des 64 provinces du pays sont contaminées. En Thaïlande, ce sont 36 des 76 provinces qui sont touchées. Et en Chine, où l’épidémie a officiellement fait son apparition plus tard, la présence du virus a déjà été confirmée dans au moins six provinces. Partout, les autorités assurent qu’elles organisent dorénavant l’abattage systématique des animaux contaminés et prennent les mesures de quarantaine et d’isolement indispensables pour éviter la propagation du virus. Mais dans la pratique, les choses sont loin d’être simples et l’efficacité des actions est difficile à assurer.

Les pays concernés par la grippe aviaire n’ont pas forcément les infrastructures et les équipements adéquats pour mener à bien les abattages dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Surtout lorsque ces opérations sont menées dans l’urgence pour ne pas dire dans la panique. Dans bien des cas, il semble en effet que toutes les précautions ne sont pas prises, notamment pour protéger les personnes chargées de tuer les volailles d’une éventuelle contamination. Dick Thompson, le porte-parole de l’OMS à Genève, a d’ailleurs déclaré à ce propos: «De ce que nous pouvons voir… de nombreux employés affectés aux abattages ne portent pas d’équipements de protection appropriés». D’autre part, une fois tuées les volailles doivent être incinérées ou enterrées, ce qui ne semble pas toujours être fait. Dans de telles conditions, la destruction des poulets pourrait devenir plus dangereuse que salutaire en augmentant le risque de mutation du virus et de transmission à l’homme.

La promiscuité entre les hommes et les animaux mise en cause

Mais pour Patrice Gauthier, de Vétérinaires sans frontières en poste au Vietnam, «le problème est que ces règles de conduite internationales sont édictées pour des exploitations industrielles et non familiales. Elles sont très difficiles à appliquer au Vietnam», par exemple. Elles ne tiennent en effet pas compte des réalités dans la plupart des pays de la région où volailles ou porcs sont élevés au milieu des populations, parfois même au cœur des villes. D’ailleurs, il est assez révélateur d’observer que les pays qui semblent avoir, pour le moment, obtenu les meilleurs résultats dans le contrôle de la propagation du virus, Japon, Corée du Sud, Taïwan, sont ceux dans lesquels élevages et populations sont les mieux séparés.

Cette «promiscuité» entre les hommes et les animaux spécifique à certains pays d’Asie, ou encore l’habitude d’acheter des volailles vivantes et de les tuer soi-même, commencent d’ailleurs à être mises en cause par les experts internationaux qui leur reprochent de représenter un facteur de risque aggravant en matière de transmission des virus animaux aux humains. «Cela ne fait aucun doute, le contact étroit entre poulets et humains a aggravé la crise… Pour prévenir de futures épidémies dangereuses pour l’homme, je ne peux insister assez sur le fait que les pratiques agricoles de toute la région doivent changer», a ainsi expliqué Anton Rychener, le responsable de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) au Vietnam. Devant la difficulté de modifier des traditions ancestrales dans les pays concernés, la FAO estime qu’il faut mettre en place «une surveillance active et un système de remontée de l’information».

Il est vrai qu’après le SRAS en 2003, dont le vecteur semble avoir été la civette, la grippe aviaire qui a déjà tué des millions de volailles mais a aussi provoqué la mort de dix personnes, fait craindre une nouvelle fois une épidémie de grande ampleur chez l’homme. L’OMS n’a cessé, depuis le début de la crise, de mettre en garde contre les dangers liés à une mutation du virus qui le rendrait transmissible d’humain à humain. S’il se combinait avec le virus de la grippe humaine, le H5N1 responsable de la contamination des poulets asiatiques, pourrait devenir une bombe dévastatrice et aurait «le potentiel» pour frapper des millions de personnes. Dans ce contexte, l’annonce des soupçons de l’OMS concernant une première transmission directe du virus, au Vietnam, entre un frère et ses deux sœurs, tous trois décédés, est inquiétante. Elle n’a pas été prouvée formellement mais certains éléments, comme le fait que l’enquête «n’a pas identifié d’événement spécifique, tel qu’un contact avec un poulet malade ou une source environnementale, pour expliquer ces cas», rendent cette hypothèse parfaitement plausible.

Ecouter également:

Jocelyn Grange, correspondant de RFI à Djakarta, explique la difficulté de l’éradication de la grippe aviaire dans les métropoles asiatiques (1er février 2004, 1’05").

François Bricaire, chef du service de virologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris répond aux questions de Marina Mielczarec (1er février 2004, 1’07").



par Valérie  Gas

Article publié le 01/02/2004