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Epidémie

La grippe aviaire se propage

Huit pays sont désormais touchés par l’épidémie de grippe aviaire qui sévit actuellement en Asie. La propagation simultanée de ce virus, qui frappe les volatiles mais peut se transmettre à l’homme, dans plusieurs pays asiatiques est une première et inquiète de plus en plus l’Organisation mondiale de la Santé. D’autant que les gouvernements sont extrêmement réticents à admettre la présence de la grippe aviaire par peur des conséquences économiques. Le précédent du SRAS, qui a mis certains pays d’Asie en quarantaine durant plusieurs mois en 2003, est toujours dans les mémoires.
La Thaïlande a décidé d’employer les grands moyens pour lutter contre l’extension de l’épidémie de grippe aviaire. Près de cinq cents soldats ont été envoyés dans la province de Suphan Buri, la plus touchée, pour renforcer les équipes chargées d’abattre un million et demi de poulets suspects. Dans ce pays où plusieurs personnes ont été contaminées par le virus et où un enfant en est déjà décédé, plus de 11 millions de volatiles sont morts ou ont été tués à cause de la grippe. Dans les autres pays touchés par l’épidémie, cette stratégie d’abattage est aussi appliquée à plus ou moins grande échelle : au Vietnam, où six personnes sont mortes, en Indonésie, à Taiwan, au Japon, au Cambodge, en Corée du Sud, au Pakistan. Elle est d’ailleurs recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) car elle représente le seul moyen d’enrayer la progression de l’épidémie. Pour le docteur Klaus Stohr : «Tant que des animaux propagent le virus, qui a la capacité de franchir la barrière des espèces, il y a un risque de pandémie».

Bien sûr, l’OMS préconise l’adoption de toutes les précautions sanitaires nécessaires pour assurer la protection des personnels chargées de tuer les poulets. Car c’est bien le contact rapproché avec les volatiles à l’occasion duquel il est possible d’inhaler des résidus de substances fécales infectées, qui présente le plus de risque. Et non la consommation de viande de poulet cuite. Dans ce contexte, l’OMS a envoyé près de 800 kilos d’équipements au Vietnam, essentiellement des masques, des gants et des combinaisons, pour encourager les autorités à réaliser l’abattage dans de bonnes conditions et éviter de nouvelles infections humaines.

Le spectre du SRAS

Même si huit pays ont reconnu la présence du virus de la grippe aviaire à l’intérieur de leurs frontières et pris de mesures pour lutter contre sa propagation, il est très difficile de mesurer l’étendue réelle de l’épidémie. De nombreux petits élevages de poulets situés dans des zones rurales reculées ne sont pas répertoriés et passent au travers des mailles du filet. Et les autorités nationales ne sont pas toujours disposées à rendre publiques toutes les informations dont elles disposent. Le porte-parole de l’OMS à Hanoï, Bob Dietz, a d’ailleurs fait part de ses inquiétudes à ce niveau: «Nous craignons de ne pas disposer du tableau complet des infections. Nous devons nous fier aux autorités vietnamiennes pour nous informer de chaque cas». Ce qui est vrai au Vietnam, l’est aussi en Thaïlande ou en Indonésie où les gouvernements ont été accusés d’avoir délibérément dissimulé le plus longtemps possible les informations dont ils disposaient sur la présence du virus, pour ménager les intérêts des éleveurs de volailles. Sans parler des soupçons qui pèsent sur le Laos où un responsable de l’Organisation des Nations unies a déclaré que le virus était présent, ou la Chine, qui affirme être épargnée, mais à laquelle l’OMS a demandé des suppléments d’information.

Il est vrai qu’il y a de gros intérêts en jeu et qu’une épidémie de ce type pourrait avoir des conséquences sur les secteurs agricoles et agro-alimentaires des pays concernés, mais plus largement sur l’ensemble des économies de la région. De ce point de vue, le transport aérien et le tourisme sont au premier rang des branches susceptibles de pâtir des répercussions de l’épidémie. En Thaïlande, les tours operators craignent des vagues d’annulations des voyages depuis l’annonce des premiers cas de contamination humaine et surtout du premier décès. Le spectre du SRAS, qui a provoqué durant plusieurs mois un ralentissement très important de la fréquentation des lignes aériennes dans la région en 2003, est omniprésent. Même si pour le moment, l’OMS n’a pas émis de recommandation concernant une limitation de la circulation dans la zone, aucun cas de transmission d’humain à humain n’ayant été rapporté, personne ne sait ce que l’avenir peut réserver. Car le risque d’une mutation du virus qui frappe les volailles et d’une combinaison avec celui de la grippe banale est bel et bien réel. Du coup, la probabilité de voir apparaître un sous-type viral transmissible entre humains fait partie des hypothèses sérieusement envisageables.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/01/2004