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Epidémie

La «grippe espagnole» aurait une origine aviaire

Deux équipes de chercheurs, américaine et britannique, ont mis en évidence l’existence de caractéristiques communes entre la grippe humaine de 1918, dite «grippe espagnole» et la grippe du poulet. L’épidémie qui a coûté la vie à au moins vingt millions de personnes au début du XXe siècle aurait donc vraisemblablement, selon les scientifiques, une origine aviaire. Cette découverte représente une avancée dans le domaine de la compréhension des mécanismes par lesquels un virus animal peut finalement se transmettre à l’homme. Mais elle est inquiétante car elle confirme le risque potentiel de voir l’épidémie qui frappe les volailles asiatiques depuis plusieurs semaines devenir une terrible pandémie mondiale.
Et si l’épidémie de grippe la plus meurtrière de l’histoire était due à un virus dérivé de celui de la grippe aviaire ? Les résultats de deux études publiées dans la revue américaine Science montrent en effet qu’une protéine, l’hémagglutinine HA, retrouvée dans le virus de la grippe de 1918 possède des «caractéristiques habituellement observées sur celui de la grippe aviaire». Les chercheurs ont travaillé grâce à des prélèvements réalisés sur des victimes de la grippe espagnole, conservés dans le pergélisol (sol en permanence gelé) d’Alaska. Ces échantillons leur ont permis de reconstruire la structure de la protéine HA et de la comparer avec celles du virus aviaire et de la grippe humaine.

L’hémagglutinine HA se trouve à la surface du virus. Elle joue un rôle très important puisque c’est elle qui lui permet de pénétrer dans une cellule pour l’infecter, en s’attachant à un récepteur. En règle général, les récepteurs sont différents suivant qu’il s’agit d’un virus aviaire ou humain. Les découvertes des équipes du MRC National Institute for Medical Research de Londres et du Howard Hugues Medical Institute for Medical Research de l’Université de Harvard, ont permis de constater la présence d’acides aminés du virus aviaire dans le site servant à la liaison de la protéine HA de la grippe espagnole avec le récepteur. Il y aurait donc eu un changement de la structure de la protéine, à l’occasion duquel elle aurait trouvé le moyen d’attaquer les cellules pulmonaires humaines. Cela expliquerait en partie, selon les scientifiques, pourquoi le virus de la grippe de 1918 a réussi à prendre le système immunitaire humain en défaut et à devenir aussi dévastateur dans la population. Cela permettrait aussi de comprendre un certain nombre de mécanismes qui rendent possible le passage d’une souche aviaire à une souche mammifère.

La grippe humaine est arrivée en Asie

Après les mises en garde répétées de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le danger d’une mutation du virus de la grippe aviaire et d’une combinaison avec le virus de la grippe classique, qui lui permettrait de devenir transmissible directement entre humains et non plus simplement d’une volaille à un homme dans des conditions d’exposition précises, les résultats de ces travaux prennent une valeur particulière. Ils montrent que le scénario catastrophe décrit par l’OMS ne relève peut-être pas que du domaine de la fiction. D’autant que l’épidémie actuelle de grippe aviaire est «sans précédent», selon le directeur général de l’Office international des Epizooties, Bernard Vallat.

Malgré tout, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives et dramatiser la situation. Car on n’en est pas encore au stade du passage à une épidémie humaine de grande ampleur. Le risque d’une mutation est réel mais pas forcément proche. Michael Ryan, un responsable de la lutte contre l’épidémie à l’OMS, a estimé que si elle avait lieu, elle prendrait «des mois, voire davantage», à partir du moment où le H5N1, qui se propage parmi les volatiles asiatiques, commencerai à acquérir des gènes du virus de la grippe humaine. Cependant il semble que l’on soit entré dans une période à haut risque puisque la grippe classique est vraisemblablement déjà arrivée en Asie, au Vietnam notamment. Cette situation incite d’ailleurs l’OMS à réitérer son appel à la plus extrême vigilance pour les mois qui viennent.

Ecoutez Jeanne Brugères-Picoux, professeur à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort (F. Genot,06/02/2004, 4'44)



par Valérie  Gas

Article publié le 06/02/2004