Kosovo
Vent de «nettoyage ethnique» sur le Kosovo
Ugljare, Gracanica, Plemetina – Depuis deux jours, des milliers de réfugiés serbes errent dans les villages des alentours de Pristina.
De notre envoyé spécial à Pristina, Jean-Arnault Derens
Dragisa Denic, un jeune homme d’une trentaine d’année, habitait Kosovo Polje, un faubourg de la capitale de la province. Dans la nuit de jeudi à vendredi, des Albanais armés sont venus incendier sa maison, et il n’a dû son salut qu’à la fuite. Dans le bourg de Kosovo Polje, du linge sèche encore dans les jardins des maisons incendiées, signe du départ précipité des habitants, qui n’ont rien pu emporter avec eux. Dragisa a provisoirement trouvé refuge dans l’école primaire d’Ugljare, un village serbe distant de quelques centaines de mètres seulement. «La nuit dernière, il n’y avait aucun soldat de la KFOR ni aucun policier près de nos maisons», affirme-t-il, en ajoutant que les militaires internationaux «ne pensent qu’à leur propre sécurité».
Aucun barrage ne protège Ugljare, même si plusieurs véhicules légers de la KFOR patrouillent dans le village. Tout au long de la matinée de vendredi, des réfugiés ne cessent de passer devant l’école. Un homme d’une cinquantaine a juché toute sa famille et quelques sacs de farine sur la remorque de son tracteur. Originaire de la commune de Lipljane, il a déjà dû s’enfuir à quatre reprises depuis l’entrée des troupes de l’OTAN au Kosovo, en juin 1999.
L’axe Pristina-Skopje, habituellement utilisé par les Albanais, a été coupé par la KFOR. Seuls des petits chemins permettent de passer, à travers la campagne, d’une enclave serbe à l’autre. Près de 20 000 Serbes vivent toujours dans cette poignée de villages du centre du Kosovo. La plupart des réfugiés se dirigent vers le monastère de Gracanica. Cette merveille architecturale du XVe siècle retrouve sa vocation d’asile pour les réfugiés. Dans un petite pièce attenant au logis des moniales, deux jeunes popes jonglent entre internet et radio amateur pour centraliser les informations qui remontent du terrain. Des dizaines de réfugiés campent sur les pelouses du monastère, mais la nourriture commence déjà à manquer, alors que des milliers de réfugiés pourraient converger vers Gracanica dans les jours à venir.
Aucun chiffre global n’est disponible
Dragan Velic, un dirigeant du Comité de crise qui vient de se mettre en place dans la région, fait la tournée des villages serbes. Il adjure une vingtaine de villageois réunis dans l’école d’Ugljare de ne pas céder à la panique et au défaitisme. La réunion est houleuse. Une femme interpelle le délégué : «que devons-nous faire ? Rester chez nous ? Partir en Serbie ?» Dragan Velic assure que le comité de crise coopère avec les soldats de la KFOR et que la sécurité devrait se renforcer. «Chacun a le droit d’avoir peur, moi aussi, j’ai peur, mais si nous répandons la panique dans la population, alors les Serbes ont définitivement perdu la partie et vont tous devoir abandonner le Kosovo central».
Aucun chiffre global n’est disponible, mais des milliers de réfugiés serbes ont également investi les bases des soldats de la KFOR de la région. Pourtant, certains Serbes critiquent aussi le rôle joué par la KFOR.
Lorsque le quartier serbe de la bourgade d’Obilic a été entièrement incendié, jeudi, le village serbe de Plemetina s’est retrouvé en première ligne. L’antenne locale de la Croix Rouge serbe a enregistré 75 familles fuyant Obilic. Plusieurs réfugiés campent dans la maison de Mirce Jakovljevic, le responsable local du comité de crise.
«Les Serbes d’Obilic n’ont pas été évacués par la KFOR, ils ont été expulsés», s’indigne ce dernier. «Au prétexte de ne pas pouvoir assurer la sécurité des habitants, les soldats de la KFOR ont précipité le nettoyage ethnique». Mirce Jakovljevic est catégorique : «j’ai sept enfants, mais je vous garantis qu’aucun membre de ma famille ne quittera le village. S’il le faut, je me battrais, au prix de ma vie et peut-être de celle de mes enfants». Pour lui, la communauté internationale laisserait le nettoyage ethnique orchestré par les extrémistes albanais se généraliser à tout le Kosovo central afin de «simplifier» la carte de la région : «quand tous les Serbes auront disparu au sud de la rivière Ibar, il sera beaucoup plus simple de partager le Kosovo, en cédant le secteur nord à la Serbie»... Mirce Jakovljevic se reprend : «ne croyez pas que je sois un extrémiste. Au contraire, depuis 1999, j’ai dû me battre contre les extrémistes serbes en expliquant que nous n’avions pas d’autre choix que de coopérer avec la KFOR et l’administration civile des Nations Unies, mais aujourd’hui, nous sommes trahis et abandonnés par ceux qui étaient en charge de notre sécurité».
Dans l’après-midi de vendredi, des soldats finlandais de la KFOR et des gendarmes français ont pris position aux alentours de Plemetina. Visiblement épuisés, ils guettent les collines qui commencent à quelques kilomètres du village : c’est de là que sont venus les petits groupes déterminés d’incendiaires qui ont détruit le quartier serbe d’Obilic.
Dragisa Denic, un jeune homme d’une trentaine d’année, habitait Kosovo Polje, un faubourg de la capitale de la province. Dans la nuit de jeudi à vendredi, des Albanais armés sont venus incendier sa maison, et il n’a dû son salut qu’à la fuite. Dans le bourg de Kosovo Polje, du linge sèche encore dans les jardins des maisons incendiées, signe du départ précipité des habitants, qui n’ont rien pu emporter avec eux. Dragisa a provisoirement trouvé refuge dans l’école primaire d’Ugljare, un village serbe distant de quelques centaines de mètres seulement. «La nuit dernière, il n’y avait aucun soldat de la KFOR ni aucun policier près de nos maisons», affirme-t-il, en ajoutant que les militaires internationaux «ne pensent qu’à leur propre sécurité».
Aucun barrage ne protège Ugljare, même si plusieurs véhicules légers de la KFOR patrouillent dans le village. Tout au long de la matinée de vendredi, des réfugiés ne cessent de passer devant l’école. Un homme d’une cinquantaine a juché toute sa famille et quelques sacs de farine sur la remorque de son tracteur. Originaire de la commune de Lipljane, il a déjà dû s’enfuir à quatre reprises depuis l’entrée des troupes de l’OTAN au Kosovo, en juin 1999.
L’axe Pristina-Skopje, habituellement utilisé par les Albanais, a été coupé par la KFOR. Seuls des petits chemins permettent de passer, à travers la campagne, d’une enclave serbe à l’autre. Près de 20 000 Serbes vivent toujours dans cette poignée de villages du centre du Kosovo. La plupart des réfugiés se dirigent vers le monastère de Gracanica. Cette merveille architecturale du XVe siècle retrouve sa vocation d’asile pour les réfugiés. Dans un petite pièce attenant au logis des moniales, deux jeunes popes jonglent entre internet et radio amateur pour centraliser les informations qui remontent du terrain. Des dizaines de réfugiés campent sur les pelouses du monastère, mais la nourriture commence déjà à manquer, alors que des milliers de réfugiés pourraient converger vers Gracanica dans les jours à venir.
Aucun chiffre global n’est disponible
Dragan Velic, un dirigeant du Comité de crise qui vient de se mettre en place dans la région, fait la tournée des villages serbes. Il adjure une vingtaine de villageois réunis dans l’école d’Ugljare de ne pas céder à la panique et au défaitisme. La réunion est houleuse. Une femme interpelle le délégué : «que devons-nous faire ? Rester chez nous ? Partir en Serbie ?» Dragan Velic assure que le comité de crise coopère avec les soldats de la KFOR et que la sécurité devrait se renforcer. «Chacun a le droit d’avoir peur, moi aussi, j’ai peur, mais si nous répandons la panique dans la population, alors les Serbes ont définitivement perdu la partie et vont tous devoir abandonner le Kosovo central».
Aucun chiffre global n’est disponible, mais des milliers de réfugiés serbes ont également investi les bases des soldats de la KFOR de la région. Pourtant, certains Serbes critiquent aussi le rôle joué par la KFOR.
Lorsque le quartier serbe de la bourgade d’Obilic a été entièrement incendié, jeudi, le village serbe de Plemetina s’est retrouvé en première ligne. L’antenne locale de la Croix Rouge serbe a enregistré 75 familles fuyant Obilic. Plusieurs réfugiés campent dans la maison de Mirce Jakovljevic, le responsable local du comité de crise.
«Les Serbes d’Obilic n’ont pas été évacués par la KFOR, ils ont été expulsés», s’indigne ce dernier. «Au prétexte de ne pas pouvoir assurer la sécurité des habitants, les soldats de la KFOR ont précipité le nettoyage ethnique». Mirce Jakovljevic est catégorique : «j’ai sept enfants, mais je vous garantis qu’aucun membre de ma famille ne quittera le village. S’il le faut, je me battrais, au prix de ma vie et peut-être de celle de mes enfants». Pour lui, la communauté internationale laisserait le nettoyage ethnique orchestré par les extrémistes albanais se généraliser à tout le Kosovo central afin de «simplifier» la carte de la région : «quand tous les Serbes auront disparu au sud de la rivière Ibar, il sera beaucoup plus simple de partager le Kosovo, en cédant le secteur nord à la Serbie»... Mirce Jakovljevic se reprend : «ne croyez pas que je sois un extrémiste. Au contraire, depuis 1999, j’ai dû me battre contre les extrémistes serbes en expliquant que nous n’avions pas d’autre choix que de coopérer avec la KFOR et l’administration civile des Nations Unies, mais aujourd’hui, nous sommes trahis et abandonnés par ceux qui étaient en charge de notre sécurité».
Dans l’après-midi de vendredi, des soldats finlandais de la KFOR et des gendarmes français ont pris position aux alentours de Plemetina. Visiblement épuisés, ils guettent les collines qui commencent à quelques kilomètres du village : c’est de là que sont venus les petits groupes déterminés d’incendiaires qui ont détruit le quartier serbe d’Obilic.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 20/03/2004