Kosovo
L’explosion que l’ONU n’a pas vu venir
Pourquoi les Nations unies ont-elles été débordées par l’explosion de violence de la semaine dernière ? À Pristina, les responsables de l’administration internationale tentent de comprendre.
De notre envoyé spécial à Pristina
Une semaine après les trois jours d’émeutes qui ont embrasé le Kosovo, la Mission des Nations unies tire le bilan: 25 morts, 867 civils blessés, 286 maisons incendiées, 30 églises orthodoxes détruites ainsi que 11 monastères… «Rien ne nous permettait de prévoir une telle explosion», reconnaît Jean-Christian Cady, chef du département de la police et de la justice de l’administration onusienne du territoire. Pour lui, l’émotion suscitée par la noyade de trois enfants albanais dans un village des alentours de Mitrovica, l’après-midi du mardi 16 mars, a ensuite été utilisée par des éléments extrémistes parfaitement organisés.
La rumeur du «lynchage» de jeunes Albanais par des Serbes, colportée par les médias, a suffi à mettre le feu aux poudres, dans la ville voisine de Mitrovica tout d’abord, puis à travers tout le Kosovo. Divisée en secteur serbe et albanais, Mitrovica est un baril de poudre, qui a connu des explosions régulières tout au long des cinq années de protectorat international sur le Kosovo. Par contre, jamais des incidents interethniques n’avaient encore éclaté simultanément dans toutes les régions de la province.
Le ghetto serbe du centre de Ljipljane, une ville située à une vingtaine de kilomètres de Pristina, a été l’objet d’attaques concertées mercredi et jeudi soir. Ljipljane a connu deux soirées de pogrom, mercredi et jeudi. Avant les événements, 2000 Serbes habitaient au centre de la ville, mais bien souvent les zones d’habitat serbe et albanais s’entrecroisaient. Les émeutiers albanais ont systématiquement attaqué et incendié les maisons serbes. D’après les témoins, il s’agissait de très jeunes gens, âgé de 16 ou 17 ans. Cependant, les attaques ont été parfaitement coordonnées, frappant en même temps différents quartiers de la ville, de manière à ce que les soldats de la KFOR soient vite débordés. Le corps de police multiethnique du Kosovo (KPS) a également été débordé, et certains policiers serbes se sont contentés d’aller conseiller discrètement aux civils de fuir leurs maisons. Près de la moitié des maisons serbes ont été détruites, et les habitants sont toujours réfugiés dans le camp de la KFOR finlandaise ou dans les villages serbes des alentours.
«Nous avions baissé la garde»
Ljipljane avait conservé une population mixte, même si la ville est un bastion des anciens guérilleros de l’UCK, qui dominent la municipalité. Beaucoup de regards se tournent désormais vers le TMK, le Corps de protection du Kosovo, la structure paramilitaire formée par ces anciens guérilleros, sous le contrôle de l’OTAN. Des hommes du TMK pourraient avoir dirigé les émeutes.
Jean-Christian Cady reconnaît que les forces internationales ont été débordées, et il promet des enquêtes rapides sur les membres du KPS qui se seraient rangés du côté des émeutiers. Il exonère par contre le TMK de toute responsabilité, en soulignant qu’à Prizren et Gnjilane, les hommes de cette unité ont même servi d’intermédiaires entre les manifestants et les soldats de la KFOR.
Les partis politiques albanais ont dénoncé les violences, et le gouvernement du Kosovo s’est engagé à financer la reconstruction des maisons serbes détruites. Plusieurs dirigeants albanais essaient d’orienter les soupçons vers de petites formations radicales, comme le Mouvement populaire du Kosovo (LPK) d’Emrush Xhemaili. Cependant, ce mouvement, surtout implanté dans les communautés albanaises de Suisse et d’Allemagne, ne paraît pas disposer de réseaux suffisants de militants. Pour Jean-Christian Cady, tous les partis politiques albanais sont en fait traversés par des courants plus ou moins radicaux. «Certains ont cru pouvoir exploiter les événements pour provoquer une partition de facto du Kosovo et précipiter le débat sur le statut final du territoire».
Oliver Ivanovic, membre de la présidence du Parlement du Kosovo, et dirigeant charismatique des Serbes de Mitrovica, ne veut pas non plus accabler le seul TMK. «Il y a en permanence au moins 1000 hommes en armes au Kosovo, qui obéissent à deux ou trois groupes clandestins différents. Beaucoup d’anciens guérilleros n’ont pas oublié la belle époque où la possession d’une arme leur donnait tous les droits».
Une seule certitude s’impose: l’administration internationale a été totalement prise de court. «Nous avions baissé la garde», reconnaît Jean-Christian Cady. «Pour deux raisons: nous voulions donner une image de plus grande normalité, rompre avec l’image d’un Kosovo en quasi-état de siège permanent. De surcroît, les troupes disponibles étaient devenues moins nombreuses». En cinq ans, les effectifs de la KFOR étaient en effet passés de plus 40 000 à 19 000 hommes, et les responsables civils et militaires internationaux ont été totalement incapables de pressentir l’explosion de la semaine dernière.
Une semaine après les trois jours d’émeutes qui ont embrasé le Kosovo, la Mission des Nations unies tire le bilan: 25 morts, 867 civils blessés, 286 maisons incendiées, 30 églises orthodoxes détruites ainsi que 11 monastères… «Rien ne nous permettait de prévoir une telle explosion», reconnaît Jean-Christian Cady, chef du département de la police et de la justice de l’administration onusienne du territoire. Pour lui, l’émotion suscitée par la noyade de trois enfants albanais dans un village des alentours de Mitrovica, l’après-midi du mardi 16 mars, a ensuite été utilisée par des éléments extrémistes parfaitement organisés.
La rumeur du «lynchage» de jeunes Albanais par des Serbes, colportée par les médias, a suffi à mettre le feu aux poudres, dans la ville voisine de Mitrovica tout d’abord, puis à travers tout le Kosovo. Divisée en secteur serbe et albanais, Mitrovica est un baril de poudre, qui a connu des explosions régulières tout au long des cinq années de protectorat international sur le Kosovo. Par contre, jamais des incidents interethniques n’avaient encore éclaté simultanément dans toutes les régions de la province.
Le ghetto serbe du centre de Ljipljane, une ville située à une vingtaine de kilomètres de Pristina, a été l’objet d’attaques concertées mercredi et jeudi soir. Ljipljane a connu deux soirées de pogrom, mercredi et jeudi. Avant les événements, 2000 Serbes habitaient au centre de la ville, mais bien souvent les zones d’habitat serbe et albanais s’entrecroisaient. Les émeutiers albanais ont systématiquement attaqué et incendié les maisons serbes. D’après les témoins, il s’agissait de très jeunes gens, âgé de 16 ou 17 ans. Cependant, les attaques ont été parfaitement coordonnées, frappant en même temps différents quartiers de la ville, de manière à ce que les soldats de la KFOR soient vite débordés. Le corps de police multiethnique du Kosovo (KPS) a également été débordé, et certains policiers serbes se sont contentés d’aller conseiller discrètement aux civils de fuir leurs maisons. Près de la moitié des maisons serbes ont été détruites, et les habitants sont toujours réfugiés dans le camp de la KFOR finlandaise ou dans les villages serbes des alentours.
«Nous avions baissé la garde»
Ljipljane avait conservé une population mixte, même si la ville est un bastion des anciens guérilleros de l’UCK, qui dominent la municipalité. Beaucoup de regards se tournent désormais vers le TMK, le Corps de protection du Kosovo, la structure paramilitaire formée par ces anciens guérilleros, sous le contrôle de l’OTAN. Des hommes du TMK pourraient avoir dirigé les émeutes.
Jean-Christian Cady reconnaît que les forces internationales ont été débordées, et il promet des enquêtes rapides sur les membres du KPS qui se seraient rangés du côté des émeutiers. Il exonère par contre le TMK de toute responsabilité, en soulignant qu’à Prizren et Gnjilane, les hommes de cette unité ont même servi d’intermédiaires entre les manifestants et les soldats de la KFOR.
Les partis politiques albanais ont dénoncé les violences, et le gouvernement du Kosovo s’est engagé à financer la reconstruction des maisons serbes détruites. Plusieurs dirigeants albanais essaient d’orienter les soupçons vers de petites formations radicales, comme le Mouvement populaire du Kosovo (LPK) d’Emrush Xhemaili. Cependant, ce mouvement, surtout implanté dans les communautés albanaises de Suisse et d’Allemagne, ne paraît pas disposer de réseaux suffisants de militants. Pour Jean-Christian Cady, tous les partis politiques albanais sont en fait traversés par des courants plus ou moins radicaux. «Certains ont cru pouvoir exploiter les événements pour provoquer une partition de facto du Kosovo et précipiter le débat sur le statut final du territoire».
Oliver Ivanovic, membre de la présidence du Parlement du Kosovo, et dirigeant charismatique des Serbes de Mitrovica, ne veut pas non plus accabler le seul TMK. «Il y a en permanence au moins 1000 hommes en armes au Kosovo, qui obéissent à deux ou trois groupes clandestins différents. Beaucoup d’anciens guérilleros n’ont pas oublié la belle époque où la possession d’une arme leur donnait tous les droits».
Une seule certitude s’impose: l’administration internationale a été totalement prise de court. «Nous avions baissé la garde», reconnaît Jean-Christian Cady. «Pour deux raisons: nous voulions donner une image de plus grande normalité, rompre avec l’image d’un Kosovo en quasi-état de siège permanent. De surcroît, les troupes disponibles étaient devenues moins nombreuses». En cinq ans, les effectifs de la KFOR étaient en effet passés de plus 40 000 à 19 000 hommes, et les responsables civils et militaires internationaux ont été totalement incapables de pressentir l’explosion de la semaine dernière.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 23/03/2004 Dernière mise à jour le 27/07/2004 à 09:59 TU