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11 septembre

Le renseignement et les politiques épinglés

Lors de son audience devant la commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre, John Ashcroft, le ministre américain de la Justice  a mis en cause l’incapacité des agents des services de renseignement et des enquêteurs criminels à échanger des informations. 

		(Photo : AFP)
Lors de son audience devant la commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre, John Ashcroft, le ministre américain de la Justice a mis en cause l’incapacité des agents des services de renseignement et des enquêteurs criminels à échanger des informations.
(Photo : AFP)
Le rapport préliminaire de la commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre, publié le 13 avril, n’est pas tendre avec les administrations américaines responsables de la lutte antiterroriste. Il insiste notamment sur l’incapacité du FBI, la police fédérale, à prendre la mesure du danger et sur les mauvais choix stratégiques des responsables politiques, qui n’ont pas su donner les impulsions nécessaires pour faire la chasse à Al Qaïda avant le drame du 11 septembre 2001.

John Ashcroft, le ministre américain de la Justice, a eu beau se défendre devant les dix membres de la commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre, il a eu du mal à les convaincre que tout avait été fait pour éviter le drame qui a coûté la vie à près de 3 000 personnes. Son principal argument a été de rejeter l’ensemble des erreurs commises dans l’organisation des services de renseignement et de lutte contre le terrorisme sur l’administration Clinton. Il a, par exemple, déclaré: «L’important à propos du 11 septembre (2001) est que nous ne savions pas qu’une attaque se tramait parce que pendant près de dix ans notre gouvernement était resté aveugle face à ses ennemis». John Ashcroft a ainsi expliqué qu’«aucune stratégie d’attaque du réseau Al Qaïda aux Etats-Unis n’avait été mise en oeuvre» par ses prédécesseurs. Il a aussi affirmé qu’aucune directive n’avait été donnée pour éliminer le dirigeant de l’organisation terroriste responsable des attentats, Oussama Ben Laden. Il a encore mis en cause l’incapacité des agents des services de renseignement et des enquêteurs criminels à échanger des informations à cause du«mur légal» érigé entre eux par le gouvernement Clinton.

C’est donc par l’esquive que l’Attorney general a répondu à des accusations pourtant précises concernant son propre manque de clairvoyance sur le dossier du terrorisme. Le rapport de la commission fait, en effet, état d’une directive, émise en mai 2001 par les services de John Ashcroft, qui met au premier rang des priorités du FBI la réduction des violences par armes à feu et la lutte contre le trafic de drogue. Mais ne fait pas mention du terrorisme. Des témoignages corroborent cette version des faits selon laquelle l’administration Bush n’a pas plus pris la mesure du danger que celle du président Clinton ne l’avait fait avant elle, et n’a pas donné les moyens nécessaires pour mener des actions efficaces dans ce domaine. Thomas Pickard, directeur du FBI entre juin et septembre 2001, a ainsi expliqué que John Ashcroft lui avait fait comprendre qu’il «ne souhaitait plus entendre» ses mises en garde sur la persistance d’une menace terroriste et avait refusé d’augmenter les ressources budgétaires de la police fédérale pour lui permettre d’accroître ses capacités d’investigations anti-terroristes.

Incompétences et manque de moyens

Car c’est bien à ce niveau que se situe le principal problème: le FBI chargé du contre-espionnage sur le territoire américain, n’avait pas les moyens d’assurer sa mission dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le rapport de la commission d’enquête met en valeur les raisons des déficiences de la police fédérale. «Le FBI ne disposait pas des moyens adéquats pour utiliser pleinement et efficacement toutes les informations qu’il collectait». Le nombre de traducteurs, notamment en langues arabe et farsi, était ainsi notoirement insuffisant. Entre 2000 et 2002, des demandes ont été déposées pour obtenir l’embauche de 1 900 experts linguistiques et analystes mais 76 personnes seulement ont été finalement recrutées. D’autre part, seuls 6 % des agents du FBI étaient affectés à la lutte contre le terrorisme. Du coup, la police fédérale avait des capacités «limitées à recueillir des renseignements, à faire des analyses stratégiques» mais aussi à «partager» les informations avec les autres agences.

Cet ensemble de contraintes et d’incompétences expliquerait donc que des informations capitales concernant la préparation des attentats du 11 septembre aient été négligées. Des rapports sur la présence aux Etats-Unis de citoyens moyen-orientaux qui prenaient des cours de pilotage, n’ont pas été analysés comme ils auraient dû l’être. De la même manière, des conversations téléphoniques alarmantes entre des membres d’Al Qaïda interceptées la veille des attaques terroristes et dans lesquelles l’un des interlocuteurs prévenait: «Le jour J est pour demain», n’ont été traduites et transmises que le 12 septembre.

L’absence de moyens et de compétences n’explique peut-être pas tout. Car il semble, à en croire le rapport préliminaire de la commission, que les responsables politiques n’ont pas tenu assez compte des informations qui sont, malgré tout, remontées jusqu’à eux. De ce point de vue, le président Bush lui-même est mis en cause par l’ex-coordonnateur de la lutte anti-terroriste à la Maison Blanche, Richard Clarke, qui l’accuse d’avoir négligé la menace alors qu’un mémorandum alarmant lui avait été transmis le 6 août 2001. Ce document intitulé «Ben Laden déterminé à frapper aux Etats-Unis» qui faisait état de quelque 70 enquêtes menées par le FBI sur la présence d’Al Qaïda dans le pays, aurait dû alerter le président. Si George W. Bush a reconnu, lors de sa conférence de presse du 13 avril, qu’il y avait dans la note «une indication qu’Oussama Ben Laden voulait détourner un avion», il a expliqué l’absence de prise en compte de cette information par le fait qu’il était impossible de prévoir qu’il envisageait de «voler sur un immeuble». Ajoutant: «La personne responsable de ces attentats, c’est Oussama Ben Laden». Malgré les attaques dont lui et son administration font l’objet, George W. Bush a affirmé qu’il attendait «avec impatience» les conclusions de la commission, en juillet prochain, parce qu’elles aideront «à mieux assurer la sécurité des Etats-Unis».

par Valérie  Gas

Article publié le 14/04/2004 Dernière mise à jour le 14/04/2004 à 16:39 TU