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Géorgie

Epreuve de force en Adjarie

L'incertitude continue de peser sur l'issue du conflit dans la province dissidente d'Adjarie. 

		(Carte : Darya Kianpour/RFI)
L'incertitude continue de peser sur l'issue du conflit dans la province dissidente d'Adjarie.
(Carte : Darya Kianpour/RFI)
Le mouvement de protestation gagne en importance et le pouvoir du leader de la province semble vaciller en dépit de sa volonté de se maintenir. L’incertitude continue toutefois de peser sur une issue pacifique du conflit. La Russie a dépêché un médiateur à Tbilissi.

Les événements en cours en Adjarie semble confirmer que l’épreuve de force entamée au cours de ces derniers jours sera menée jusqu’à son terme, c’est à dire jusqu’à ce que l’un des deux protagonistes cède. Depuis 24 heures, des manifestations de plus en plus importantes d’opposants réclamant le départ du dirigeant de la province se poursuivent. Ces opposants, principalement des intellectuels jusqu’à mardi, ont été rejoints par des fonctionnaires et notamment des policiers et des journalistes des médias locaux, jusqu’ici dévoués à l’administration mise en place par Aslan Abachidzé depuis 1991. Selon la télévision géorgienne, le ministre de l’Intérieur d’Adjarie a également rejoint l’opposition.

A la mi-journée, mercredi, quelque 5 000 manifestants défiaient son pouvoir dans les rues de Batoumi, avec la volonté affichée de provoquer sa destitution d’ici la fin de la journée, tandis qu’environ 700 policiers leur faisaient face. Nombre d’autres, pressentant la fin prochaine du régime, auraient déserté la région pour gagner le territoire géorgien tandis que les manifestations se développaient. Selon des informations en provenance de Tbilissi, des négociations menées à la frontière administrative entre l’Adjarie et le reste de la Géorgie par le Premier ministre géorgien étaient en cours pour obtenir la démission d’Aslan Abashidzé et garantir sa sécurité en cas de succès des discussions. Mais la porte-parole de ce dernier démentait que la question de son départ soit à l’ordre du jour. Cette dernière a cependant confirmé que le leader de la province interviendrait dans la soirée à la télévision régionale.

Millionnaires en dollars

Après l’ultimatum de 10 jours lancé dimanche par Tbilissi et l’appel à la désobéissance lancé mardi par le président géorgien en direction des forces armées d’Adjarie, et les autorités de Tbilissi ont manifestement décidé de miser sur un soulèvement populaire de la petite province autonome géorgienne. Ce plan semble en passe de réussir tant est grande l’impatience de l’opinion publique locale de se débarrasser du pouvoir corrompu du clan Abashidzé et de rejoindre la communauté nationale géorgienne désormais conduite par une équipe rénovée et pro-occidentale. Reste qu’à l’heure actuelle, on ignore les intentions du chef local. Info ou intox: le ministre géorgien de la Défense accusait à la mi-journée les autorités d’Adjarie d’avoir miné le terminal pétrolier de Batoumi.

Acculé dans son fief de Batoumi par une opinion opposante et désormais en butte à l’hostilité déclarée de la capitale, va-t-il se laisser dépouiller sans coup férir de la rente de situation que représente son contrôle sur une région dont les richesses l’ont rendu, lui et les siens, millionnaires (en dollars)? Batoumi est en effet un port pétrolier stratégique par où transite l’or noir régional, en attendant la fin de la construction de l’oléoduc qui transportera les richesses pétrolières de la Caspienne vers la Méditerranée, en 2005. L’Adjarie dispose également de richesses touristiques qui font la prospérité de la province, de ses habitants et de ses… dirigeants.

Négocier la neutralité des Russes

Reste l’incertitude de l’attitude qu’adopteront les Russe dans cette affaire. Moscou ne cache pas son agacement et son inquiétude face aux proclamations pro-occidentales d’une Géorgie qui affiche aujourd’hui sa volonté de rejoindre l’Union européenne et l’Otan. Moscou accuse notamment Tbilissi de complaisance à l’égard des indépendantistes tchétchènes qui se réfugient sur le territoire géorgien pour échapper aux opérations de l’armée russe. Le Kremlin, qui s’en défend, passe notamment pour l’un des principaux soutiens du séparatisme ossète et abkhaze, et entretient une ambiguïté à l’égard de la situation en Adjarie que les autorités géorgiennes dénoncent comme de la bienveillance. Sur les deux bases militaires que Moscou continue d’entretenir en Géorgie, l’une est située en Adjarie, près de Batoumi.

Cette dimension internationale du conflit devait être au centre de la visite à Moscou, mercredi, du chef de la diplomatie géorgienne. Salomé Zourabichvili va évaluer la détermination du Kremlin dans cette affaire, voire négocier la neutralité des Russes si l’affaire prenait une tournure moins pacifique. De son côté le secrétaire du Conseil de sécurité russe est attendu à Tbilissi pour prendre part à une négociation entre les deux parties.

L’armée géorgienne minée par la corruption et le sous-équipement

Sans préjuger de l’issue de ce nouvel épisode, ces événements géorgiens révèlent la fragilité des pouvoirs centraux de la périphérie ex-soviétique, le caractère inachevé des constructions nationales et leur difficulté à s’affranchir des féodalismes qui ont succédé à l’écroulement de l’Empire, plus de dix ans après sa dislocation.

C’est dans ce climat d’incertitude que le recensement des 8 500 conscrits géorgiens de la classe 2004 a commencé. De l’avis général, à part quelques milliers d’hommes appartenant aux troupes d’élite, l’armée géorgienne, minée par la corruption et le sous-équipement, n’est pas en état de combattre efficacement. C’est l’un des chantiers prioritaires de la nouvelle administration.

par Georges  Abou

Article publié le 05/05/2004 Dernière mise à jour le 05/05/2004 à 15:39 TU

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Journaliste, correspondant de RFI à Moscou

«Moscou ne cesse d’adresser des mises en garde à Tbilissi contre l’utilisation de la Force.»

[05/05/2004]

Charles Urjewicz

Spécialiste du Caucase

«Toute la question est de savoir quelle forme prendra ce conflit car on a quand même, quelles que soient les différences entre les uns et les autres, des Géorgiens face à face.»

[05/05/2004]

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