Economie numérique
Une loi pour l'Internet en France
Le Parlement a définitivement adopté, jeudi 13 mai, le projet de loi relatif à l’économie numérique (LEN). Les sénateurs ont validé les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) dans les mêmes termes que l’ont fait les députés début mai. La droite a voté pour, la gauche contre. Cette loi,dont l’objectif est de transposer une directive européenne sur le commerce électronique, est «un texte fondateur du droit de l’Internet en France qui instaure une vraie différence de nature entre la communication publique en ligne et la communication audiovisuelle», s’est félicité le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, le député UDF Jean Dionis du Séjour.
Mais certains amendements sur la responsabilité des hébergeurs et le droit de la presse provoquent la colère de nombreuses associations de défense des libertés parmi lesquelles la Ligue des droits de l’Homme, et l’association Iris (Imaginons un réseau solidaire) qui ont été rejointes dans leur combat par des professionnels des médias comme le Groupement des éditeurs de service en ligne (Geste). Les socialistes et les communistes ont fait savoir qu’ils saisiraient le Conseil constitutionnel sur ces dispositions jugées contraires à la liberté d’expression.
Une différence avec le droit de la presse
La loi sur l’économie numérique (LEN) renforce la responsabilité des prestataires techniques. Aux termes de ce texte de loi, les hébergeurs, sans être obligés de surveiller leurs sites, auront néanmoins l’obligation de concourir à la lutte contre la diffusion des données à caractère illicite. En effet, le texte impose aux prestataires techniques -sous peine de sanctions civiles ou pénales- d’informer promptement les autorités de tout site qui leur serait signalé, relevant de la pédophilie, de l’incitation à la haine raciale ou de l’apologie de crimes contre l’humanité. Les parlementaires de l’opposition sont préoccupés par cette disposition qui laisse aux hébergeurs de sites et fournisseurs d’accès «la responsabilité de retirer ou non des données mises en ligne par un tiers ou d'en rendre l'accès impossible sur le fondement d'une présomption d'illicite».
Autre sujet qui fâche, l’amendement sur la prescription des délits de presse sur Internet. La loi de 1881 sur la liberté de la presse stipule que les délits (diffamation, injure) sont prescrits dans un délai de trois mois à compter de leur première publication. Mais cette durée de prescription a été jugée insuffisante par les parlementaires s’agissant de l’Internet dont les informations peuvent rester accessibles pendant de longues périodes. L’amendement déposé par le sénateur UMP René Trégouët stipule que ce délai légal de prescription de trois mois s’applique sur Internet dès l’instant où cesse la mise à disposition du public de l’information incriminée, et non à compter de leur première parution. Le syndicat de la presse magazine et d’information (SMPI), le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) et Reporters sans frontières dénoncent cette disposition qui rend les délais de prescription extensibles à l’infini (puisque sur Internet, la majorité des contenus est conservée en archives) et crée une véritable insécurité judiciaire pour les éditeurs de presse en ligne.
par Myriam Berber
Article publié le 14/05/2004 Dernière mise à jour le 14/05/2004 à 15:37 TU