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Droits de l’Homme

La lutte contre le terrorisme ne légitime pas tout

Amnesty International dénonce dans son dernier rapport les abus perpétrés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, lancée à l’initiative des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Au nom de la défense de la sécurité intérieure par tous les moyens, certains Etats ont bafoué le droit international. Au moment où l’intervention américaine en Irak est l’objet d’une terrible polémique, notamment à cause de la découverte des sévices pratiqués sur les prisonniers, les accusations d’Amnesty International mettent en perspective les effets pervers de la guerre contre le terrorisme.

Les Etats-Unis n’en finissent décidément pas d’être dans l’oeil du cyclone. Depuis le début du scandale provoqué par la découverte des sévices perpétrés par les soldats américains sur les détenus irakiens dans la prison d’Abou Ghraib, près de Bagdad, révélations et rapports se succèdent pour mettre en cause les pratiques des soldats américains en opération dans le monde. Le dernier en date est publié par Amnesty International. L’organisation dénonce, en effet, dans son rapport annuel, les atteintes au droit de l'Homme qui ont été justifiées ces trois dernières années par la lutte contre le terrorisme.

Amnesty reconnaît bien évidemment la réalité de la menace représentée par les attentats perpétrés par des «groupes armés comme Al Qaïda». Elle n’hésite d’ailleurs pas à affirmer que «dans certains cas», ces attaques constituent «des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité». Mais l’organisation estime que les moyens mis en oeuvre par les Etats-Unis pour lutter contre le terrorisme sont malgré tout «disproportionnés et aveugles». Et surtout qu’en ne respectant pas le droit international et en commettant des atteintes au droit de l’Homme, les Etats-Unis font preuve d’un terrible «manque de clairvoyance»et «rendent le monde encore moins sûr». Retour à l’envoyeur, en l’occurrence le président George W. Bush, qui a justifié les interventions militaires en Afghanistan et surtout en Irak par la nécessité de rendre le monde plus sûr.

«Un double langage»

Entre les prisons militaires américaines en Afghanistan et le camp de Guantanamo Bay, à Cuba, des centaines de personnes ont été emprisonnées par les Etats-Unis et leurs alliés. Ces individus n’ont, pour la plupart, selon Amnesty, fait l’objet ni d’inculpation, ni jugement et ne sont pas autorisés à consulter un avocat. Considérés comme des «combattants étrangers», ils ne bénéficient pas de la protection des Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre et se trouvent dans un vide juridique unanimement dénoncé. Leurs conditions de détention sont extrêmement difficiles et Amnesty rapporte l’existence d’actes de tortures et de mauvais traitements. Si l’on ajoute à cela, les «massacres» de civils irakiens dans le cadre des opérations militaires menées dans le pays depuis la chute du régime de Saddam Hussein et surtout la pratique vraisemblablement systématisée de méthodes d’humiliations et d’intimidations dans la prison d’Abou Ghraib, le tableau des atteintes aux droits de l’Homme par les militaires américains est inquiétant.

Si les Etats-Unis sont clairement accusés d’être les initiateurs de ce mouvement motivé par la lutte contre le terrorisme, les pratiques d’autres Etats sont aussi dénoncées. Le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, par exemple, ont adopté des dispositions législatives antiterroristes «remettant en cause la protection des réfugiés et limitant la liberté d’expression et d’association». Au nom de la sécurité et de la lutte préventive, ils ont de fait mis en place des systèmes qui permettent de limiter l’application des droits des individus en cas de risque terroriste. Du coup, Amnesty estime qu’«en refusant de protéger les droits fondamentaux de coupables présumés, les gouvernements portent atteinte aux droits d’innocents et nous mettent tous en danger».

Du point de vue d’Amnesty International, il y a dans cette démarche «un double langage». Car la lutte contre le terrorisme aveugle justifiée par la défense des valeurs démocratiques est menée avec des moyens et des méthodes qui bafouent les droits humains fondamentaux qu’elle est censée défendre. Pour Irene Khan, la secrétaire générale de l’organisation, il s’agit d’une erreur car «il ne peut y avoir de sécurité durable sans respect des droits humains».

par Valérie  Gas

Article publié le 26/05/2004 Dernière mise à jour le 26/05/2004 à 15:51 TU