Guyane
Une société australienne à la recherche de l’or noir
(Carte RFI)
De notre correspondant en Guyane.
La Guyane, symbole de l’exploitation sauvage du métal jaune, recèle-t-elle de l’or noir ? Les Australiens d’Hardman Resources explorent cette hypothèse. Le 29 mai 2001, cette jeune PME de l’exploration pétrolière a obtenu de la commission des mines de Guyane, pour sa filiale Planet Oil basée à Londres, un permis de recherche de 6 500 km² qui balaye le littoral guyanais en se déployant jusqu’à douze miles au large. Avec cette obligation légale : « dépenser au minimum 22 millions d’euros à l’échéance du permis fin 2006 », explique Laurent Borde secrétaire général de la Direction régionale de l’industrie et de la recherche (Drire).
Deux campagnes d’exploration pétrolière avaient déjà été réalisées dans les années 70 par Exxon et Elf dans les eaux territoriales guyanaises avec une étude sismique sur 3 945 km² et deux forages à 850 mètres de profondeur. Sans résultat probant. Trente ans plus tard et avant de prospecter en Guyane, Hardman Resources a racheté ces anciennes données sismiques et les analyses des roches prélevées à l’époque « La stratégie d’Hardman est de revisiter des provinces pétrolières sous-explorées avec la technologie beaucoup plus fine d’aujourd’hui », indique Joachim Vogt, le représentant de la société en Guyane. Du 20 décembre 2002 au 14 février 2003, à son tour Hardman a réalisé une « sorte d’échographie du sous-sol », dixit Joachim Vogt par une étude sismique en deux dimensions sur 7 500 kilomètres linéaires de son permis de recherche.
Durant cette campagne, le « Professor Polshkov », un navire russe affrété par la société internationale Fugro pour Hardman a permis à la société australienne de réaliser une image des couches sous-marines par traitement des échos sonores afin de visualiser les pièges à hydrocarbures. L’étude des données informatiques par les géologues de la société australienne a ensuite couru sur l’ensemble de l’année 2003. Début 2004, la direction d’Hardman a annoncé avoir identifié un gisement « Giant », dans le jargon : « une structure géologique avec un potentiel évalué à plus de 500 millions de barils récupérables », traduit Joachim Vogt. « C’est une possibilité. La structure nous paraît grande et intéressante d’après la sismique, mais ça ne garantit pas qu’elle soit un gisement de pétrole. Il faut donc la mettre à l’épreuve par un forage », a tempéré Scott Spencer directeur d’Hardman joint à Perth par Radio Guyane, mardi 25 mai. « Cela peut-être du pétrole, du gaz, de l’eau, tout cela mélangé avec des huiles. Seul un forage le dira », renchérit Laurent Borde.
Hardman en quête de partenaires pour forer
Mais un forage à 1 200 mètres de profondeur n’est pas à la portée de toutes les bourses. Coût estimé : 15 et 20 millions de dollars. Hardman, détenteur de 97,5 % des parts du permis de recherche est donc en quête de partenaires pour partager les risques financiers. « Les résultats de notre étude sismique ont été soumis à 5 sociétés », explique Joachim Vogt, « notamment Woodside, notre partenaire en Mauritanie où nous avons réalisé pas moins de 3 découvertes substantielles ». En mars, Hardman a revendu 132 millions de dollars sa filiale pétrolifère et gazière en Mauritanie au groupe britannique BG Group. Le projet mauritanien est censé passer au stade « production » en 2005.
En décembre dernier, en rendant compte de l’avancée du projet guyanais à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Cayenne, Hardman avait annoncé qu’une décision de partenariat pour un forage serait prise avant juin 2004 : « Nous sommes toujours en négociation », explique aujourd’hui Scott Spencer. « L’objectif est de réaliser deux forages, le second dépendra des résultats du premier », poursuit le directeur d’Hardman. Selon Joachim Vogt : « Le joint-venture devrait être signé cet été probablement avec une ou deux PME de l’exploration pétrolière avec une décision de forage pour 2005 ». Quelles retombées, en cas de succès, pour la France et la Guyane ? « Selon l’article 31 du code minier, le taux d’une redevance progressive est fonction de la production. D’un minimum de 6% il peut atteindre 12% pour une production supérieure à 300 000 tonnes par an », explique Laurent Borde.
Pour l’heure le code minier prévoit que cette taxe revienne à l’Etat. « On est à 5 ou 10 ans d’une éventuelle exploitation donc les élus guyanais ont le temps de faire modifier la loi », poursuit le secrétaire général de la Drire. Pas sûr qu’au ministère de l’Industrie on encourage une telle éventualité dans le cas d’une exploitation. Enfin, s’agissant de la localisation géographique de la structure identifiée, il n’existe aucun risque de chevauchement avec le Surinam assure Joachim Vogt : « La ‘kitchen’, cette zone où les sédiments se transforment en hydrocarbures puis migrent au fil du temps, est dans les eaux du Surinam mais le gisement identifié est à 50 kilomètres de la frontière avec ce pays ». Une frontière maritime sujette aux flottements, un désaccord de 4 degrés persistant depuis des années entre la France et le Surinam à partir de l’embouchure du fleuve Maroni.
De toute manière, le futur programme de forage balayera les principales incertitudes : « Avec une bonne sismique localisée, en 3 dimensions, la probabilité de succès d’un forage est évaluée entre une chance sur 4 et une chance sur 5 », indique Scott Spencer. L’or noir de Guyane conserve encore une part de son mystère.
par Frédéric Farine
Article publié le 05/06/2004 Dernière mise à jour le 05/06/2004 à 08:29 TU