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Israël

Sharon blanchi, les travaillistes peuvent revenir

Ariel Sharon souriant. Le Premier ministre israélien a échappé, mardi 15 juin, à une inculpation dans une affaire de corruption. 

		(Photo: AFP)
Ariel Sharon souriant. Le Premier ministre israélien a échappé, mardi 15 juin, à une inculpation dans une affaire de corruption.
(Photo: AFP)
En annonçant mardi sa décision de ne pas inculper pour corruption Ariel Sharon et son fils Gilad, le procureur de l’Etat, Menahim Mazouz, a sauvé le fauteuil du Premier ministre qui dans le cas contraire aurait été acculé à démissionner. Sans majorité parlementaire après le limogeage de deux de ses ministres et la démission de deux autres membres de son cabinet, le chef du gouvernement, qui a échappé lundi à trois motions de censure, peut désormais engager les tractations avec l’opposition travailliste pour la formation d’un cabinet d’union nationale contre lequel une majorité d’Israéliens s’est pourtant prononcée.

La décision de Menahim Mazouz n’était pas vraiment une surprise. Depuis plusieurs jours déjà, la presse annonçait que le procureur de l’Etat allait clore définitivement le dossier de l’île grecque dans lequel était mis en cause le Premier ministre et son fils Gilad. Cette affaire remonte à 1998, date à laquelle Ariel Sharon, alors chef de la diplomatie, aurait été approché par un richissime homme d’affaires, David Appel, qui cherchait à promouvoir un important projet touristique sur une île située à une quarantaine de kilomètres au large d’Athènes. S’étant heurté à de nombreuses difficultés dans la mise en oeuvre de son projet, Appel aurait proposé au fils d’Ariel Sharon une somme de trois millions de dollars en contrepartie d’un vague rôle de «consultant» dans ce dossier. Cette somme n’a certes pas été versée mais l’homme d’affaires aurait payé quelque 100 000 dollars de «salaire» à Gilad et aurait débloqué 590 000 dollars au profit du ranch que possède le Premier ministre dans le sud d’Israël. En tant que membre influent du Likoud, il aurait également largement contribué à l’élection de ce dernier à la tête du principal parti de droite en 1999.

Dans un pays où un Premier ministre –Yitzhak Rabin– a été contraint à la démission parce que son épouse, enfreignant la législation sur les devises étrangères, possédait un compte en dollars et où un candidat aux législatives –Benyamin Netanhayou– a fait perdre les élections à son parti pour avoir été soupçonné de garder des cadeaux revenant à l’Etat, les accusations de corruption qui pesaient sur Ariel Sharon n’étaient pas à prendre à la légère. La décision du procureur de l’Etat de clore le dossier de l’île grecque a donc été un soulagement pour le Premier ministre. Contredisant son prédécesseur, Edna Arbel qui avait recommandé d’engager des poursuites pour corruption contre le chef du Likoud et son fils, Menahem Mazouz, qui a insisté sur le fait qu’il n’accordait «aucun traitement de faveur» au chef du gouvernement, a estimé «les preuves recueillies dans cette affaire ne justifiaient pas une inculpation».

Vers un retour des travaillistes ?

Cette décision, qui tombe certes à pic pour Ariel Sharon, ne signifie pas pour autant la fin des ennuis judiciaires pour le Premier ministre. Une organisation de lutte contre la corruption, le Mouvement pour un gouvernement de qualité, ainsi que plusieurs députés de l’opposition de gauche, ont en effet déposé un recours devant la Haute cour de justice contre le non-lieu dont il a bénéficié. Le chef du Likoud fait en outre l’objet d’une enquête dans le cadre d’une autre affaire portant sur un «prêt» d’un million et demi de dollars, reçu d’un homme d’affaires sud-Africain, Cyril Kern, et qui aurait contribué au remboursement de contributions illégales ayant alimenté sa campagne pour les primaires du parti en 1999.

Toujours est-il qu’en renonçant à poursuivre Ariel Sharon, le procureur de l’Etat a sorti une épine du pied du Premier ministre, confronté à une fronde des durs de son parti et surtout à une absence de majorité à la Knesset. Le chef du Likoud est désormais en mesure d’entamer des tractations avec l’opposition travailliste pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, seul à même de lui permettre d’appliquer son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. A en croire la principale formation de gauche –qui vient de sauver le gouvernement en s’abstenant de voter trois motions de censure– les discussions pourraient aboutir très rapidement. Mais le vice-Premier ministre, Ehoud Olmert –un proche d’Ariel Sharon– s’est toutefois montré plus prudent, repoussant l’échéance à la fin de l’été.

En réalité, tout dépendra des exigences des travaillistes, certes favorables à l’application du plan de retrait de Gaza. S’ils maintiennent leur intention d’imposer des changements dans la politique économique ultra-libérale menée par Benyamin Netanyahou, ils pourraient en effet se voir opposer un refus, le Premier ministre ne souhaitant pas courir le risque de se voir mis en minorité au sein même de son parti. Sans compter qu’une majorité d’Israéliens –54% selon un sondage du Yédiot Aharonot– est aujourd’hui hostile à un gouvernement d’union nationale. Dans ce contexte, l’hypothèse d’élections anticipées pourrait être de nouveau sérieusement envisagée tant les divisions qui existent actuellement au sein du Likoud sont désormais un frein pour Ariel Sharon dans la conduite de sa politique. Elles ne seraient sans doute pas une bonne nouvelle pour le Premier ministre, très affaibli, ni pour l’opposition travailliste qui semble avoir toujours autant de mal à revenir sur le devant de la scène politique.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 16/06/2004 Dernière mise à jour le 16/06/2004 à 14:20 TU