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Israël

Sharon protégé par les divisions de l’opposition

Le chef des travaillistes, l'ancien prix Nobel de la paix, Shimon Peres, a récemment affirmé qu'il était prêt à accorder un «filet de sécurité» au cabinet Sharon. 

		(Photo : AFP)
Le chef des travaillistes, l'ancien prix Nobel de la paix, Shimon Peres, a récemment affirmé qu'il était prêt à accorder un «filet de sécurité» au cabinet Sharon.
(Photo : AFP)
Le plan de retrait de la bande de Gaza, adopté dimanche dernier par le cabinet israélien, n’en finit pas de secouer la classe politique israélienne, fragilisant la coalition au pouvoir et lançant les spéculations sur une possible entrée des travaillistes dans un gouvernement d’union nationale dirigée par Ariel Sharon. Après avoir limogé la semaine dernière deux de ses ministres de l’Union nationale -un petit parti d’extrême droite opposé à son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens- le Premier ministre a en effet été confronté mardi à la démission fracassante de deux membres de son cabinet appartenant au Parti national religieux, une formation proche des colons qui logiquement refuse tout démantèlement des implantations de la bande de Gaza et de Cisjordanie. Mais malgré cette crise qui le prive d’une majorité à la Knesset, Ariel Sharon ne semble pas prêt de perdre le pouvoir.

Tous les analystes de la scène politique israélienne s’accordent à dire qu’Ariel Sharon ne court pas de danger immédiat. Mais le Premier ministre devra toutefois affronter à l’automne prochain une échéance cruciale, celle du vote des budgets 2005 dans lesquels devront notamment figurer les fonds alloués à l’exécution de son plan de retrait de la bande de Gaza estimés à quelque 1,4 milliards de dollars. Et même si le chef du Likoud a lancé à la presse qu’il n’y avait pas nécessité d’attendre la fin de la session d’été de la Knesset pour entamer des négociations pour l’entrée des travaillistes au gouvernement, son entourage insiste sur le fait qu’Ariel Sharon est largement satisfait pour le moment de son actuelle coalition et qu’il n’a aucunement l’intention de mettre en place un gouvernement d’union nationale.

Le Premier ministre a en effet parfaitement conscience du risque qu’il encourt à faire entrer les travaillistes dans son cabinet alors que la neutralité qu’ils affichent pour le moment à la Knesset ne présente que des avantages. Plusieurs poids lourds de son gouvernement, qu’il a déjà eu du mal à convaincre d’adhérer à son plan de retrait de la bande de Gaza, ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils s’opposaient fermement à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Le ministre des Finances, Benyamin Netanyahou, a ainsi mis en garde Ariel Sharon contre une alliance avec l’opposition travailliste qui vient récemment de fusionner avec la formation Am Ehad dont le dirigeant n’est autre qu’Amir Peretz, patron de la puissante centrale syndicale Histadrout et principal détracteur de sa politique économique.

Le chef de la diplomatie, Sylvan Shalom, a pour sa part souligné l’urgence qu’il y avait à maintenir l’actuelle coalition, les députés du Parti national religieux (PNR) ayant pour le moment et malgré la démission de deux de leurs ministres accepté de soutenir encore durant les trois prochains mois le cabinet Sharon. Le ministre, qui a été l’un des plus fervents opposants au plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens, laisse ainsi entendre à son Premier ministre qu’il est loin d’avoir le soutien unanime du Likoud dont une majorité des membres a voté il y a quelques semaines contre son projet. Et de fait au moins douze élus du grand parti de droite seraient prêts à basculer dans l’opposition si les travaillistes venaient à entrer au gouvernement.

La valse hésitation des travaillistes

Le chef du gouvernement israélien peut donc pour le moment compter sur l’appui des quarante députés de son parti auxquels s’ajoutent les quinze élus de la formation laïque Shinouï et les quatre du PNR. «La coalition ne dispose plus que du soutien de 59 députés –sur un total de 120– mais l’opposition n’est toutefois pas en mesure de mobiliser un front uni de 61 députés pour faire tomber le gouvernement», a ainsi souligné le chef du groupe parlementaire du Likoud, Gideon Saar. Et les faits semblent largement lui donner raison. Ainsi le parti travailliste, qui compte 21 députés à la Knesset, soutient le plan de retrait d’Ariel Sharon et n’a donc aucune raison de s’opposer au gouvernement sur ce dossier. A contrario, le parti d’extrême droite de l’Union nationale –opposé à tout démantèlement de colonie– qui cherche à renverser le cabinet Sharon ne dispose que de sept députés dont le vote est insuffisant pour sanctionner la politique du gouvernement. Quant aux formations arabes et de gauche, elles ne sont visiblement pas prêtes à soutenir le Premier ministre même si elles sont plutôt favorables au principe d’un retrait de la bande de Gaza.

Même si le contexte, certes inconfortable, est pour le moment plutôt favorable à Ariel Sharon, le Premier ministre n’a pas écarté, au risque de fâcher les durs de son parti, la tenue de négociations avec les travaillistes qui sont toutefois loin d’offrir un front uni pour une éventuelle entrée au gouvernement. Et si leur leader Shimon Peres a récemment réaffirmé qu’il était prêt à accorder «un filet de sécurité» au cabinet israélien –le parti travailliste s’est abstenu de voter les deux motions de censure déposées en début de semaine à la Knesset­– rien ne garantit que cet état de grâce puisse perdurer. Officiellement aucune décision ne sera prise avant que le procureur de l’Etat, Menahem Mazouz, n’annonce s’il a l’intention ou non de lancer des poursuites judiciaires pour corruption contre Ariel Sharon. Mais dès à présent partisans et opposants à une participation à un gouvernement d’union nationale s’affrontent faisant courir le risque d’un nouvel affaiblissement travailliste. 

par Mounia  Daoudi

Article publié le 10/06/2004 Dernière mise à jour le 10/06/2004 à 15:14 TU