Israël
Les travaillistes au seuil du gouvernement
(Photo: AFP)
Depuis que son gouvernement s’est engagé début juin, après des semaines de tractations et sous certaines conditions, en faveur d’un retrait unilatéral de la bande de Gaza, rien ne va plus pour Ariel Sharon. Il ne se passe en effet pas une semaine sans que le Premier ministre ne soit confronté à une, voire plusieurs, motions de censure à la Knesset. Sans majorité au parlement depuis le limogeage de deux ministres de l’Union nationale –un petit parti d’extrême droite– et la démission de deux membres du Parti national religieux, le chef du Likoud n’a réussi pour le moment à éviter le pire que grâce à la bienveillante neutralité des travaillistes qui soutiennent son plan de retrait de Gaza. Cette neutralité ne va toutefois pas sans exigences puisque le principal parti d’opposition semble aujourd’hui plus que jamais déterminé à entrer au gouvernement, maintenant que les principaux obstacles à sa participation ont été levés. La formation de Shimon Peres avait notamment posé comme conditions l’abandon des charges pour corruption qui pesaient sur le Premier ministre et le départ de l’actuelle coalition des ministres de l’Union nationale.
Réclamant pour son parti un rôle de partenaire à part entière, le prix Nobel de la paix a d’ores et déjà exigé des aménagements au plan de retrait unilatéral de Gaza. Tel qu’il a été adopté le 6 juin dernier, ce plan de désengagement prévoit l’évacuation des vingt-et-une colonies de la bande de Gaza et de quatre des cent vingt implantations de Cisjordanie avant la fin de 2005. «Nous demanderons que le retrait soit accéléré et qu’il se fasse en coordination avec les Palestiniens», a ainsi affirmé Shimon Peres. Selon lui en effet, «il n’y a aucune raison de laisser traîner les choses et il faut démanteler au plus vite les implantations». Soucieux de reprendre le dialogue rompu depuis près de deux ans avec la partie palestinienne, le leader travailliste a en outre expliqué qu’Israël était certes en droit de décider unilatéralement de sortir de Gaza mais que «l’application de cette décision nécessitait une coordination et un dialogue avec les Palestiniens».
Menaces d’élections anticipéesCes exigences du Parti travailliste ne semblent pour l’instant pas insurmontables pour le Premier ministre pour qui la répartition des portefeuilles dans le gouvernement d’union nationale risque en revanche de poser un problème beaucoup plus immédiat. L’opposition réclame en effet des ministères importants comme celui des Affaires étrangères ou celui des Finances, actuellement détenus par Sylvan Shalom et Benyamin Netanyahou, les deux principaux rivaux d’Ariel Sharon au sein du Likoud. Les deux hommes étaient notamment violemment opposés à son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens et n’ont visiblement aucune intention d’abandonner leur portefeuille. Ils savent en outre qu’ils peuvent compter sur les durs du parti qui, convaincus qu’une majorité des membres du Likoud est opposée à un cabinet d’union nationale, ont d’ores et déjà entamé les démarches pour que cette idée soit soumise à un vote secret préalable au sein de la principale formation de droite. «Sharon s’oppose à la volonté du parti. Il l’a d’abord fait avec son plan de retrait de Gaza et maintenant il tente d’imposer une coalition», s’est indigné le ministre sans portefeuille Uzi Landau qui a pris la tête de la fronde. Le député-maire Uzi Cohen a pour sa part affirmé que si le Parti travailliste entrait au gouvernement, cela reviendrait à «introduire le cancer au sein du Likoud».
L’éventualité d’un vote du Likoud pourrait s’avérer désastreuse pour le Premier ministre déjà désavoué par son parti pour son plan de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. Ariel Sharon a donc contre-attaqué en menaçant d’appeler à des élections anticipées. S’adressant lundi au groupe parlementaire de son parti, il a ainsi déploré que lors de toutes les motions de censure qui ont été déposées contre son gouvernement, chacun des députés du Likoud se soit mis plus à droite que le gouvernement. «Je le dis aussi clairement que possible, cette situation ne peut plus durer», a-t-il insisté. «L’option est de former une coalition plus large. Mais si vous n’en voulez pas, nous devrons tout simplement organiser des élections», a-t-il menacé.
Chez les travaillistes, une entrée au gouvernement Sharon ne fait pas non plus l’unanimité même si l’opposition interne est plus faible qu’au sein du Likoud. Certains membres du parti se sont cependant d’ores et déjà mobilisés pour dénoncer une telle participation, estimant notamment que les travaillistes allaient «encore perdre de leur crédibilité en jouant les seconds rôles dans le gouvernement Sharon». Certains pourraient cependant se laisser convaincre si Shimon Peres parvenait à négocier un changement radical de la politique économique actuellement menée sous l’impulsion de Benyamin Netanyahou et qu’il a lui-même qualifié de «capitalisme de porc». Rien n’est cependant moins sûr, Ariel Sharon n’étant visiblement pas prêt à donner à son principal rival l’occasion de le mettre en minorité au sein du Likoud.
par Mounia Daoudi
Article publié le 12/07/2004 Dernière mise à jour le 12/07/2004 à 15:54 TU