XVème Conférence internationale sur le sida
Pérenniser les financements
Photo : AFP
C’est sur le mode militant que Jacques Chirac a tenu à intervenir lors de la conférence sur le sida de Bangkok. Le président français, dont le message a été lu par son envoyé sur place, le ministre délégué à la Coopération Xavier Darcos, a pris fait et cause pour les pays en développement et a plaidé sans ambiguïté pour la gratuité de l’accès aux traitements. «La France ne souhaite pas porter atteinte à la propriété intellectuelle, mais elle soutient tout ce qui peut être fait pour que les pays les plus pauvres puissent accéder aux médicaments dans des conditions de quasi-gratuité».
Pour le président français, il est donc «nécessaire de mettre en œuvre l’accord sur les génériques afin de consolider les baisses de prix». Les négociations sur la propriété intellectuelle engagées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ont, en effet, permis d’aboutir à un compromis qui autorise les pays en «état d’urgence sanitaire» à passer outre les brevets et à fabriquer ou importer des génériques, copies des médicaments de marque à bas prix. Cette avancée de principe court néanmoins le risque d’être remise en cause de fait, et avant même d’être entrée en pratique, par la signature d’accords bilatéraux avec les Etats-Unis, par lesquels certains pays (notamment Thaïlande, Maroc, Jordanie, Singapour) acceptent de renoncer à la possibilité de recourir aux génériques au profit d’autres solutions qui préservent les intérêts des laboratoires mais empêchent toute concurrence. Jacques Chirac a condamné cette politique et l’a comparé à un «chantage immoral».
Ne pas «lier les mains» des pays du SudL’ambassadrice française chargée du sida, Mireille Guigaz, a expliqué que le discours du président n’avait pas pour objectif de créer une tension avec les Etats-Unis mais simplement de dénoncer une pratique qui aboutit à «lier les mains» des pays pauvres dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de sida. Une solution totalement contre-productive compte tenu de la situation et des difficultés à lutter contre la propagation du virus. Néanmoins, il s’agit sans conteste d’une mise en cause virulente de la politique américaine qui vient rejoindre les nombreuses critiques émises par les associations concernant les méthodes et les objectifs de Washington dans le domaine de la lutte contre le sida. Les Etats-Unis mènent, en effet, essentiellement des programmes bilatéraux dans lesquels ils refusent l’intégration des génériques et préconisent parfois l’abstinence plutôt que l’usage des préservatifs.
Malgré tout, ce sont les Etats-Unis qui ont débloqué les budgets les plus importants en faveur de la lutte contre le VIH (15 milliards sur 5 ans). Ils sont aussi le premier contributeur au Fonds global multilatéral mis en place en 2002. Et s’ils n’ont pas versé la totalité des sommes promises (360 millions sur les 550 promis en 2004), ils ne sont pas les seuls. La plupart des autres donateurs n’ont pas rempli, non plus, leurs engagement à ce niveau. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les ONG ont mené des actions de protestation lors de la conférence de Bangkok en dénonçant les promesses non tenues par les bailleurs de fonds.
Dans ce contexte, l’appel de Jacques Chirac à pérenniser les financements du Fonds global et à augmenter ses ressources «à hauteur de trois milliards de dollars par an en répartissant cet effort entre l’Europe, les Etats-Unis et l’ensemble des donateurs», vise à remobiliser la communauté internationale. Car pour le moment le Fonds n’a pas les moyens d’engager un nouvel appel d’offre pour poursuivre son action et rien ne serait pire que d’interrompre un processus qui a suscité des espoirs faute de moyens sur le long terme.
Développer les programmes de prévention, auxquels une personne sur cinq seulement a eu accès en 2004, et diffuser les antirétroviraux, dont sont privés la plupart des malades des pays du Sud, sont les deux priorités de l’aide internationale. Mais un autre chantier doit aussi être ouvert rapidement : celui de la recherche sur le vaccin. A Bangkok, le président de l’Initiative internationale pour un vaccin contre le sida (IAVI), Seth Berkley, a en effet dénoncé l’absence de mobilisation sur cette question en parlant de «honte mondiale». Selon lui, il faut doubler les ressources affectées à ce domaine de recherche pour atteindre 1,2 milliard de dollars par an car «seul un vaccin peut mettre un terme à l’épidémie».par Valérie Gas
Article publié le 13/07/2004 Dernière mise à jour le 13/07/2004 à 15:06 TU