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Développement

Diversité culturelle, richesse du monde

Le rapport mondial sur le développement du PNUD souligne que vingt pays ont descendu l’échelle du « bien être humain » dans la dernière décennie.
 

		(Source: PNUD)
Le rapport mondial sur le développement du PNUD souligne que vingt pays ont descendu l’échelle du « bien être humain » dans la dernière décennie.
(Source: PNUD)
Le «Rapport mondial sur le développement humain 2004» du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) encourage «la liberté culturelle dans un monde diversifié». Rendu public à Bruxelles le 15 juillet, il comporte également, comme chaque année, un appareil statistique mesurant l’indice du développement humain (IDH) dans 177 pays. Ses indicateurs de longévité ou de niveau de vie notent un sévère recul de l’Afrique subsaharienne, en proie au sida et aux conflits.

Fait nouveau, souligne le PNUD, vingt pays ont descendu l’échelle du « bien être humain » dans la dernière décennie. Treize d’entre eux appartiennent à l’Afrique sub-saharienne qui ferme d’ailleurs la marche du monde, avec, en queue d’un gros peloton africain, le Burundi – en attente de paix –, le Mali, le Burkina et le Niger – sahéliens – et la Sierra Leone – qui sort de la guerre –, 177ème et dernière au palmarès du développement humain. Au total, il ne fait pas bon vivre en Afrique, même si l’or noir porte la Guinée équatoriale au rang 109, dans le groupe des pays à développement moyen, loin devant le Soudan (139ème) et les autres gros pétroliers restés dans celui du faible développement humain, le Nigéria (151ème) et l’Angola (166ème). Visiblement, le pétrole ne suffit pas au bonheur national brut, surtout quand le sida entraîne la moyenne de l’espérance de vie sous la barre des quarante ans. Les quadragénaires se raréfient dans au moins une dizaine de pays d’Afrique sub-saharienne.

Le Botswana est pourvu de diamants et même de règles démocratiques. Mais un Botswanais sur trois a le sida. Les chiffres sont terribles aussi chez leur voisin semi-industrialisé, l’Afrique du Sud, où, à l’instar du Lesotho, du Mozambique, de la Namibie ou du Zimbabwe, dans la tranche d’âge 15-49 ans, un habitant sur cinq est séropositif. Au 21ème siècle, les limites du développement sont sanitaires aussi bien qu’économiques car le fléau sans frontières frappe les « forces de travail » et hypothèque l’éducation de leur descendance. Dans l’univers mondialisé des flux commerciaux, la question des termes de l’échange est aujourd’hui gommée. Le PNUD l’aborde d’une manière feutrée, dénonçant comme source de conflits « le label d’infériorité » culturelle apposé sur les sociétés humaines disqualifiées dans la compétition mondiale. La domination commerciale est tout autant culturelle qu’économique. Elle a déjà provoqué la disparition de quantité de langues et suscite nombre de revendications identitaires.

En Afrique comme ailleurs, les fondations du développement s’avèrent toujours nécessairement démocratiques et, depuis des lustres, le PNUD souligne les effets immédiats de la bonne ou mauvaise gouvernance sur la qualité de vie des citoyens du monde. Cette année, l’actualité a inspiré aux rapporteurs une réflexion particulière sur la question des identités culturelles, sources de confrontations internes ou externes et pourtant richesses potentielles d’un monde ou la diversité survivrait à la globalisation. Notant la montée des revendications identitaires et l’absence de critères de liberté culturelle dans la définition universelle des droits humains (civils, politiques, économiques et sociaux), le PNUD préconise la mise au point d’indicateurs pour « mesurer l’exclusion fondée sur le mode de vie », la langue, la religion, l’histoire du peuplement local ou l’appartenance ethnique, par exemple.

« Bâtir des démocraties culturelles »

Associées par leurs détracteurs à des risques de communautarisme, de balkanisation ou de repli rétrograde, les revendications identitaires sont un sujet délicat, reconnaît le PNUD qui propose quelques pistes de réflexion pour « en faire une force » collective, à la manière sud-africaine de la nation arc-en-ciel rappelée par Nelson Mandela dans sa contribution au rapport intitulée : « Diversité : de la division à l’intégration ». « Nous nous sommes assurés », écrit l’ancien prisonnier de l’apartheid, « que la législation fondamentale de notre pays, notre Constitution et notre Déclaration des doits, promeuvent l’unité et portent une attention unique aux droits sociaux et économiques ».

« Bâtir des démocraties culturelles », comme le recommande le PNUD, exige bien sûr une volonté politique. Et, faute de panacée, les recettes institutionnelles n’ont sans doute pas encore été toutes inventées. Parmi ces dernières, le rapport recense le fédéralisme, le dosage ethnique ou la discrimination positive. Mais au total, « chaque type d’exclusion requiert ses propres remèdes ». Le rapport observe aussi des mutations dans les mouvements migratoires, moins figés que par le passé selon lui. Notant que les moyens de communication autorisent le maintien de liens durables avec les pays d’origine, il recommande des modes de gestion des citoyennetés plus souples dans les pays d’accueil, la double nationalité au lieu de « l’assimilation forcée », par exemple.

Consacrant des chapitres détaillés au « défi du fédéralisme : trajectoire et perspectives troublées au Nigéria » ou à la représentation proportionnelle comme alternative au scrutin majoritaire qu’il étiquète « tout au vainqueur », le rapport évoque aussi les quinze langues « fondamentales » africaines confinées dans l’arrière-cour continentale, l’imperium anglophone, le « dilemme du foulard en France » ou les minorités « autochtones » dites « à risque » face au monde industriel. Il aborde plus loin les questions foncières ou bien le palmarès des « 10 villes en tête du classement selon l’importance de leur population née à l’étranger », parmi lesquelles Abidjan avec 30% de ses habitants, devant Londres et Paris. S’efforçant de montrer qu’il est possible de réduire le grand écart entre absolutisme d’Etat et loyautés citoyennes, le document du PNUD est très exhaustif quant aux exemples de discrimination fondée sur des différences culturelles. Mais il ne tranche jamais. A l’heure où la « mondialisation de la culture de masse représente clairement une menace significative pour les cultures traditionnelles », il cherche surtout à alimenter le débat sur un aspect « souvent négligé par les économistes du développement ».

Souci d’éthique, mais surtout, selon les rapporteurs, principe d’efficacité, il s’agirait désormais de « favoriser la diversité tout en laissant les pays ouverts aux flux mondiaux de capitaux, de biens et de personnes ». Dans cette perspective, les Etats sont incités à davantage d’équité dans le commerce des marchandises culturelles. Ils sont en même temps appelés à laisser « chacun libre d’être ce qu’il souhaite » pour que progresse le développement humain.



par Monique  Mas

Article publié le 15/07/2004 Dernière mise à jour le 15/07/2004 à 13:09 TU