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Développement

Le sous-développement fauteur de guerre

La Banque mondiale publie les conclusions d’une étude qui établit un lien entre les conflits et l’échec du développement. La recrudescence des épidémies, du trafic de la drogue et même du terrorisme trouveraient un début d’explication dans la précarité et la pauvreté dans lesquelles vivent les populations.
Les tensions ethniques, les guerres dites tribales, les dissensions sociales et politiques ne sont plus les principales causes des guerres civiles. C’est le constat que fait une équipe de chercheurs de la Banque mondiale, conduite par Paul Collier. Les véritables causes des guerres civiles sont une pauvreté persistante et aussi une «forte dépendance aux exportations des ressources naturelles». Ce dernier point met le doigt sur un problème récurrent qui est celui des revenus d’un pays qui échappent au contrôle de l’Etat. Les problèmes qui en découlent sont innombrables, comme la corruption, la confiscation des revenus par un groupe de privilégiés et autre mauvaise redistribution des richesses. Selon les rapporteurs de cette étude les raisons économiques offrent plus de raisons tangibles aux causes des conflits internes.

Les chercheurs de la Banque mondiale ont sélectionné 52 exemples de guerres civiles entre 1960 et 1999, pour dresser une carte d’identité des conflits et analyser leurs évolutions dans le temps et l’espace. La diversité ethnique et religieuse et les disparités socio-économiques ne sont pas apparues déterminantes dans les conflits étudiés et ne révèlent qu’une estimation de risque de conflit tous les cinq ans de 6 %. La même étude parle de niveau de risque de conflit accru lorsque les pays traversent des crises économiques. L’exemple de la République démocratique du Congo, en l’occurrence est un cas d’école cité par la Banque mondiale. Dans les années 90 l’extrême pauvreté et l’économie sinistrée sous le régime de Mobutu ont inévitablement fait le lit de la rébellion et du conflit civil qui secouent le pays depuis 1996. «Lorsqu’un pays échoue dans son entreprise de développement, la probabilité de le voir plonger dans une guerre civile augment sensiblement, et de tels conflits détruisent en retour les fondations du développement», précise Paul Collier, conseiller principal de vice-président pour l’Afrique sub-saharienne de la Banque mondiale et directeur du Centre d’études des économies africaines à l’université d’Oxford.

Les conflits, même si au départ, ont un aspect très local, prennent assez vite une dimension internationale, avec un autre corollaire qui est la multiplication des effets secondaires et parallèles. La fuite des capitaux, les pillages de toutes natures, la propagation des maladies et le développement du terrorisme international, sont autant d’effets qui découlent directement du pourrissement de la situation dans les pays pauvres. Les experts de la Banque mondiale démontrent aussi que 95% de la production de drogue dans le monde provient des pays ravagés par les guerres civiles, et que la propagation initiale du sida était «intimement liée à la guerre civile en Ouganda en 1979».

Trois priorités

Face aux imbrications et les intérêts multiples qui se jouent à partir d’un conflit local sur un échiquier international, les experts de la Banque mondiale préconisent des actions concertées et décidées par la communauté internationale. Les nouvelles règles sur le commerce du diamant par exemple «ont changé la nature des conflits en Angola et en Sierra Leone». Plusieurs exemples récents en Afrique étayent les arguments des chercheurs qui proposent des actions en plusieurs étapes. «Aider plus et mieux» est le premier point suggéré. Le choix de la destination des aides selon les urgences, les besoins et les risques de conflit devraient être des critères pour orienter les secours.

Outre la réponse adéquate à une situation de précarité, il est préconisé de mettre immédiatement un accent sur la formation, les services et la santé en misant d’emblée sur l’avenir. En deuxième point l’étude, préconise une meilleure gestion internationale des richesses naturelles. Le diamant, l’or, le bois, le pétrole sont souvent liés aux conflits, alors leur accès au marché international devrait l’objet d’un contrôle efficace, comme dans le cas du Liberia et de la Sierra Leone par exemple. Ce contrôle selon l’étude de la Banque mondiale devrait la prolifération des circuits parallèles, qui alimentent par ailleurs le grand banditisme. La troisième point suggéré par les chercheurs est la coordination des budget et interventions militaires, après les conflits pour un retour réel au calme et à la paix. «Lorsque la communauté internationale intervient pour mettre fin à un conflit armé, les engagements militaires et en termes d’aide devraient durer suffisamment longtemps pour permettre la reprise du développement», concluent les enquêteurs.

Pour la Banque mondiale les conflits armés ne seraient plus simplement motivés par des rivalités ethniques et une soif exacerbée du pouvoir de quelques individus, mais trouveraient une grande partie de leur source dans le manque de politique de développement. Une seule phrase résume le travail des experts de la Banque mondiale : «Il est de plus en plus reconnu qu’il ne peut y avoir de paix sans développement comme il ne peut y avoir de développement sans paix».

Pour en savoir plus:

Le rapport de la Banque mondiale (en anglais)



par Didier  Samson

Article publié le 16/05/2003