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Développement

Façonner un tissu économique cohérent

Les experts de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, des différentes institutions financières européennes, asiatiques et américaines, des représentants d'organes régionaux d'intégration économique en Afrique, les opérateurs économiques africains et d'ailleurs présents à la conférence organisée par l'OCDE sur l'Afrique et la mondialisation à Dakar du 23 au 26 avril, sont tous convenus que la mondialisation ne profite pas à l'Afrique. Les facteurs clefs de cette situation ont globalement été abordés et analysés afin qu’ils contribuent aux choix futurs pour l'Afrique.
De notre envoyé spécial à Dakar

Le rôle du secteur privé est encore très marginal alors que toutes les observations tendent à prouver qu'il est le levier du développement en Afrique. La force de ce secteur en Afrique est étouffée par plusieurs déficits, étudiés et analysés par Pape Demba Thiam, administrateur principal à l'OCDE et Jean-Paul Couvreur, professeur à l'université catholique de Louvain, en Belgique. Ils parlent en premier lieu du déficit de l'esprit d'entreprise. Les réussites dans ce domaine ne sont malheureusement pas légion en Afrique, parce que la l'idée de l 'État-employeur offrant une sécurité de l'emploi est persistante. Dans le service public en Afrique on ne sert pas le public mais on se sert soi-même sans sentiment de culpabilité. «Le domaine public n'appartient à personne», diront certains pour s'exonérer de reproches, mais ailleurs, d'autres diront «nous sommes tous propriétaires et je suis garant du respect du bien public». Question de mentalité.

Dans le même esprit les auteurs de cette recherche sur le renforcement des capacités en Afrique ont abordé les questions liées au manque de méthode et de rigueur de gestion. Même si les ressources humaines sont qualifiées, l'environnement et les cadres d'exercice des compétences contrarient certaines méthodes de travail. A l'inverse un autre aspect semble occuper une place importante dans le timide développement du secteur privé en Afrique: le déficit de perception de la différence entre «l'entité Entreprise» et le manager-propriétaire. Cette somme de défaillances déséquilibre l’ensemble des entreprises en Afrique. Dans le tissu économique, les très grandes entreprises sont visibles au sommet de la pyramide et, à la base, une foultitude de très petites entreprises tirent leur épingle du jeu dans des relations inégales avec le sommet puisque les liens intermédiaires sont rompus par la quasi inexistence d'entreprises de taille moyenne. De fait, les entreprises multinationales se sont implantées, dictant leurs choix.

Promouvoir une culture d'entreprise

Mais selon la même étude les entreprises multinationales peuvent servir d'exemple de réussite et de levier pour l'émergence de l'entreprenariat privé. Pour ce faire, l'implication de l'Etat peut être déterminante dans les choix de politique économique et d'encadrement juridique. La sous-traitance et la fourniture d'équipements légers par exemple peuvent servir de support aux multinationales. Ces dernières, par ce biais, apportent un savoir-faire et participent ainsi à une interdépendance du tissu économique national. Mais en la matière le déficit en Afrique est important. La conférence de l'OCDE à Dakar a mis le doigt sur ces aspects de la construction d'un tissu économique cohérent sans laquelle la mondialisation ne pourrait pleinement profiter. Ces mêmes experts ont relativisé leurs propos en précisant que le dépassement de ces «déficits» ne seraient pas l'unique solution aux difficultés africaines face à la mondialisation. Mais ces aspects seraient selon eux un début d'assainissement qui ne serait que profitable à l'économie des pays.

Ces différents aspects, favorables à une économie de marché, ne se décrètent pas mais procèdent d'un ensemble de conditions soutenues par des choix politiques et des accords multilatéraux. Ces impulsions sont aussi suscitées par des facilités financières encadrées par des fonds spéciaux que certains pays riches affectent à des organismes spécialisés pour une mission précise. C'est le cas du Fonds multilatéral d'investissement (MIF), créé en 1993 pour promouvoir le secteur privé en Amérique et dans les Caraïbes. Ce fonds d'investissement et de subventions était doté de 1,3 milliards de dollars. Une vingtaine de pays apportait sa contribution, dont les Etats-unis et le Japon à hauteur de 500 millions de dollars chacun et l'Espagne pour 50 millions. Ce fonds avait pour objectifs de financer une assistance technique dans la mise en place des réformes destinées à renforcer le développement du secteur privé, de développer les ressources humaines, d'apporter un soutien aux petites et moyennes entreprises à travers des politiques et institutions d'appui aux projets. En 2000 une nouvelle priorité a été ajoutée aux missions du MIF : favoriser la compétitivité des PME par la qualité de leurs produits et prestations.

L'OCDE, après avoir salué la réussite du MIF, suggère aux décideurs africains et aux institutions financières internationales de reproduire le mécanisme du Fonds multilatéral d'investissement dans le contexte africain. Il pourrait prendre la dénomination de Fonds d'investissement de l'Afrique subsaharienne. L'OCDE croit en la sectorisation des programmes de développement et en la définition de programmes d'action régionale qui lui paraissent plus efficaces que les grandes orientations dont les effets sur le terrain sont diffus et l'impact moins sensible. C'est aussi pour cela que la priorité des priorités pour ce fonds devrait être le financement des infrastructures.



par Didier  Samson

Article publié le 01/05/2003