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Irak

Des soldats arabes et musulmans en renfort

Colin Powell est accueilli par le ministre des Affaires étrangères saoudien, Saud al-Fayçal. 

		(Photo : AFP)
Colin Powell est accueilli par le ministre des Affaires étrangères saoudien, Saud al-Fayçal.
(Photo : AFP)
L’idée n’est pas nouvelle. Embourbés en Irak, les Etats-Unis avaient en effet déjà évoqué à plusieurs reprises ces derniers mois une participation des pays arabes et musulmans à la stabilisation du pays, mais sans grand succès. La nouveauté aujourd’hui est que cette proposition émane d’un de ces Etats, l’Arabie saoudite. Mais si l’idée a été favorablement accueillie par l’administration Bush, ses modalités d’application sont en revanche loin de faire l’unanimité.

Le projet n’en est certes qu’à la phase des discussions préliminaires mais il a d’ores et déjà l’appui de l’administration Bush qui, à l’approche de l’élection présidentielle de novembre, a plus que jamais besoin d’un succès diplomatique pour faire oublier le bourbier irakien. Et quoi de plus médiatique que la participation de nouveaux Etats à la stabilisation de ce pays après les défections ces dernières semaines de l’Espagne, du Nicaragua, du Honduras, de la République dominicaine ou encore tout récemment des Philippines. En visite à Djeddah, sur les bords de la mer rouge, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, a donc favorablement accueilli la proposition de son homologue saoudien, le prince Saoud al-Fayçal, de déployer en Irak des forces de pays arabes et musulmans. «Cette idée du gouvernement saoudien est intéressante et bienvenue», a-t-il déclaré. Ces troupes pourraient, a-t-il ajouté, participer «à la protection d’installations ou à celle des Nations unies» dont la mission aujourd’hui plus que compromise est d’aider à la préparation des élections législatives prévues en principe en janvier prochain.  

Cette idée d’envoyer des soldats arabes et musulmans en Irak a été présentée comme la réponse à une demande des nouvelles autorités de Bagdad. Le Premier ministre Iyad Allaoui  avait en effet demandé le 22 juillet à l’Egypte de prendre contact avec les pays membres de la Ligue arabe pour les convaincre de dépêcher des troupes afin d’assurer essentiellement la sécurité de la représentation des Nations unies à Bagdad. Le nouvel exécutif irakien avait toutefois assorti cette demande à la condition que les pays arabes frontaliers de l’Irak –Syrie, Jordanie et Arabie saoudite– ne participent pas à ce contingent, Bagdad voulant à tout prix éviter de reproduire le schéma de «la force de dissuasion arabe», en réalité syrienne, installée au Liban depuis 1976 sans visiblement aucune intention de quitter le pays malgré la fin de la guerre.

Le Premier ministre irakien, qui était également en visite en Arabie saoudite, a réitéré jeudi son appel aux pays arabes et musulmans. «Il s’agit d’une guerre mondiale et ce sont les forces du mal qui agissent contre nous», leur a-t-il lancé en les invitant à «serrer les rangs». Iyad Allaoui a également affirmé que le terrorisme menaçait tous les pays de la région, y compris l’Arabie saoudite. Il les a conjurés de s’unir «contre ces gangs, ces terroristes et ces criminels». Certains de ces pays, approchés ces deux dernières semaines par l’Arabie saoudite, ne seraient pas opposés à l’idée d’envoyer des troupes en Irak. Mais ils attendent, à en croire les responsables saoudiens, des précisions sur les modalités de déploiement avant de se prononcer fermement.

Déjà des divergences 

Et c’est justement ces modalités de déploiement qui risquent aujourd’hui de constituer un frein à l’envoi en Irak d’une force multinationale arabo-musulmane. Des divergences sur ce point sont en effet apparues dès les discussions préliminaires qui se sont déroulées ces dernières vingt-quatre heures à Djeddah. Les dirigeants saoudiens, qui ont conscience de l’impopularité d’une telle initiative dans le monde musulman majoritairement opposé à la guerre menée par Washington en Irak, ont en effet plaidé pour que cette force vienne remplacer petit à petit les troupes occidentales présentes sur le terrain. Mais ce concept a été très mal perçu par la partie américaine qui conçoit l’envoi de ces soldats dans le cadre uniquement d’un renfort. Un collaborateur de Colin Powell a d’ailleurs ouvertement indiqué que pour Washington ces troupes devaient avant tout être «supplémentaires».

Toujours dans le souci de concilier une population hostile à tout soutien aux forces de la coalition en Irak, l’Arabie saoudite a également évoqué la possibilité d’une nouvelle résolution des Nations unies fixant le cadre de cette nouvelle force. Mais là encore le secrétaire d’Etat américain a montré des réticences. Selon Colin Powell, les résolutions actuelles du Conseil de sécurité fournissent déjà une base juridique pour le déploiement de nouvelles troupes. Il a notamment souligné que l’une des conditions posées par de nombreux pays était la mise en place d’un gouvernement souverain. Or à ces yeux, cette condition est désormais remplie.

D’autres problèmes, comme par exemple le commandement de cette force ou son mandat –protection du personnel des Nations unies ou autre– devront être également résolus avant que des soldats arabes et musulmans ne puissent être envoyés en Irak. Et rien ne garantit que l’administration Bush soit aujourd’hui prête à faire des concessions à ces pays qui, en s’engageant dans cette aventure, ont sans doute plus à perdre qu’à gagner sur le plan intérieur.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/07/2004 Dernière mise à jour le 29/07/2004 à 15:41 TU

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Ahmed Maher

Ancien ministre égyptien des Affaires étrangères

«La position de l'Egypte est claire : nous n'avons aucune intention d'envoyer des troupes en Irak.»

[29/07/2004]

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