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Tchétchénie

Election présidentielle sans enjeux

Alou Alkhanov, ex-ministre de l'Intérieur tchétchène et candidat officiel du Kremlin, succéde sans surprise à Akhmad Kadyrov victime d'un attentat au mois de mai. 

		(Photo : AFP)
Alou Alkhanov, ex-ministre de l'Intérieur tchétchène et candidat officiel du Kremlin, succéde sans surprise à Akhmad Kadyrov victime d'un attentat au mois de mai.
(Photo : AFP)
L’élection présidentielle du 29 août se tient dans un climat politique et sécuritaire particulièrement détérioré. Les perspectives de changement sont nulles : le candidat de Moscou, le ministre de l’Intérieur Alou Alkhanov, est encore favori. De son côté la rébellion indépendantiste multiplie ses coups de mains et son action déborde désormais largement le cadre des frontières de la république sécessionniste. Des traces d'explosifs ont été retrouvées sur des fragments des deux avions accidentés mardi en Russie.

Officiellement, « tout est prêt », affirme la commission électorale tchétchène : les 7 candidats en lice, les listes électorales (586 642 électeurs), les 430 bureaux de vote. L’apparence de la normalité électorale a été soigneusement préparée pour créer l’illusion que la petite république caucasienne sécessionniste s’inscrit dans un processus politique formel, ordinaire. Mais personne n’est dupe : le dossier est dans l’impasse et cette seconde élection présidentielle en moins d’un an traduit en réalité une situation politique et militaire profondément dégradée.

Les quelque 70 000 soldats de Moscou, déployés en Tchétchénie depuis 5 ans, et leurs milices supplétives locales ne viennent pas à bout de la résistance tchétchène, loin s’en faut. Les indépendantistes multiplient en effet les coups de mains et infligent des revers de plus en plus cinglants aux troupes russes. Le week-end dernier, encore, ils ont mené une opération de grande envergure sur la capitale, pourtant réputée hors d’atteinte des rebelles, dont ils ont pris le contrôle de plusieurs quartiers, au prix de lourdes pertes pour les miliciens pro-russes et les Tchétchènes soupçonnés de collaborer avec l’occupant. Un bilan fait état de 120 morts. A moins qu’il ne s’agisse d’une mise en scène orchestrée par le commandement russe visant à discréditer la résistance tchétchène… Car en matière de coups tordus, désormais tout semble permis en Tchétchénie pour plonger la population dans le doute et tenter de la soustraire à l’influence des rebelles.

Risque d’extension du conflit

Depuis quelques mois, d’autre part, le conflit s’est étendu, dépassant les frontières de la Tchétchénie pour s’exporter en Ingouchie, au Daghestan et en Kabardino-Balkarie où les indépendantistes conduisent des attaques-surprise apparemment imparables. Cette capacité offensive renouvelée semble aujourd’hui confirmée par le commandement russe dont le quotidien les Izvestia publiait au début du mois des entretiens réalisés avec des officiers décrivant une armée russe et ses alliés incapables de faire face, tandis que les indépendantistes renforçaient leurs capacités opérationnelles. Enfin, bien que sans relation directe avec le conflit, la présence militaire russe en Ossétie géorgienne rajoute aux incertitudes et aux risques de dérapages régionaux, notamment après les déclarations du président Saakachvili annonçant l’éventualité d’une guerre entre Tbilissi et Moscou.

Par ailleurs, la région caucasienne n’est plus, depuis quelques années déjà, la seule cible des indépendantistes dont les actions visent désormais toute la fédération, capitale comprise, comme ce fut notamment le cas voici deux ans lors de la dramatique prise d’otages du théâtre de Moscou. La tournure prise par l’enquête dans l’affaire du double-crash survenu mardi soir en Russie (89 morts) s’oriente également vers la piste d’un terrorisme lié au dossier tchétchène, comme semble l’indiquer les traces d’explosifs relevées par les enquêteurs et les premières revendications. Mais là encore les risques de manipulations sont importants en raison des intérêts politiques et financiers que procure cette guerre, inépuisable fond de commerce, source de tous les trafics et justification de la nécessité d’un pouvoir présidentiel fort.

Chaos politique

Sur le plan politique, la situation est tout aussi chaotique. Ce scrutin intervient moins de quatre mois après l’assassinat de l’ex-président pro-russe Akhmad Kadyrov, tué lors d’un attentat six mois après son élection, en octobre 2003. Une perte capitale pour le président russe Vladimir Poutine qui en avait fait l’artisan de la « tchétchénisation » du conflit. En dépit d’une légitimité contestable et malgré son soutien à Moscou, Akhmad Kadyrov disposait d’une certaine popularité après avoir combattu lors de la première guerre (1994-1996) dans les rangs indépendantistes. Son fils, Ramzan, nommé vice-premier ministre à la mort de son père, mais trop jeune pour postuler à la magistrature suprême, se contente de continuer à diriger l’une des milices pro-russes réputée pour sa brutalité.

Mais, parmi les sept candidats en lice, le successeur désigné (par Moscou) est un policier. Alou Alkhanov occupe les fonctions de ministre de l’Intérieur. On le dit néophyte en politique et peu connu de la population. Il présente son programme comme la poursuite de l’œuvre d’Akhmad Kadyrov dont il célèbre abondamment la mémoire. Le 22 août, au lendemain de l’attaque rebelle sur Grozny, le président russe a effectué une brève visite surprise en Tchétchénie pour lui manifester son soutien comme candidat du Kremlin, et ainsi couper court aux rumeurs de dissensions au sein de la direction tchétchène pro-russe.

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a annoncé qu’elle n’enverrait pas d’observateurs. « Les conditions minimum pour une observation ne sont réunies ni en terme de mouvement ni d’accès », déclare une porte-parole de l’organisation paneuropéenne.



par Georges  Abou

Article publié le 28/08/2004 Dernière mise à jour le 28/08/2004 à 13:54 TU