Russie
Les options du président russe
(Photo : AFP)
Selon les autorités russes, la leçon est déjà tirée. La Russie n’a pas réussi à s’adapter aux profonds bouleversements qui ont accompagné les événements de la fin du siècle dernier et il faut maintenant renforcer (qualitativement) l’aile militaire en améliorant la cohésion des différents services et le commandement. Selon de nombreux observateurs russes et internationaux, la tuerie de Beslan souligne le caractère inadapté de la stratégie globale mise en œuvre dans la région par Moscou. Certains, toutefois, rejoignent parfois la position russe pour reconnaître que les enjeux régionaux et géostratégiques du Caucase dépassent aujourd’hui le simple cadre de la fédération de Russie.
Cette réserve s’exprime également en creux dans l’absence de condamnation radicale de la violence exercée par Moscou dans la guerre de répression menée en Tchétchénie. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les critiques de la communauté internationale sont neutralisées par le pacte anti-terroriste auquel elle a souscrit, et la relation établie par Moscou entre sa guerre civile et l’islamisme radical a exclu le débat des chancelleries pour le reléguer au niveau de la « société civile ». Les préoccupations occidentales sur ce carrefour pétrolier que représente aujourd’hui le Caucase ne sont, par ailleurs, certainement pas absentes du calcul.
Pas de logique de substitution
Sur son front intérieur, Poutine n’a guère de logique de substitution, tant sur le plan militaire que politique. Son discours de souveraineté sur la petite république caucasienne a été l’un de ses principaux arguments politiques pour parvenir au sommet de l’Etat (1999-2000). Quant à l’aspect militaire de la question, c’est un bourbier dans lequel, en moyenne, une quinzaine de soldats russes chaque jour paie le prix du sang pour garantir la stabilité régionale. Car « l’effet domino » est l’un des principaux cauchemars du Kremlin, humilié par la perte de son Empire, et obsédé par la menace de l’effritement du reste, à commencer par cette région.
Comme le montrent les événements de ces dernières semaines, il n’y a pas que les soldats russes qui périssent. C’est peut-être là que réside le poison inattendu : l’exaspération d’une opinion publique, aujourd’hui ralliée à la politique de Poutine, mais qui pourrait tôt ou tard s’affranchir de la tutelle du Kremlin et exiger un autre traitement des affaires intérieures.
Deux fois la Corse
Aujourd’hui Moscou est tenu en échec sur un territoire minuscule à l’échelle de l’Armée rouge : deux fois la Corse, 16 600 km². Le conflit est porté au cœur de la capitale russe, et s’exporte dans les régions voisines. Le transport aérien est menacé. En moins de deux semaines, alors que les bilans ne sont pas complets, il y a eu quelque cinq cents morts et des centaines de blessés. Devant les succès de cette radicalisation qui frappent l’ennemi au cœur, tout porte à croire que les choses n’en resteront pas là. Le Kremlin a annoncé le renforcement de la sécurité autour d’objectifs nucléaires potentiels.
Entre nécessités politiques internes et contraintes internationales, la marge de manœuvre du président russe, défait sur le front tchétchène, est étroite. De formation militaire, plutôt martial de conviction et élu pour ramener l’ordre dans le Caucase, il annonce sans surprise une réorganisation et un durcissement. Des observateurs et députés indépendants estiment que son projet passera donc certainement par le renforcement du Kremlin sur l’appareil d’Etat et la mise en place d’un pouvoir exécutif exorbitant.
par Georges Abou
Article publié le 07/09/2004 Dernière mise à jour le 07/09/2004 à 13:24 TU