Terrorisme
Moscou harcelé sur tous les fronts
(Photo : AFP)
Mercredi 1er septembre, jour de rentrée scolaire, un commando d’au moins dix-sept assaillants armés prend le contrôle d’une école de la ville de Beslan, en Ossétie du Nord, dans le Caucase russe. L’assaut donne lieu à des combats. Plusieurs personnes sont tuées ou blessées au cours de la fusillade qui accompagne l’attaque. Le commando prend en otage plusieurs centaines de personnes, majoritairement des enfants. Le chef du gouvernement d’Ossétie annonce l’ouverture de pourparlers avec les preneurs d’otages, sous la direction des présidents de l’Ossétie du Nord et de l’Ingouchie voisine. Les preneurs d’otages exigeraient la libération de « terroristes » arrêtés dans la république voisine d’Ingouchie, selon un ministre ingouche cité par l’AFP. en début d’après-midi, ils menaçaient de « tuer 50 enfants pour chacun de leurs combattants tués et en tuer 20 pour chaque blessé », rapporte l’agence russe Itar-Tass.
C’est la deuxième attaque terroriste en Russie, en moins de 24 heures. La veille au soir, Moscou était durement frappé par un attentat suicide qui a fait au moins 11 morts et 51 blessés. L’explosion a eu lieu à proximité de l’un des centres commerciaux les plus fréquentés de la capitale. L’attentat a été commis par une femme et revendiqué un peu plus tard par le groupe islamiste « Brigades Islambouli » qui affirme agir en soutien aux musulmans tchétchènes. Selon une source proche de l’enquête citée par l’agence Interfax, c’est le même type d’engin explosif qui a été utilisé lors de cet attentat, et aux cours des ceux des 5 juillet 2003 (17 morts), 9 décembre 2003 (6 morts) et 6 février 2004 (41 morts).
Ce sont également les Brigades Islambouli qui avaient revendiqué le double attentat perpétré le 24 août contre deux avions de ligne russes (90 morts), soit 5 jours avant l’élection présidentielle en Tchétchénie. Les deux appareils avaient explosé en vol, quasi simultanément et quelques minutes après avoir décollé d’un même aéroport moscovite. Après avoir retrouvé des traces d’un puissant explosif sur les décombres des deux Tupolev (un 154 et un 134), l’enquête des services spéciaux russes avaient déterminé que les deux auteurs présumés étaient des passagères munies de passeport portant des noms à consonance tchétchène.
Moscou soutenu dans l’épreuve
Ces derniers épisodes, survenus à un rythme soutenu et rapproché, confirme que Moscou est bien aujourd’hui la cible prioritaire d’un terrorisme qui puise largement ses racines dans le conflit de la république séparatiste de Tchétchénie. Malgré 10 ans d’une guerre dévastatrice, l’armée russe et ses milices n’ont pas réussi à y rétablir concrètement la souveraineté de Moscou. Et, depuis 1996, cette affaire a donné lieu à une impressionnante série d’attaques, dont la spectaculaire et dramatique prise d’otages du théâtre de Moscou par un commando tchétchène, en octobre 2002.
Mercredi, la presse russe se montrait très sévère à l’égard des services chargés de la sécurité du pays. Selon elle, le même groupe est responsable des attentats commis ces derniers jours bien que « la police, le Parquet et le FSB (les services secrets) ont refusé de se rendre à l’évidence ». Les journaux dénoncent les mesures de sécurité tardive prises par les autorités et s’attendent à d’autres actions. Le ministre de la Défense approuve. Ce ne sera « malheureusement pas le dernier acte terroriste », a déclaré Sergueï Ivanov, estimant qu’on avait déclaré à la Russie « une guerre sans adversaires visibles ni ligne de front ».
Ce contexte d’épreuves répétées et de menace terroriste international neutralise ou atténue considérablement les critiques sur la brutalité des méthodes employées en Tchétchénie par l’armée russe et ses milices. Le président Vladimir Poutine peut à présent réaffirmer, sans craindre de choquer ni d’embarrasser ses hôtes, son intention de combattre les indépendantistes jusqu’au bout, tout en les associant au terrorisme international. Il reçoit désormais des messages compréhensifs de soutien et d’encouragements de la part de ses homologues, comme ce fut le cas mardi à Sotchi sur les bords de la mer Noire où M. Poutine recevait son homologue français et le chancelier allemand. Ces derniers ont souligné le caractère forcément politique que devrait revêtir le règlement de la crise tchétchène. Gerhard Schröder a évoqué une « solidarité critique », tandis que Jacques Chirac rappelait la « limite que chacun peut comprendre et que personne ne peut sérieusement contester : l’unité territoriale de la fédération de Russie ».
Mercredi, les autorités ont ordonné le déploiement de renforts de troupes autour de dizaines d’installations nucléaires de la fédération.
par Georges Abou
Article publié le 01/09/2004 Dernière mise à jour le 02/09/2004 à 09:05 TU