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Pakistan

Attentat meurtrier à Multan

Deux explosions contre des militants sunnites, ont retenti dans le centre de la ville de Multan. 

		(Photo : AFP)
Deux explosions contre des militants sunnites, ont retenti dans le centre de la ville de Multan.
(Photo : AFP)
L’explosion d’une voiture piégée sur les lieux d’un rassemblement de musulmans sunnites dans la ville de Multan, au centre du Pakistan, a fait plusieurs dizaines de victimes. Cet attentat marque une nouvelle escalade dans le cycle infernal des violences interconfessionnelles entre sunnites et chiites qui ensanglantent le pays depuis plusieurs années.

Il faisait nuit noire lorsqu’en moins d’une minute, deux explosions ont retenti dans le centre de la ville de Multan dans la province du Pendjab, le 7 octobre vers 4h40 du matin. Au moins une voiture piégée est à l’origine de ces déflagrations qui ont eu lieu en plein milieu d’un rassemblement de militants sunnites. Les engins explosifs étaient puissants car le véhicule dans lequel ils se trouvaient a, selon des témoins, été «réduit en miettes» et un large cratère a été creusé. Les premiers bilans font état d’au moins 40 victimes et une centaine de blessés. Cette attaque, qui intervient moins d’une semaine après un attentat suicide perpétré dans une mosquée chiite à Sialkot dans lequel une trentaine de personnes avaient perdu la vie, apparaît comme un nouvel épisode sanglant des affrontements entre les membres des deux communautés religieuses. Le leader sunnite extrémiste Ahmed Ludhianvi a d’ailleurs immédiatement réagi pour dénoncer «un attentat commis par des chiites».

Pour le moment néanmoins, les responsables de cette attaque n’ont pas été identifiés avec certitude. Le ministre pakistanais de l’Information, Sheikh Rashid, qui a condamné un «acte de terrorisme brutal visant à déstabiliser le Pakistan», n’a pas voulu s’avancer concernant les motivations des auteurs de ces actes. Il a simplement déclaré : «C’est peut-être un règlement de compte religieux, peut-être en représailles à Sialkot, ou quelque chose d’autre». Il a tout de même affirmé que cette attaque était vraisemblablement le fait «d’un petit nombre de terroristes appartenant à des organisations sectaires».

Risque de représailles

Il est vrai que la prudence est de mise. Car chaque attentat est susceptible d’être à l’origine de graves dérapages entre les membres des communautés chiite et sunnite. Après l’attentat de Sialkot, la semaine dernière, des centaines de jeunes chiites ont ainsi provoqué des émeutes et attaqué des bâtiments publics pour manifester leur colère. Afin de prévenir de nouvelles violences de ce type en représailles à l’attentat de Multan, des militaires ont donc été déployés dans la ville qui se situe à environ 400 kilomètres au sud de la capitale, Islamabad. Une précaution d’autant plus indispensable que les sunnites réunis à Multan étaient des militants venus se recueillir en mémoire d’un leader extrémiste assassiné en octobre 2003, Azam Tariq, dont le groupe (Sipah-e-Sahaba) est accusé d’être responsable de la mort de plusieurs dizaines de chiites et d’être à l’origine de l’attentat de Sialkot. Malgré la présence des soldats, un grand nombre de manifestants sunnites se sont d’ailleurs rendus devant l’hôpital dans lequel les blessés ont été transférés, pour crier vengeance.

Les violences entre les sunnites, qui représentent environ 80 % de la population pakistanaise, et les chiites (15 %) se sont amplifiées ces derniers mois : six attentats meurtriers, au moins, ont eu lieu depuis le début de l’année 2004 provoquant la mort de plus de 160 personnes. Mais elles sont récurrentes depuis de nombreuses années. En vingt-cinq ans, plus de 4 000 personnes ont, en effet, été tuées dans le cadre de ces affrontements interconfessionnels au Pakistan. 

Ces violences s’inscrivent, d’autre part, dans un contexte marqué par la participation du gouvernement du président Pervez Musharraf à la lutte contre le terrorisme international, engagée sous l’impulsion des Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Les autorités pakistanaises accusent d’ailleurs l’organisation terroriste d’Oussama Ben Laden, Al Qaïda, d’avoir des liens avec les groupes sunnites extrémistes du pays et d’attiser les haines avec les chiites, dans l’espoir de «déstabiliser» le Pakistan. C’est donc dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que Pervez Musharraf a déclaré hors la loi un certain nombre de groupes islamiques parmi lesquels le Sipah-e-Sahaba et que les forces de sécurité ont éliminé, le 26 septembre, Amjad Farooqi, un activiste sunnite accusé d’être le recruteur d’Al Qaïda au Pakistan. Cette opération qui a abouti à la mort de Farooqi est, selon la police pakistanaise, l’événement qui a provoqué l’attentat contre la mosquée chiite de Sialkot et a enclenché l’engrenage des violences qui s’est poursuivi à Multan. Dans ce contexte, les autorités craignent que l’escalade ne se poursuive et que de nouveaux attentats ne soient perpétrés.

par Valérie  Gas

Article publié le 07/10/2004 Dernière mise à jour le 07/10/2004 à 14:36 TU