Cameroun
Les partisans de Biya s’affairent à crédibiliser sa réélection
(Photo: AFP)
Mardi, l’accès, par une piste serpentant un quartier du centre-ville de Yaoundé, au siège provincial du Social democratic front (SDF), était bloqué par une cinquantaine de gendarmes, rejoints plus tard, par des policiers. Le parti de John Fru Ndi, candidat classé second avec 17,13% des suffrages, derrière Paul Biya du RDPC crédité d’un score de 75,24% selon les chiffres officiels relatifs à l’élection du 11 octobre, tenait une conférence de presse, qui n’était pas manifestement du goût des autorités.
Il n’empêche: le principal parti d'opposition, qui demande l’annulation du scrutin pour cause d’irrégularités, y est allé de ses chiffres à lui, qui donnent son candidat vainqueur de l’élection présidentielle, avec 43% des suffrages, devant le porte-étendard du RDPC qui totaliserait un peu plus de 40% des votes. Des chiffres diffusés depuis quelques jours, et revus par le SDF, dans un document dont le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya avait déjà pu dire qu’il «ne (lui) a pas paru sérieux, car l’amateurisme se dispute la vedette avec l’irresponsabilité».
Illustration de la guerre des statistiques et de la bataille psychologique que se livrent une fraction de l’opposition et le parti au pouvoir. Et pas à fleurets mouchetés. La première partie de ce «combat» pour le RDPC tenait en quelques paris, dont celui de la victoire du candidat Paul Biya au terme d’un scrutin qui serait réputé couru et transparent. Après avoir insisté sur un taux de participation de l’ordre de 80% à 85%, le pouvoir s’attèle désormais à construire une certaine crédibilité de qui s’annonce sans conteste comme la réélection du président sortant avec la proclamation attendue des résultats officiels par la Cour suprême, agissant comme Conseil constitutionnel.
Chœur de satisfecitsDans la foulée, les partisans de Paul Biya se font un large écho des appréciations positives du déroulement du scrutin. Les médias gouvernementaux et proches du régime en place relaient avec emphase, les petites phrases, des observateurs électoraux, des plus enthousiastes qui parlent d’une élection transparente (comme un groupe de 7 anciens membres du Congrès américain, venus, semble-t-il aux frais des autorités honorer un «contrat»; comme l’Observatoire national des élections, considéré sur le papier comme le gendarme des élections; comme aussi la Fédération des églises et missions évangéliques du Cameroun, etc.) aux plus nuancés (à l’instar du groupe du Commonwealth, qui, tout en parlant d'irrégularités ne pouvant remettre en cause la sincérité du scrutin, ont recommandé l’institution d’un organisme indépendant pour conduire le processus électoral et l’informatisation des opérations), en passant par le groupe de la Francophonie, satisfait des conditions de déroulement du scrutin en dépit des «imperfections ou des défaillances».
Dans ce chœur de satisfecits, la partition des observateurs chrétiens des élections, évoquant les fraudes et les irrégularités, a sonné faux aux oreilles du pouvoir qui, embarrassé, a dû obtenir de certains membres influents du clergé, dont Mgr Victor Tonye Bakot, archevêque de Yaoundé et actuel président de la Conférence épiscopale nationale, que cette voix catholique soit plus prudente…
Déjà bien servis par les observateurs, les partisans de Paul Biya ont au surplus mobilisé de universitaires, en l’occurrence des spécialistes du droit, dont certains considèrent les accusations de fraudes comme une rengaine, et d’autres développent rien moins qu’un «plaidoyer pour la logique institutionnelle». Le tout, dans l’optique de faire accepter les résultats des élections par les adversaires du président sortant. Ce dernier,peut au demeurant, se frotter les mains: certains de ses challengers, certes de peu de poids (Hemeni Bieleu de l’UFDC, George Nyamndi du SLC), ont d’ores et déjà dit s’incliner devant le verdict des urnes, tandis que Célestin Bedzigui, directeur adjoint de campagne de Adamou Ndam Njoya, candidat de l’UDC et porte-flambeau d’une coalition des forces d’opposition, a, contre toute attente, appelé à accepter les résultats officiels, alors même que son camp a saisi la Cour suprême d’un recours en annulation de l’élection du 11 octobre. Mais de toutes, la reconnaissance du président français Jacques Chirac, est de loin la plus précieuse dont Paul Biya ait bénéficié.par Valentin Zinga
Article publié le 21/10/2004 Dernière mise à jour le 21/10/2004 à 10:22 TU