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Irak

La bataille de Falloujah imminente

A Falloujah, maison détruite par un raid aérien américain le 30 septembre 2004. 

		(Photo: AFP)
A Falloujah, maison détruite par un raid aérien américain le 30 septembre 2004.
(Photo: AFP)
Encerclée depuis déjà plus de deux semaines par l’armée américaine qui multiplie les raids aériens sur l’agglomération, la ville rebelle de Falloujah s’apprête à subir une attaque majeure, opération dont l’a menacée à plusieurs reprises le gouvernement d’Iyad Allaoui. Ce fief de la résistance sunnite, devenu un symbole de la lutte contre l’occupation en avril dernier -les marines américains avaient été à l’époque contraints de capituler après plus de trois semaines de combats meurtriers- est soupçonné d’abriter le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, accusé par l’administration américaine d’être le principal responsable des violences en Irak. Des négociations de la dernière chance ont réuni ce week-end notables de la ville et représentants du gouvernement mais les combats semblent cependant inévitables tant les positions des deux parties paraissent aujourd’hui inconciliables.

Les violents combats dont Falloujah a été le théâtre en avril dernier sont encore dans toutes les mémoires et la ville rebelle, qui a conquis à cette époque ses titres de gloire, sait que la bataille qui s’annonce risque de lui être fatale. Déjà dévastateurs au printemps, les accrochages à venir promettent d’être encore plus meurtriers au vu des préparatifs militaires engagés ces derniers temps par l’armée américaine qui sait qu’elle a une revanche à prendre. Sa capitulation en avril à Falloujah, après une offensive qui en trois semaines a coûté la vie à une centaine de ses soldats et à près de mille Irakiens en majorité des civils, avait en effet sonné la première victoire militaire de la rébellion depuis la chute du régime de Saddam Hussein un an plus tôt. Ne pouvant se permettre une seconde défaite, les soldats américains, soutenus par les troupes de la nouvelle armée irakienne, devraient donc lancer une offensive extrêmement brutale avec des bombardements intensifs pour préparer l’entrée des troupes au sol dans la ville.

Depuis le 14 octobre, cette bataille de Falloujah paraît inévitable. Ce jour-là, le Premier ministre Iyad Allaoui avait en effet posé un ultimatum aux habitants de la ville, exigeant notamment d’eux qu’ils lui livrent le Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui sous peine d’«une opération d’envergure». Les dignitaires de la cité rebelle avaient ouvertement ignoré la menace, affirmant ne pas savoir où se cache le jihadiste dont la tête a été mise à prix 25 millions de dollars par Washington. Cette réponse avait entraîné dans la soirée-même l’encerclement de l’agglomération par l’armée américaine et l’intensification des bombardements aériens contre ce que son commandement qualifie immanquablement de positions de la guérilla. Cette dégradation de la situation sécuritaire n’a fait qu’accélérer le départ en masse des habitants de la ville qui depuis un mois et demi avaient commencé à quitter leur foyer. L’armée américaine estime ainsi que la population est passée de 350 000 à 60 000 personnes en quelques semaines tandis que l’un des chefs politiques de la rébellion sunnite, cheikh Taghloub al-Alousi, a lui évoqué le départ de Falloujah de «90% des femmes, enfants et vieillards». Dans ce contexte, l’offensive contre la ville rebelle, dont le lancement semble désormais inévitable, s’annonce des plus violentes.

Deux positions inconciliables

Confirmant l’imminence d’une opération d’envergure contre le fief de la guérilla sunnite, le Premier ministre Iyad Allaoui a affirmé ce week-end que le bras de fer entre son gouvernement et les rebelles retranchés à Falloujah était entré dans «sa phase finale». «Si nous ne pouvons résoudre ce problème pacifiquement, je n’ai pas d’autre choix que d’avoir recours à une action militaire et je le ferai le cœur gros», a-t-il insisté. Samedi des négociations de la dernière chance avaient réuni dans la journée notables de la ville et représentants du chef de l’exécutif sans qu’il n’y ait eu aucune avancée perceptible. Elle s’étaient poursuivi dimanche en vain. Iyad Allaoui a de son côté rencontré dans la soirée de samedi, autour d’un repas de rupture du jeûne du mois de ramadan, des chefs tribaux de Falloujah et Ramadi, l’autre bastion de la rébellion. Le Premier ministre, qui a réaffirmé à ces notables la détermination de son gouvernement à asseoir son autorité dans ces villes en prévision notamment des élections générales officiellement prévues en janvier prochain, leur a également posé trois conditions qui, selon lui, pourraient épargner les agglomérations sunnites d’une offensive militaire d’envergure.

Le chef du gouvernement a ainsi appelé les habitants de ces villes à «remettre –aux autorités irakiennes– les terroristes étrangers ou aider à leur capture». Il a également exigé que «la police et la Garde nationale puissent entrer à Falloujah avec un soutien de la Force multinationale» qui n’a pas eu accès à ce territoire depuis plus de sept mois. Il a enfin invité les insurgés à «remettre les armes lourdes et moyennes» aux troupes irakiennes. Ces exigences d’Iyad Allaoui ne devraient toutefois pas trouver d’écho auprès de la rébellion sunnite qui n’est apparemment pas prête à concéder plus que ce qu’elle avait accordé en avril dernier. La guérilla de Falloujah avait à l’époque accepté le seul déploiement d’une «brigade Falloujah», un contingent de l’armée irakienne composé uniquement d’hommes originaire de la ville. La mise en œuvre de cet accord censé mettre fin aux violences avait cependant très vite échoué, cette brigade s’étant révélée n’être qu’une marionnette aux mains des insurgés.

Le refus des deux parties de faire la moindre concession –les rebelles n’ont aucune intention d’abandonner le terrain aux autorités irakiennes pour qui la reconquête des régions sunnites est pourtant vitale dans la perspective des élections de janvier– augure bien mal d’un apaisement de la situation. Chacun se prépare d’ailleurs à un affrontement qui s’annonce d’ores et déjà meurtrier. 



par Mounia  Daoudi

Article publié le 01/11/2004 Dernière mise à jour le 01/11/2004 à 14:52 TU