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Ukraine

Détermination intacte

En signe de protestation contre les résultats de l’élection présidentielle, depuis trois jours une vague orange envahit les rues de Kiev et les principales villes d’Ukraine. 

		(Photo : AFP)
En signe de protestation contre les résultats de l’élection présidentielle, depuis trois jours une vague orange envahit les rues de Kiev et les principales villes d’Ukraine.
(Photo : AFP)
Au troisième jour de manifestations en Ukraine, la mobilisation reste exceptionnelle pour réclamer la reconnaissance de la victoire électorale de l’opposant Viktor Iouchtchenko. Bravant un froid très vif, des centaines de milliers de manifestants étaient de nouveau attendus mercredi dans les rues de Kiev pour défier pacifiquement le pouvoir pro-russe. Les forces de l’ordre font preuve de retenue. De nombreux signes de ralliements commencent à apparaître au sein de l’administration, réputée fidèle au régime sortant.
De notre envoyé spécial à Kiev.
Est-ce un empoisonnement qui a causé le vieillissement prématuré de Viktor Iouchtchenko en l'espace de 4 mois&nbsp;? <A href="http://www.rfi.fr/actufr/articles/059/article_32010.asp">En savoir plus</A>. 

		(Photo : AFP)
Est-ce un empoisonnement qui a causé le vieillissement prématuré de Viktor Iouchtchenko en l'espace de 4 mois ? En savoir plus.
(Photo : AFP)

Cette 3ème journée a commencé comme les précédentes avec des dizaines milliers de personnes convergeant vers la place de l’Indépendance et l’avenue Krechiatik où certains ont passé leur 2ème nuit sous les tentes, malgré un froid glacial. La nuit dernière, des manifestants s’étaient massé devant le bâtiment de l’administration présidentielle fortement défendu par les forces de l’ordre, repoussant de leurs boucliers ceux qui tentaient de s’approcher de trop près, mais sans violence. On a même vu certains membres des forces spéciales accrocher à leur bouclier un ruban orange, le signe de ralliement de l’opposition.

Dans un communiqué, le chef de l’Etat Léonide Koutchma a affirmé qu’il ne ferait pas usage de la force, qualifiant la prise de serment symbolique de Viktor Iouchtchenko de « farce politique dangereuse ». Il appelle à des négociations pour trouver un compromis mais la marge de manœuvre est très étroite. Selon l’une des responsables de l’opposition, Ioulia Timoshenko, la seule issue possible est une passation de pouvoir en faveur de Viktor Iouchtchenko. On est donc encore dans une impasse politique face à une mobilisation qui ne faiblit. Certes des partisans de Viktor Ianokovitch sont arrivés à Kiev et ont investi un parc de la ville, mais ils ne sont que quelques centaines face aux centaines de milliers de partisans de l’opposition.

La mobilisation est toujours très forte. Mardi dans la journée, ce fut une marée discontinue, orange, comme la couleur symbolisant le combat de Viktor Iouchtchenko et qui fleurit désormais partout dans Kiev. On distribue en effet des rubans oranges à tous les coins de rue, on en habille les arbres, les marronniers qui bordent l’avenue Krechiaitik où des milliers de personnes ont passé une nouvelle nuit sous les tentes, car une partie de la principale artère de Kiev est constellée de canadiennes, collées les unes aux autres pour y dormir malgré le froid glacial et la neige qui tombe sans discontinuer. Des tentes ont également été plantées devant le bâtiment de la présidence où les manifestants avaient convergé dans la soirée et où les forces de l’ordre les y attendaient en nombre. Mercredi, en début de matinée, la foule se dirigeait à nouveau vers le centre Kiev, place de l’Indépendance, pour la 3ème journée consécutive de manifestations.

Ioula Timoshenko, ancienne ministre et alliée de Viktor Iouchtchenko. <A href="http://www.rfi.fr/francais/actu/articles/059/article_32011.asp">Portrait.</A> 

		(Photo : AFP)
Ioula Timoshenko, ancienne ministre et alliée de Viktor Iouchtchenko. Portrait.
(Photo : AFP)

Négocier, mais quoi ?

Des propositions ont été formulées par le président sortant, Léonide Koutchma, dans un message lu sur les chaînes de télévision mais le chef de l’Etat, toujours en exercice, n’a pas été vu physiquement ce qui pose également un certain nombre de questions. Entre qui et qui propose-t-il d’ouvrir des discussions ? Pour quoi faire ? Il n’y pas grand chose au fond à négocier et la représentante de l’opposition Ioulia Timoshenko a immédiatement déclaré que ces pourparlers devaient fixer les conditions du passage du pouvoir à Viktor Iouchtchenko qui, aujourd’hui, est porté par une vague populaire qui ne l’autorise guère à faire quelque concession que ce soit au camp adverse.

Les visions, les projets des deux candidats pour l’avenir de l’Ukraine sont en effet totalement inconciliables. Il y a d’un côté une aspiration à la démocratie et à l’Etat de droit. Et de l’autre un ancrage dans le monde post-soviétique fondé sur l’autoritarisme et une corruption généralisée au profit de clans oligarchiques. Et le fait que seuls le président russe Vladimir Poutine et son homologue biélorusse, l’autocrate Alexandre Loukachenko, aient félicité Viktor Ianoukovitch démontre l’ampleur de la fracture politique  entre les 2 candidats.

La division du pays dont on parle tant est certainement moins marquée qu’on ne le dit. Certes, l’est du pays est davantage russophone. C’est aussi une région très déprimée économiquement où l’on a pu être sensible au doublement des salaires et des retraites, décidé par Viktor Ianoukovitch quinze jours avant le 1er tour. La propagande contre Viktor Iouchtchenko y est aussi très violente : on l’a empêché de faire campagne dans ces régions orientales et les télévisions ukrainiennes et russes (qui sont aussi captées en Ukraine) ont opéré un lavage de cerveau, dépeignant Iouchtchenko comme un radical ultra nationaliste, voire nazi et farouchement anti-russe. On est allé jusqu’à se moquer de la mystérieuse maladie qui l’a totalement défiguré. Mais hier par exemple, un habitant de Donetsk qui arrivait à Kiev pour soutenir les manifestants expliquait que les gens avaient peur de s’exprimer et de déclarer leur sympathie pour l’opposition.

Principales villes d'Ukraine qui ont proclamé Viktor Iouchtchenko vainqueur du scrutin. 

		(Carte : NG/RFI avec GéoAtlas)
Principales villes d'Ukraine qui ont proclamé Viktor Iouchtchenko vainqueur du scrutin.
(Carte : NG/RFI avec GéoAtlas)

Ralliements significatifs

Plus de 48 heures après le scrutin, l’heure est désormais au ralliement d’une partie de l’appareil d’Etat vers le camp de l’opposition : ce n’est pas encore un mouvement massif mais il est très significatif. Cent-cinquante diplomates ukrainiens, dont le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, ont déclaré dans un communiqué qu’ils ne reconnaissaient pas la victoire du candidat du pouvoir, Viktor Ianoukovitch et que l’Ukraine avait besoin d’un président qui dispose de la confiance du peuple. Plus important encore, 2 membres de la commission électorale centrale ont fait sécession et refusent de signer le protocole final qui validerait les résultats et ils invitent leurs collègues à faire de même. La commission a reçu des plaintes innombrables, faisant état de violations lors du vote et, disent-ils, la commission a choisi de les ignorer.

Enfin plus anecdotique mais tout aussi indicatif, cette démonstration de membres des forces spéciales, de faction devant le bâtiment de l’administration présidentielle, qui arboraient le fameux ruban orange signe de ralliement de l’opposition, et qui a littéralement envahi la capitale. Certes, ce sont les manifestants qui les avaient accroché à leurs boucliers mais ils ne les ont pas enlevés, même lorsque certains ont quitté leur poste ce qui leur a valu d’être acclamé par la foule des manifestants. On devrait selon toute vraisemblance observer d’autres ralliements aujourd’hui.


par Jean-Frédéric  Saumont

Article publié le 24/11/2004 Dernière mise à jour le 24/11/2004 à 13:38 TU

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Thijs Berman

Député européen socialiste des Pays-Bas

«Il y a tant de fraudes, c'est inextricable. Il faut refaire le deuxième tour. L'opposition, Iouchtchenko a raison, il faut faire un deuxième tour.»

[25/11/2004]

«Cent cinquante diplomates [ukrainiens] dont le porte-parole du ministère des Affaires étrangères ont reconnu la victoire de Victor Iouchtchenko.»

[24/11/2004]

Envoyé spécial à Kiev

«Ce matin la foule se dirige à nouveau vers la centre de Kiev pour la troisième journée consécutive.»

[24/11/2004]

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